La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/05/2016 | FRANCE | N°15NC01400

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 19 mai 2016, 15NC01400


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Guy Dauphin Environnement a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 17 février 2014 par lequel le préfet de la Moselle l'a mise en demeure de gérer 11 968,06 tonnes de déchets non inertes déposés sur le site de la société KLV Terrassement à Bourgaltroff.

Par un jugement n° 1402147 du 22 avril 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 juin 2015, la soc

iété Guy Dauphin Environnement, représentée par le cabinet Eversheds Paris LLP, demande à la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Guy Dauphin Environnement a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 17 février 2014 par lequel le préfet de la Moselle l'a mise en demeure de gérer 11 968,06 tonnes de déchets non inertes déposés sur le site de la société KLV Terrassement à Bourgaltroff.

Par un jugement n° 1402147 du 22 avril 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 juin 2015, la société Guy Dauphin Environnement, représentée par le cabinet Eversheds Paris LLP, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1402147 du 22 avril 2015 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral contesté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier ;

- l'arrêté contesté est entaché d'incompétence ;

- l'arrêté contesté méconnait le principe de personnalité des peines dès lors que la société GDE n'a pas commis l'infraction ;

- le contradictoire n'a pas été respecté en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- elle n'a pas la qualité de producteur ou de détenteur de déchets ;

- le préfet a commis une erreur de fait ;

- l'arrêté attaqué est dépourvu d'objet.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2016, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les premiers juges n'ont pas dénaturé les pièces du dossier ;

- le préfet était compétent ;

- le principe de personnalité des peines est inapplicable ;

- le préfet n'a pas méconnu la procédure contradictoire préalable ;

- l'arrêté contesté n'est pas entaché d'erreur de droit ;

- le préfet n'a pas commis d'erreur de fait quant à la qualification des déchets.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société KLV Terrassement exploite une installation de stockage de déchets inertes à Bourgaltroff. Au cours de visites sur place, l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement a constaté la présence illégale de déchets non inertes et a imputé la responsabilité du dépôt de 11 968,06 tonnes de déchets relevant de cette catégorie, à la société Guy Dauphin Environnement (GDE), qui a repris en 2012, par fusion-acquisition, la société Metaufer.

2. Par un arrêté du 17 février 2014, le préfet de la Moselle l'a mise en demeure, sur le fondement de l'article L. 541-2 du code de l'environnement qui relève de la législation sur les déchets, de gérer ces 11 968,06 tonnes de déchets non inertes.

3. La société Guy Dauphin Environnement relève appel du jugement du 22 avril 2015, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 17 février 2014.

Sur la compétence de l'auteur de l'acte :

4. La société Guy Dauphin Environnement fait valoir que le préfet de la Moselle, en l'absence de carence du maire, n'était pas habilité à prendre la décision contestée du 17 février 2014.

5. Aux termes de l'article L. 541-3 du code de l'environnement figurant dans un titre relatif à la législation des déchets : " I.-Lorsque des déchets sont abandonnés, déposés ou gérés contrairement aux prescriptions du présent chapitre et des règlements pris pour leur application, l'autorité titulaire du pouvoir de police compétente avise le producteur ou détenteur de déchets des faits qui lui sont reprochés ainsi que des sanctions qu'il encourt et, après l'avoir informé de la possibilité de présenter ses observations, écrites ou orales, dans un délai d'un mois, le cas échéant assisté par un conseil ou représenté par un mandataire de son choix, peut le mettre en demeure d'effectuer les opérations nécessaires au respect de cette réglementation dans un délai déterminé. (...) ". L'article L. 541-4 précise notamment que : " Les dispositions du présent chapitre s'appliquent sans préjudice des dispositions spéciales concernant notamment les installations classées pour la protection de l'environnement (...) ".

6. Il résulte des articles L. 541-1 et suivants du code de l'environnement, que ces dispositions ont créé un régime juridique destiné à prévenir ou à remédier à toute atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement causée par des déchets, qui constitue une police spéciale. Ce régime est distinct de celui des installations classées pour la protection de l'environnement qui figure aux articles L. 511-1 et suivants du même code.

