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29/10/2015 | FRANCE | N°15NC01615

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 29 octobre 2015, 15NC01615


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le comité d'entreprise de la société Al-Babtain France a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 28 janvier 2015 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Champagne-Ardenne a homologué le document élaboré par la société Al-Babtain France fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi.

Par un jugement n° 1500557 du 18 juin 2015, le tribunal admin

istratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le comité d'entreprise de la société Al-Babtain France a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 28 janvier 2015 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Champagne-Ardenne a homologué le document élaboré par la société Al-Babtain France fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi.

Par un jugement n° 1500557 du 18 juin 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 août 2015, le comité d'entreprise de la société Al-Babtain France, représenté par Me A..., demande à la cour :

1) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 18 juin 2015 ;

2) d'annuler la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Champagne-Ardenne en date du 28 janvier 2015 ;

3) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision en litige méconnaît les articles L. 1233-30 et L. 1233-57-7 du code du travail ainsi que la circulaire DGEFP/DGT n° 2013/13 du 19 juillet 2013 ; le retrait, dans la dernière version du plan soumis au comité d'entreprise, du projet de filialisation constitue un bouleversement du projet de restructuration nécessitant une reprise de la procédure d'information-consultation depuis l'origine et non au stade où les irrégularités ont été constatées ;

- le nombre de licenciements envisagés est passé de 129 à 143 en cours de procédure et les catégories professionnelles ont été modifiées ; le comité d'entreprise n'a pas été consulté sur ces points en méconnaissance des articles L. 1233-31 et L. 1233-57-7 du code du travail ;

- l'information fournie au comité d'entreprise en ce qui concerne le " business plan " et l'impact sur le bassin d'emploi était incomplète ;

- la société a refusé, postérieurement au refus d'homologation en date du 14 novembre 2014 d'un premier document valant plan de sauvegarde de l'emploi, de communiquer des pièces à l'expert désigné par le comité d'entreprise ; celui-ci n'a ainsi pu prendre en compte, en particulier, l'impact de l'abandon du projet de filialisation et la mise à jour des projections d'activité ;

- le comité d'entreprise n'a pas été régulièrement consulté sur l'utilisation du crédit d'impôt compétitivité emploi ;

- les mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi sont insuffisantes ; le coût de ces mesures est limité à 1,8 millions d'euros, budget identique à celui mobilisé dans le premier document ayant fait l'objet d'un refus d'homologation et qui n'est pas proportionné aux moyens dont dispose le groupe Al-Babtain ; l'autorité administrative n'a pas vérifié si les mesures étaient suffisamment incitatives pour permettre le reclassement externe des salariés ; les mesures concernant les aides à la formation, à la création d'entreprise et à la mobilité géographique ainsi que celles relatives à l'allocation temporaire dégressive sont particulièrement insuffisantes.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 septembre 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le comité d'entreprise requérant n'est fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 septembre 2015, la société Al-Babtain France, représentée par le cabinet d'avocats Advis, conclut :

1) au rejet de la requête ;

2) à la condamnation du comité d'entreprise de la société Al-Babtain France à lui verser une somme de 10 000 euros en raison du caractère abusif de la procédure ;

3) à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge du comité d'entreprise de la société Al-Babtain France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par le comité d'entreprise requérant n'est fondé.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la société Al-Babtain France tendant à la condamnation du comité d'entreprise de cette société à lui verser 10 000 euros en raison du caractère abusif de la procédure, la possibilité d'infliger une telle amende relevant des pouvoirs propres du juge en vertu de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Fuchs,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de MM. B...et D...pour le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et de Me C...pour la société Al-Babtain France.

1. Considérant que la société Al-Babtain France, qui a pour activité la conception, la fabrication et la distribution de mâts, a engagé, le 27 juin 2014, une procédure de licenciement collectif pour motif économique de 129 salariés ; que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Champagne-Ardenne a d'abord refusé, le 14 novembre 2014, d'homologuer le document valant plan de sauvegarde de l'emploi en raison, en particulier, des irrégularités dans la consultation du comité d'entreprise et de l'insuffisance des mesures d'accompagnement au regard des moyens du groupe saoudien Al-Babtain ; que, le 8 janvier 2015, la société a déposé auprès du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Champagne-Ardenne une nouvelle demande d'homologation ; que, par la décision du 28 janvier 2015 en litige, celui-ci a procédé à cette homologation ; que le comité d'entreprise requérant relève appel du jugement en date du 18 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur la légalité de la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi :

