La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/05/2017 | FRANCE | N°16NC00031

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 18 mai 2017, 16NC00031


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Somegim a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 29 juin 2012 par lequel le maire de Metz s'est opposé à sa déclaration de travaux n° DP 57463 12 X0355 relative à la création d'une baie vitrée et d'une terrasse dans la toiture d'un immeuble.

Par un jugement n° 1205915 du 10 novembre 2015, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 8 janvier 2016 et le 9 août 2

016, la société Somegim, représentée par la société d'avocats Cossalter et de Zolt, demande à la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Somegim a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 29 juin 2012 par lequel le maire de Metz s'est opposé à sa déclaration de travaux n° DP 57463 12 X0355 relative à la création d'une baie vitrée et d'une terrasse dans la toiture d'un immeuble.

Par un jugement n° 1205915 du 10 novembre 2015, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 8 janvier 2016 et le 9 août 2016, la société Somegim, représentée par la société d'avocats Cossalter et de Zolt, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif ;

2°) d'annuler la décision d'opposition du maire de Metz ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Metz une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en omettant de statuer sur le moyen tiré de ce que l'avis de l'architecte des bâtiments de France n'était pas requis ;

- l'avis de l'architecte des bâtiments de France n'était pas requis, car il n'y a pas atteinte à la préservation du caractère historique et esthétique des monuments classés et le projet ne se situe pas dans le champ de visibilité des monuments visés par l'architecte des bâtiments de France dans son avis ;

- l'illégalité de cet avis, qui considère à tort que le projet porte atteinte à des monuments historiques, entache d'illégalité la décision contestée ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que l'article R. 313-17 du code de l'urbanisme s'appliquait aux éléments non visibles des bâtiments concernés ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que des éléments comme ceux mentionnés dans la déclaration de travaux n'existent pas dans le secteur ;

- l'architecture des façades donnant sur les cours intérieures n'est pas une architecture typique du patrimoine messin ;

- l'architecte des bâtiments de France a commis une erreur d'appréciation en estimant que le projet portait atteinte au secteur sauvegardé et ne donnant pas son accord au projet.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2016, la commune de Metz, représentée par Me A...conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce qui soit mise à la charge de la société Somegim une somme à lui verser de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance était irrecevable car dirigée contre une décision confirmative de la décision d'opposition du 17 octobre 2011, ce qui n'était pas de nature à rouvrir le délai de recours contentieux ;

- la circonstance que les travaux se situent à l'arrière de l'immeuble et ne sont pas visibles depuis la voie publique est sans influence sur l'application de l'article L. 313-2 du code de l'urbanisme qui concerne tous les travaux ;

- le maire n'a pas commis d'erreur d'appréciation ;

- l'avis défavorable de l'architecte des bâtiments de France est fondé sur la préservation du secteur sauvegardé ;

- la commune était en situation de compétence liée et ne pouvait accorder l'autorisation ;

- le projet porte atteinte au secteur sauvegardé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., pour la société Somegim.

Considérant ce qui suit :

1. Lors d'une opération de rénovation d'un immeuble situé à Metz, la société Somegim a, sans autorisation, créé dans la toiture une terrasse de type "tropézienne" comportant une terrasse et une baie vitrée. A la suite d'un contrôle, la ville a mis la société en demeure de régulariser ces travaux.

2. Le 26 mai 2011, la société Somegim a déposé une déclaration de travaux qui a fait l'objet d'une décision d'opposition du maire de Metz du 21 septembre 2011, après avis défavorable de l'architecte des bâtiments de France. Le recours pour excès de pouvoir déposé par la société Somegim contre cette opposition a été déclaré irrecevable par ordonnance du président du tribunal administratif de Strasbourg du 20 mars 2012 au motif que la société n'avait pas présenté au préfet de région le recours préalable obligatoire prévu par les textes.