7. A ce titre, l'article L. 541-3 confère à l'autorité investie des pouvoirs de police municipale la compétence pour prendre les mesures nécessaires pour assurer l'élimination des déchets dont l'abandon, le dépôt ou le traitement présentent de tels dangers. Ces dispositions ne font toutefois pas obstacle à ce que le préfet, en cas de carence de l'autorité municipale dans l'exercice des pouvoirs de police qui lui sont conférés au titre de la police des déchets, prenne sur le fondement de celle-ci, à l'égard du producteur ou du détenteur des déchets, les mesures propres à prévenir toute atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement. En outre, lorsque les déchets sont issus de l'activité d'une installation classée pour la protection de l'environnement, le préfet peut également, pour assurer le respect de l'obligation de remise en état prévue par l'article 34-1 du décret du 21 septembre 1977, faire usage des compétences qu'il tire de l'article L. 514-1 du code de l'environnement, à l'encontre de l'exploitant ou du détenteur de l'installation (CE 23 novembre 2011 n° 325 334).

8. Il résulte de l'instruction que par lettre du 22 janvier 2013, le maire de Bourgaltroff a informé le préfet de la Moselle qu'il considérait ne pas disposer "des compétences et moyens nécessaires" et lui a demandé "de mettre en oeuvre l'ensemble des démarches administratives permettant de remédier à cette situation". Aucun texte n'imposait au préfet de mettre en demeure le maire d'exercer les pouvoirs qu'il tient de l'article L. 541-3 du code de l'environnement avant de constater, comme il l'a fait, la situation de carence du maire. La circonstance que l'inspection des installations classées avait procédé en 2012 à des visites sur le site de la société KLV Terrassement, comme elle en avait la compétence en application de la législation sur les installations classées dont le site relevait, ne suffit pas à démontrer que le préfet avait entendu, dès l'origine, prendre des mesures au titre de la législation sur les déchets et que la carence invoquée ultérieurement par le maire de Bourgaltroff serait un artifice. Dans ces conditions et face à la carence de l'autorité municipale, le préfet était compétent pour prendre l'arrêté contesté, sur le fondement de la législation applicable aux déchets.

9. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché du vice d'incompétence doit être écarté.

Sur le principe de personnalité des peines :

10. La société requérante soutient que les faits visés par l'arrêté préfectoral contesté étaient constitutifs de l'infraction prévue au 8° de l'article L. 541-46 du code de l'environnement. Elle fait valoir que le principe de la personnalité des peines devait s'appliquer et que l'arrêté contesté aurait dû être adressé à la société Metaufer, seule responsable des faits reprochés entre septembre 2007 et mars 2012.

11. Eu égard à la fusion acquisition qui a entraîné la dissolution sans liquidation de la société Metaufer et la transmission universelle de son patrimoine à la société Guy Dauphin Environnement, le principe de personnalité des peines ne faisait pas obstacle à la prise de l'arrêté contesté par le préfet. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de personnalité des peines doit être écarté.

Sur le respect de la procédure contradictoire :

12. La société fait valoir que la procédure n'a pas été contradictoire, en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000.

13. Aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) / Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : (...) / 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière ".

14. Il résulte de l'article L. 541-3 I alinéa 1er précité que le législateur a instauré une procédure particulière au terme de laquelle l'autorité titulaire du pouvoir de police compétente avise le producteur ou détenteur de déchets des faits qui lui sont reprochés ainsi que des sanctions qu'il encourt et l'informe de la possibilité de présenter ses observations, écrites ou orales, dans un délai d'un mois, le cas échéant assisté par un conseil ou représenté par un mandataire de son choix.

15. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 est donc inopérant dès lors que l'article L. 541-3 du code de l'environnement prévoit une procédure contradictoire particulière.

16. Il résulte au demeurant de l'instruction que la société requérante a été informée, par courrier du 4 février 2013, des faits reprochés et a été invitée à faire valoir ses observations écrites dans un délai d'un mois. Si ledit courrier ne l'informait pas de la possibilité de se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 541-3 I alinéa 1er, d'une part il ressort du courrier du 19 mars 2013 que la société GDE a pu faire valoir ses observations, d'autre part, du compte rendu de la réunion du 2 avril 2013 réunissant tous les producteurs de déchets concernés, que la société a pu présenter des observations orales. Enfin, la société a été invitée à participer à d'autres réunions, les 22 mai 2013, 18 juillet 2013 et 18 septembre 2013. Par suite, le défaut d'information mentionné ci-dessus, n'a eu aucune influence sur le sens de la décision prise et la société GDV n'a été privée d'aucune garantie. Le moyen tiré du défaut du contradictoire doit, en conséquence, être écarté.