En ce qui concerne la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre.(...) " ; que les articles L. 1233-24-1 et L. 1233-24-4 du même code prévoient que le contenu de ce plan de sauvegarde de l'emploi peut être déterminé par un accord collectif d'entreprise et, qu'à défaut d'accord, il est fixé par un document élaboré unilatéralement par l'employeur ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 1233-57-3 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision litigieuse : " En l'absence d'accord collectif (...) l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L.1233-24-4, après avoir vérifié (...) la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise (...) " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 1233-28 du code du travail que l'employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours doit réunir et consulter, selon le cas, le comité d'entreprise ou les délégués du personnel ; qu'à ce titre, le I de l'article L. 1233-30 du même code dispose, s'agissant des entreprises ou établissements qui emploient habituellement au moins cinquante salariés, que : " (...) l'employeur réunit et consulte le comité d'entreprise sur : / 1° L'opération projetée et ses modalités d'application, conformément à l'article L. 2323-15 ; / 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi. (...) Le comité d'entreprise tient au moins deux réunions espacées d'au moins quinze jours " ; qu'aux termes de l'article L. 1233-31 du même code : " L'employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif. Il indique : 1° La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ; 2° Le nombre de licenciements envisagé ; 3° Les catégories professionnelles concernées et les critères proposés pour l'ordre des licenciements ; 4° Le nombre de salariés, permanents ou non, employés dans l'établissement ; 5° Le calendrier prévisionnel des licenciements ; 6° Les mesures de nature économique envisagées. " (...) " ; que l'article L. 1233-32 du même code dispose que, dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, l'employeur adresse aux représentants le plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'enfin, l'article L. 2323-15 du code du travail dispose que : " Le comité d'entreprise est saisi en temps utile des projets de restructuration et de compression des effectifs. / Il émet un avis sur l'opération projetée et ses modalités d'application dans les conditions et délais prévus à l'article L.1233-30, lorsqu'elle est soumise à l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi. (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions citées ci-dessus que, lorsqu'elle est saisie par un employeur d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail et fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise a été régulière ; qu'elle ne peut légalement accorder l'homologation demandée que si le comité a été mis à même d'émettre régulièrement un avis, d'une part, sur l'opération projetée et ses modalités d'application et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'il appartient à ce titre à l'administration de s'assurer que l'employeur a adressé au comité d'entreprise, avec la convocation à sa première réunion, ainsi que, le cas échéant, en réponse à des demandes exprimées par le comité, tous les éléments utiles pour qu'il formule ses deux avis en toute connaissance de cause ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1233-57-7 du code du travail : " En cas de décision de refus (...) d'homologation, l'employeur, s'il souhaite reprendre son projet, présente une nouvelle demande après y avoir apporté les modifications nécessaires et consulté le comité d'entreprise " ; que l'article D. 1233-14-3 du même code dispose : " En cas de décision de refus de validation ou d'homologation, le comité d'entreprise est consulté préalablement à la nouvelle demande sur l'accord collectif ou le document unilatéral après que les modifications nécessaires ont été apportées " ; qu'il ne résulte pas de ces dispositions qu'à la suite d'un refus d'homologation l'entreprise se trouve dans l'obligation de reprendre la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise dans son intégralité, sauf dans l'hypothèse où elle présenterait un plan entièrement nouveau ou comportant des modifications substantielles ; qu'il lui appartient d'apporter, si elle le souhaite, les modifications nécessaires à son projet initial et de soumettre à nouveau l'accord collectif ou le document unilatéral à ce comité ;