3. Le 3 avril 2012, la société Somegim a présenté une nouvelle déclaration préalable, qui a, de nouveau, fait l'objet d'une opposition de la part du maire de Metz le 29 juin 2012, après avis défavorable de l'architecte des bâtiments de France du 11 mai 2012. Le 30 août 2012, la société a saisi le préfet de Lorraine du recours prévu par l'article R. 424-14 du code de l'urbanisme, qui a fait l'objet d'un rejet le 29 octobre 2012 après avis défavorable de la commission régionale du patrimoine et des sites. La société Somegim interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté son recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'opposition à déclaration préalable du 29 juin 2012 du maire de Metz.

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

4. Aux termes de l'article L. 313-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction en vigueur relatif notamment aux autorisations de travaux : " En cas de désaccord entre, d'une part, l'architecte des Bâtiments de France et, d'autre part, soit le maire ou l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation, soit le pétitionnaire, sur la compatibilité des travaux avec le plan de sauvegarde et de mise en valeur ou sur les prescriptions imposées au propriétaire, le représentant de l'Etat dans la région émet, après consultation de la section de la commission régionale du patrimoine et des sites, un avis qui se substitue à celui de l'architecte des Bâtiments de France. Le recours du pétitionnaire s'exerce à l'occasion du refus d'autorisation de travaux. En l'absence de décision expresse du représentant de l'Etat dans la région dans le délai de deux mois à compter de sa saisine, le recours est réputé admis ".

5. Aux termes de l'article R. 424-14 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsque le projet n'est pas situé dans une aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine ou une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, le demandeur peut, en cas d'opposition à une déclaration préalable ou de refus de permis fondé sur une opposition de l'architecte des Bâtiments de France, saisir le préfet de région, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, d'un recours contre cette décision dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'opposition ou du refus (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions que, quels que soient les moyens sur lesquels le recours est fondé, le pétitionnaire n'est pas recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre la décision de refus de permis de construire portant sur un immeuble situé dans un secteur sauvegardé ou dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques faisant suite à un avis négatif de l'architecte des Bâtiments de France s'il n'a pas, préalablement, saisi le préfet de région, selon la procédure spécifique définie à l'article R. 424-14 du code de l'urbanisme (cf. CE 12 février 2014 n° 359943).

7. La commune de Metz fait valoir en défense que l'opposition contestée du 29 juin 2012, même si elle a été prise à la suite d'une nouvelle demande de la société Somegim et d'une nouvelle instruction, a le même objet que la précédente opposition du 21 septembre 2011 et a été édictée sans que les circonstances de droit et de fait aient changé. Elle en déduit que cette décision du 29 juin 2012 est confirmative de la première décision du 21 septembre 2011, qui est devenue définitive, de sorte que la demande de première instance était irrecevable.

8. Il ressort cependant des pièces du dossier que la première décision d'opposition du 21 septembre 2011 ne mentionnait, au titre des voies et délais de recours, que la possibilité de présenter un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif dans un délai de deux mois, sans indiquer l'obligation de présenter auparavant un recours administratif préalable ayant pour conséquence de proroger le délai de recours contentieux. En l'absence de ces mentions, la notification de cette décision n'était pas de nature à faire courir le délai de deux mois que les dispositions de l'article R. 424-14 du code de l'urbanisme impartissent au pétitionnaire pour saisir le préfet de région. L'opposition du 21 septembre 2011 n'étant pas devenue définitive, la fin de non recevoir tirée de ce que la décision d'opposition du 29 juin 2012 serait purement confirmative de cette décision antérieure du 21 septembre 2011, et partant de ce que la demande de première instance était tardive et par suite irrecevable, doit être écartée.

Sur la légalité de l'opposition à travaux du 29 juin 2012 :

9. Aux termes de l'article L. 313-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : " I.- Des secteurs dits " secteurs sauvegardés " peuvent être créés lorsqu'ils présentent un caractère historique, esthétique ou de nature à justifier la conservation, la restauration et la mise en valeur de tout ou partie d'un ensemble d'immeubles bâtis ou non ".