Sur le bien fondé de l'arrêté du 17 avril 2014 :

S'agissant de la qualité de producteur ou de détenteur de déchets :

17. La société GDV soutient que la société Metaufer ne pouvait être qualifiée de producteur ou détenteur de déchets.

18. Aux termes de l'article L. 541-2 du code de l'environnement : "Tout producteur ou détenteur de déchets est tenu d'en assurer ou d'en faire assurer la gestion, conformément aux dispositions du présent chapitre. / Tout producteur ou détenteur de déchets est responsable de la gestion de ces déchets jusqu'à leur élimination ou valorisation finale, même lorsque le déchet est transféré à des fins de traitement à un tiers. / Tout producteur ou détenteur de déchets s'assure que la personne à qui il les remet est autorisée à les prendre en charge. (...) ". L'article L. 541-3 du même code prévoit que l'autorité titulaire du pouvoir de police compétente exerce ses pouvoirs à l'égard du producteur ou du détenteur de déchets.

19. L'article L. 541-1-1 du même code, transposant la directive n° 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008, définit le producteur comme " toute personne dont l'activité produit des déchets (producteur initial de déchets) ou toute personne qui effectue des opérations de prétraitement, de mélange ou autres conduisant à un changement de nature ou de composition de ces déchets (producteur subséquent de déchets) " et le détenteur comme le " producteur de déchets ou toute autre personne qui se trouve en possession des déchets ".

20. Il résulte de l'instruction que la société Metaufer, aux termes de l'extrait Kbis du 10 décembre 2012, avait pour activité l'exploitation d'un fonds de commerce de récupération de fers et métaux et d'ordure et le transport de matériaux pour son propre compte. Si elle soutient ne pas être producteur de déchets, il ressort des pièces du dossier qu'elle collectait et transportait des déchets pour le compte de producteurs de déchets industriels. Par suite, dès lors qu'elle se trouvait en possession de ces 11 968 tonnes de déchets qui n'avaient pas été gérées dans des conditions conformes au titre IV du livre V du code de l'environnement, la société avait la qualité de détenteur de déchets et était soumise aux obligations des articles L. 541-1 et suivants du code de l'environnement. Par suite, sans qu'elle puisse soutenir que les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier, la société Metaufer, aux droits de laquelle est venue la société GDV, en tant que détenteur de déchets, la société Metaufer, était responsable de leur gestion jusqu'à leur élimination ou valorisation finale, et soumise aux obligations des articles L. 541-1 et suivants du code de l'environnement.

S'agissant du caractère et de la quantité des déchets livrés :

21. La société requérante soutient qu'elle n'a remis à la société KLV Terrassement que des déchets autorisés et que la décision du préfet est disproportionnée au regard des risques encourus.

22. Aux termes de l'article R. 541-8 du code de l'environnement est un déchet inerte " tout déchet qui ne subit aucune modification physique, chimique ou biologique importante, qui ne se décompose pas, ne brûle pas, ne produit aucune réaction physique ou chimique, n'est pas biodégradable et ne détériore pas les matières avec lesquelles il entre en contact d'une manière susceptible d'entraîner des atteintes à l'environnement ou à la santé humaine ".

23. La société GDV, qui est venue aux droits de la société Metaufer, ne peut utilement soutenir que les déchets livrés par la société Metaufer ne concernent que cette société. La circonstance que par arrêté du 20 mai 2015, le préfet a autorisé la société KLV Terrassement à mettre en oeuvre une solution alternative à l'évacuation de la totalité des déchets non inertes illicitement enfouis sur le site de Bourgaltroff est sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté, qui n'a pas le même objet.

24. Il résulte des factures de la société KLV Terrassement, des bordereaux de suivi de déchets, que la société, qui était en possession de déchets inertes, les a livrés à la société KLV Terrassement, sans qu'aucun tiers apparaisse sur lesdits documents. Si la société soutient qu'il est disproportionné de mettre à sa charge 11 968 tonnes de déchets mixtes qui comportent une part importante de déchets inertes, elle n'apporte à l'appui de cette allégation aucun commencement de preuve, alors que la société KLV Terrassement n'est autorisée à admettre sur son site que des déchets inertes et des déchets d'amiante liés à des matériaux inertes, et non des déchets industriels banals, qui, au sens des dispositions de l'article R. 541-8 du code de l'environnement sont des déchets dangereux et non des déchets inertes. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le préfet a mis à la charge de la société Guy Dauphin Environnement l'élimination de ces 11 968 tonnes.

25. Il résulte de tout ce qui précède que la société Guy Dauphin Environnement n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 février 2014.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

26. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à la société Guy Dauphin Environnement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Guy Dauphin Environnement est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Guy Dauphin Environnement et au ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

''

''

''

''

3

N° 15NC01400


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC01400
Date de la décision : 19/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Nature et environnement.

Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : EVERSHEDS LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-05-19;15nc01400 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award