6. Considérant qu'après qu'un refus d'homologation d'un premier document unilatéral lui a été opposé le 14 novembre 2014, la société Al-Babtain France a repris la procédure, modifié son projet et soumis, en dernier lieu le 19 décembre 2014, un nouveau document au comité d'entreprise, lequel a estimé, le 5 janvier 2015, ne pas être en mesure de donner un avis éclairé sur le projet de restructuration et le plan de sauvegarde de l'emploi qui lui étaient présentés ; que ce second document unilatéral a été transmis à l'administration le 8 janvier 2015 ; qu'il ressort des pièces du dossier que ce nouveau document a supprimé toute référence à un éventuel projet de filialisation, que l'administration n'estimait pas suffisamment précis dans le cadre de la première demande d'homologation qui lui avait été soumise ; que cette suppression n'a pas entraîné de modification substantielle du contenu du projet de restructuration ou du plan de sauvegarde de l'emploi qui aurait rendu nécessaire la reprise de la procédure dans son intégralité ; que, par suite, ni les dispositions précitées du code du travail ni, en tout état de cause, celles de la circulaire du 19 juillet 2013 DGEP/DGT n° 2013/13 relative à la mise en oeuvre de la procédure de licenciement économique collectif, n'ont été méconnues ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 1233-31 du code du travail, il appartient à l'employeur d'informer le comité d'entreprise du nombre de licenciements envisagés et des catégories professionnelles concernées ; que, contrairement à ce que soutient le comité d'entreprise, il ressort tant du projet initial du plan de sauvegarde de l'emploi du 27 juin 2014, que des différentes versions ultérieures des 4 septembre, 11 septembre , 30 septembre, 24 novembre 2014 ainsi que du projet finalement homologué, présenté devant le comité d'entreprise en dernier lieu le 5 janvier 2015, que le nombre de licenciements, prévu à 129, n'a pas varié ; que les huit contrats d'apprentissage et de professionnalisation concernés n'ont jamais été pris en compte dans ces 129 licenciements, une nouvelle répartition de ces contrats au sein des catégories existantes ayant seulement été réalisée à la demande de l'administration, alors qu'ils étaient au départ identifiés comme une catégorie propre ; qu'il ressort également des procès-verbaux des séances du comité d'entreprise des 4 juillet, 10 juillet, 23 juillet, 19 août, 11 septembre, 30 septembre, 3 octobre, 6 octobre, 4 décembre, 15 décembre 2014 et 5 janvier 2015 que les représentants du personnel ont reçu toute l'information nécessaire tant sur le nombre de licenciements que sur la modification des catégories professionnelles concernées ; que cette modification, qui n'a eu d'influence ni sur le sens de l'avis émis par le comité d'entreprise, ni sur celui de la décision contestée, n'a pas eu pour effet d'augmenter le nombre des licenciements ; que le comité d'entreprise a été mis à même de donner un avis éclairé sur ces points sans que soient méconnues les dispositions des articles L. 1233-31 et L. 1233-57-3 du code du travail ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le comité d'entreprise a été informé, en particulier lors de la réunion du 6 octobre 2014, des conséquences de l'abandon du projet de travail en journée au lieu du travail en équipe, qui aurait entraîné la suppression de la prime dite d'équipe accordé aux salariés ; que la société a en outre précisé que l'évaluation du coût de la main-d'oeuvre dans le " business plan " restait inchangée, dans la mesure où l'hypothèse d'une suppression de cette prime n'avait pas été prise en compte dans ce document ; que ces questions, qui n'ont plus été abordées lors des réunions des 4 et 15 décembre, ont fait l'objet d'une réponse écrite aux questions posées le 9 décembre par le comité d'entreprise ; que ces points ont à nouveau été abordés dans la motion du comité d'entreprise du 5 janvier 2015, à laquelle l'employeur a répondu le 8 janvier 2015 ; qu'ainsi, et en tout état de cause, l'information du comité d'entreprise sur ces points a été claire et suffisante ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que la société Al-Babtain France, qui compte 485 salariés, n'entre pas des dispositions de l'article L. 1233-84 du code du travail ; qu'elle n'était pas tenue ni à ce titre, ni au titre des dispositions précitées de l'article L. 1233-57-3 du code du travail, de délivrer des informations relatives à l'incidence du plan de sauvegarde de l'emploi dans le bassin d'emploi ; qu'est sans incidence la circonstance que l'entreprise aurait apporté des éléments, que le requérant estiment insuffisants, relatifs à ce point ; que le moyen tiré de l'insuffisance d'information du comité d'entreprise sur ces points ne peut donc être utilement invoqué ;

10. Considérant, en cinquième lieu, que le requérant reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau, les moyens tirés du défaut d'information, par la société Al-Babtain France, de l'expert désigné par le comité d'entreprise et de l'absence de consultation du comité d'entreprise sur le crédit d'impôt compétitivité emploi ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;

En ce qui concerne la conformité du contenu du plan de sauvegarde de l'emploi aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. / Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1233-24-4 du même code : " A défaut d'accord (...), un document élaboré par l'employeur après la dernière réunion du comité d'entreprise fixe le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et précise les éléments prévus aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, dans le cadre des dispositions légales et conventionnelles en vigueur " ; qu'aux termes de l'article L. 1233-57-3 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision litigieuse : " (...) l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L.1233-24-2, la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise et (...) le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; / 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1 " ;

12. Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions citées ci-dessus que, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier la conformité de ce document et du plan de sauvegarde de l'emploi dont il fixe le contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables, en s'assurant notamment du respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des dispositions des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du même code ; qu'à ce titre elle doit, au regard de l'importance du projet de licenciement, apprécier si les mesures contenues dans le plan sont précises et concrètes et si, à raison, pour chacune, de sa contribution aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés, elles sont, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire à ces objectifs compte tenu, d'une part, des efforts de formation et d'adaptation déjà réalisés par l'employeur et, d'autre part, des moyens dont disposent l'entreprise et, le cas échéant, l'unité économique et sociale et le groupe ;

13. Considérant qu'à ce titre, il revient notamment à l'autorité administrative de s'assurer que le plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi est de nature à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité ; que l'employeur doit, à cette fin, avoir identifié dans le plan l'ensemble des possibilités de reclassement des salariés dans l'entreprise ; qu'en outre, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, l'employeur, seul débiteur de l'obligation de reclassement, doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles pour un reclassement dans les autres entreprises du groupe ; que pour l'ensemble des postes de reclassement ainsi identifiés, l'employeur doit avoir indiqué dans le plan leur nombre, leur nature et leur localisation ;

14. Considérant, d'une part, qu'il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Champagne-Ardenne s'est assuré que le plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi est de nature à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité ; qu'outre l'accent mis sur les départs volontaires, l'entreprise privilégie les reclassements en interne, sur le site ou à l'étranger, ainsi que le reclassement externe des salariés, principalement dans le département de l'Aube ; que les mesures d'accompagnement du plan de sauvegarde de l'emploi sont adaptées aux personnes concernées ; que le montant individuel moyen des aides à la formation est fixé à 5 000 euros par salarié et s'inscrit dans une enveloppe mutualisée et fongible de 650 000 euros permettant de financer les dossiers les plus coûteux ; que les mesures de soutien et d'aide à la création d'entreprises représentent un montant unitaire de 5 000 euros, pour un budget mutualisé total de 100 000 euros permettant de déplafonner ce montant, ainsi qu'un appui logistique ; qu'en ce qui concerne les aides à la mobilité géographique, le plan, outre qu'il prévoit le remboursement des frais de déménagement, prend notamment en charge les frais de double résidence à hauteur de 900 euros pendant une durée de six mois, une prime d'installation de 1 000 euros, augmentée de 1 000 euros pour le conjoint et de 500 euros par enfant à charge ; que l'employeur prévoit également de solliciter l'Etat en vue de la conclusion d'une convention d'allocation temporaire dégressive dans le cadre d'une convention du fonds national pour l'emploi, permettant de compenser la perte de rémunération des salariés à hauteur de 70% dans la limite de 350 euros par mois pendant les douze premiers mois et 70 % dans la limite de 250 euros du 13e au 24e mois, à laquelle s'ajoute une prime de reclassement rapide pouvant atteindre 3 500 euros ; que ces mesures, qui sont précises et concrètes, contribuent chacune aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés ;

15. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que le montant des moyens affectés au plan de sauvegarde de l'emploi, qui ont été renforcés à la suite du refus d'homologation du premier document unilatéral soumis à l'administration, s'élève à une somme moyenne de 22 269 euros par salarié concerné ; que les mesures mentionnées au point 14 sont propres à satisfaire aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés et sont proportionnées aux moyens du groupe Al-Babtain, qui emploie environ 3 000 salariés dans le monde et a réalisé un chiffre d'affaires de 269 millions d'euros en 2013 ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le comité d'entreprise requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions de la société Al-Babtain France tendant à l'application des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative :

17. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros " ; que la faculté prévue par cette disposition constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de la société Al-Babtain France tendant à ce que le comité d'entreprise de cette société soit condamné à une telle amende ne sont pas recevables ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par le comité d'entreprise requérant à ce titre ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du comité d'entreprise de la société Al-Babtain France la somme demandée par cette entreprise au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du comité d'entreprise de la société Al-Babtain France est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Al-Babtain France tendant à l'application des articles R. 741-12 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au comité d'entreprise de la société Al-Babtain France, à la société Al-Babtain France et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

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N° 15NC01615


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC01615
Date de la décision : 29/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: M. Olivier FUCHS
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS ADVIS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-10-29;15nc01615 ?
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