10. Aux termes de l'article L. 313-2 du code de l'urbanisme : " A compter de la publication de la décision administrative créant le secteur sauvegardé, tout travail ayant pour effet de modifier l'état des immeubles est soumis à permis de construire ou à déclaration, dans les conditions prévues par le livre IV, après accord de l'architecte des bâtiments de France (...). / En cas de désaccord entre, d'une part, l'architecte des Bâtiments de France et, d'autre part, soit le maire ou l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation, soit le pétitionnaire, sur la compatibilité des travaux avec le plan de sauvegarde et de mise en valeur (...), le représentant de l'Etat dans la région émet, après consultation de la section de la commission régionale du patrimoine et des sites, un avis qui se substitue à celui de l'architecte des Bâtiments de France (...) ".

11. Aux termes de l'article R. 423-54 du même code : " Lorsque le projet est situé dans un secteur sauvegardé dont le périmètre a été délimité, l'autorité compétente recueille l'accord de l'architecte des bâtiments de France ".

12. Il résulte de ces dispositions qu'un permis de construire dans un secteur sauvegardé ne peut être délivré qu'après avis conforme de l'architecte des bâtiments de France.

13. La société Somegim soutient que l'architecte des bâtiments de France, dont l'avis a été confirmé par le préfet de région le 29 octobre 2012 après consultation de la commission régionale du patrimoine et des sites, a commis une erreur d'appréciation en considérant que son projet était de nature à compromettre la préservation du caractère historique et esthétique du secteur sauvegardé et la conservation, restauration et mise en valeur de l'immeuble au motif que les "baignoires ou tropéziennes ne sont pas caractéristiques de l'architecture mosellane : elles constituent un "trou" dans la toiture, inacceptable dans ce quartier de l'Annexion typique du patrimoine messin". A cet effet, la requérante fait valoir que sa terrasse se trouve à l'arrière de l'immeuble, n'est pas visible depuis la voie publique et qu'elle ne porte pas atteinte à l'esthétique du secteur dès lors que les façades sur cour ne présentent pas de cohérence architecturale et encore moins une architecture typique du patrimoine messin.

14. Si les textes mentionnés ci-dessus et notamment l'article L. 313-2 du code de l'urbanisme qui s'applique à tout travail ayant pour effet de modifier l'état d'un immeuble, ne prévoient pas que la protection du secteur sauvegardé se limite aux façades visibles depuis la voie publique et s'il est constant qu'une terrasse "tropézienne" ne répond pas aux caractéristiques de l'architecture mosellane du secteur sauvegardé et du quartier concernés, il ressort des pièces du dossier que la terrasse en litige, située dans le toit et à l'arrière de l'immeuble, est très peu visible depuis la cour sur laquelle elle donne et ne peut être aperçue depuis la rue et les autres immeubles caractéristiques de l'architecture typique du secteur qui ont vue sur la façade avant de l'immeuble. En outre, cette partie arrière de l'immeuble est entourée de bâtiments dont les façades et toitures ne comportent aucune unité architecturale ni d'éléments caractéristiques du patrimoine messin qui ont justifié la création du secteur sauvegardé. Dans ces conditions, l'architecte des bâtiments de France a commis une erreur d'appréciation en estimant que la création de cette terrasse portait atteinte aux objectifs de préservation du secteur sauvegardé et de conservation et de mise en valeur de l'immeuble et en délivrant pour ce motif un avis défavorable à la déclaration préalable. En suivant l'avis de l'architecte des bâtiments de France, le maire a entaché son refus d'illégalité.

15. Il résulte de ce qui précède que la société Somegim est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Somegim, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Metz demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions de mettre à la charge de la commune de Metz une somme de 1 500 euros à verser à la société Somegim au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Par ces motifs,

DECIDE :

Article 1er : Le jugement attaqué du tribunal administratif de Strasbourg du 10 novembre 2015 et l'opposition à déclaration préalable du maire de Metz du 29 juin 2012 sont annulés.

Article 2 : La commune de Metz versera à la société Somegim une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Metz relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Somegim et à la commune de Metz.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

2

N° 16NC00031


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00031
Date de la décision : 18/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-03-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Amélioration des quartiers anciens. Secteurs sauvegardés.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : COSSALTER et DE ZOLT

Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-05-18;16nc00031 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award