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05/07/2016 | FRANCE | N°16NC00366

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 05 juillet 2016, 16NC00366


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2015 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1506077 du 28 janvier 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 février 2016, M. C...A..., représenté par MeB..., demande

à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 28 janvier 2016...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2015 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1506077 du 28 janvier 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 février 2016, M. C...A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 28 janvier 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 7 octobre 2015 en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour et lui fait obligation de quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 alors applicables, dès lors qu'il n'est pas fait mention du prénom, du nom et de la qualité du signataire ;

- cet arrêté n'est pas motivé ;

- il est entaché d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 7 avril 2016 et le 27 mai 2016, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord instituant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie en date du 12 septembre 1963, approuvé et confirmé par la décision 64/732/CEE du Conseil du 23 décembre 1963 ;

- la décision n° 1/80 du 19 septembre 1980 du conseil d'association entre la Communauté économique européenne et la Turquie ;

- la décision C-237/91 du 16 décembre 1992 de la Cour de justice des Communautés européennes ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée, alors applicable ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée, alors applicable ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Guérin-Lebacq a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.A..., ressortissant turc né le 1er décembre 1986, est entré régulièrement en France le 2 mai 2012, sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour pour la période du 5 avril 2012 au 3 avril 2013, qui lui a été délivré à la suite de son mariage avec une ressortissante française le 20 juillet 2011 ; que l'intéressé, dont le titre de séjour a été renouvelé jusqu'au 16 février 2015, date d'expiration de son passeport, a présenté, le 9 février 2015, une nouvelle demande de renouvellement, complétée le 10 mai suivant par une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ; que, par un arrêté du 7 octobre 2015, le préfet du Haut-Rhin a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné ; que, par un jugement du 28 janvier 2016, dont M. A...relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il lui refuse un titre de séjour et lui fait obligation de quitter le territoire français ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du second alinéa de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, alors applicable : " Toute décision prise par l'une des autorités administratives (...) comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci " ; que, contrairement à ce que soutient M.A..., l'arrêté attaqué mentionne précisément le prénom, le nom et la qualité de son auteur ; que le moyen tiré d'une prétendue méconnaissance des dispositions précitées manque en fait et doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article premier de la loi susvisée du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, alors applicable : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) constituent une mesure de police (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " et qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...). L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office " ;

4. Considérant, d'une part, que la décision refusant un titre de séjour à M. A...mentionne les stipulations de la décision d'association du 19 septembre 1980, notamment son article 6, et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment les 4° et 7° de l'article L. 313-11 dont elle fait application ; qu'après avoir rappelé les conditions dans lesquelles le requérant est entré sur le territoire français, la décision contestée indique précisément les raisons pour lesquelles le préfet du Haut-Rhin a estimé que l'intéressé ne pouvait obtenir ni le renouvellement de son titre de séjour en qualité de conjoint de français, eu égard à la rupture de la communauté de vie avec son épouse, ni la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié, faute pour l'intéressé d'établir avoir disposé d'un emploi régulier dans l'année précédant sa demande ; qu'ainsi, la décision refusant un titre de séjour à M. A..., laquelle précise les motifs pour lesquels il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et, par suite, est suffisamment motivée ;

5. Considérant, d'autre part, que la décision obligeant M. A...à quitter le territoire français mentionne les dispositions applicables de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, cette mesure d'éloignement, prise en application du 3° du I de cet article, n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision de refus de séjour, laquelle, ainsi qu'il vient d'être dit, est motivée en droit et en fait ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la décision du 19 septembre 1980 du conseil d'association institué par l'accord d'association conclu, le 12 septembre 1963, entre la Communauté économique européenne et la République de Turquie : " 1. Sous réserve des dispositions de l'article 7 relatif au libre accès à l'emploi des membres de sa famille, le travailleur turc, appartenant au marché régulier de l'emploi d'un Etat membre : / - a droit, dans cet Etat membre, après un an d'emploi régulier, au renouvellement de son permis de travail auprès du même employeur, s'il dispose d'un emploi (...) " ;

7. Considérant qu'il résulte de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes en date du 16 décembre 1992, que l'article 6 premier paragraphe, premier tiret, de la décision du 19 septembre 1980 du conseil d'association, qui a un effet direct en droit interne, doit être interprété en ce sens que, d'une part, un ressortissant turc qui a obtenu un permis de séjour sur le territoire d'un Etat membre pour y épouser une ressortissante de cet Etat membre et y a travaillé depuis plus d'un an auprès du même employeur sous le couvert d'un permis de travail valide a droit au renouvellement de son permis de travail en vertu de cette disposition, même si, au moment où il est statué sur la demande de renouvellement, son mariage a été dissous et que, d'autre part, un travailleur turc qui remplit les conditions de l'article 6, premier paragraphe, premier tiret, de la décision susmentionnée peut obtenir, outre la prorogation du permis de travail, celle du permis de séjour, le droit de séjour étant indispensable à l'accès et à l'exercice d'une activité salariée ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'après son arrivée sur le territoire français, M. A...a occupé un emploi, auprès de diverses sociétés, du 10 septembre 2012 au 18 janvier 2013, du 1er avril au 30 juin 2013, du 9 septembre au 20 décembre 2013, du 21 mars au 31 juillet 2014 et du 28 août 2014 au 23 janvier 2015 ; que l'intéressé a été engagé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 5 mai 2015 ; qu'ainsi, M. A... ne justifiait pas, à la date de l'arrêté attaqué, de l'exercice d'une activité professionnelle pendant un an auprès d'un même employeur et ne remplissait pas les conditions prévues par l'article 6 de la décision du 19 septembre 1980 pour l'octroi d'un titre de séjour ; que si cet arrêté mentionne qu'une société a proposé au requérant, le 5 mai 2015, un contrat à durée déterminée, alors qu'il s'agissait d'un contrat à durée indéterminée, cette erreur matérielle est sans influence sur la légalité dudit arrêté dès lors qu'il n'est pas établi que le préfet se serait mépris sur la situation professionnelle de l'intéressé au regard des conditions auxquelles l'article 6 de la décision du 19 septembre 1980 subordonne l'octroi d'un titre de séjour ; que, dès lors, le requérant n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué serait entaché d'une erreur de fait ;

9. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " et qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;

10. Considérant que M. A...fait état de sa situation privée et professionnelle en France, où il réside depuis le 2 mai 2012, ainsi que de son insertion dans la société française ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que la communauté de vie entre M. A...et son épouse avait cessé depuis plusieurs mois à la date de l'arrêté attaqué, et qu'une procédure de divorce a d'ailleurs été engagée le 17 mars 2015 ; que si le requérant indique avoir engagé une nouvelle relation avec une ressortissante française, il n'apporte aucun élément de nature à établir l'ancienneté ou même l'intensité de cette relation ; qu'en outre, il ne produit aucun élément de nature à justifier l'état de grossesse de sa nouvelle compagne ; qu'enfin, la seule circonstance que M.A..., qui a vécu en Turquie jusqu'à l'âge de 25 ans, a travaillé pendant une durée de seize mois depuis son entrée en France ne suffit pas à caractériser une insertion particulière ; qu'à cet égard, le préfet soutient sans être sérieusement contredit que l'intéressé ne maîtrise pas la langue française ; que, par suite, eu égard à la durée du séjour du requérant sur le territoire français, l'arrêté attaqué n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, il n'a pas méconnu les stipulations et dispositions précitées ; que, pour les mêmes raisons, cet arrêté n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Haut-Rhin.

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N° 16NC00366


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00366
Date de la décision : 05/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. SICHLER
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : YASIN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-07-05;16nc00366 ?
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