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26/10/2017 | FRANCE | N°16NC00204

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 26 octobre 2017, 16NC00204


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 22 mars 2013 par laquelle le président de la communauté de communes de Freyming-Merlebach a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle.

Par un jugement n° 1302334, 1302336 du 8 décembre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, annulé la décision du 22 mars 2013, d'autre part enjoint à la communauté de communes de Freyming-Merlebach de prendre les mesures adaptées po

ur faire cesser la situation de harcèlement.

Procédure devant la cour :

Par une ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 22 mars 2013 par laquelle le président de la communauté de communes de Freyming-Merlebach a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle.

Par un jugement n° 1302334, 1302336 du 8 décembre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, annulé la décision du 22 mars 2013, d'autre part enjoint à la communauté de communes de Freyming-Merlebach de prendre les mesures adaptées pour faire cesser la situation de harcèlement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 février 2016 et 17 février 2017, la communauté de communes de Freyming-Merlebach, représentée par la SELARL Cossalter et De Zolt, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 8 décembre 2015 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de mettre à la charge de Mme B...le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les faits dont Mme B...prétend avoir été victime ne sont pas établis ;

- à les supposer établis, ces faits ne sont pas constitutifs de harcèlement moral ;

- en tout état de cause, elle a pris des mesures adaptées pour éviter le renouvellement de ces faits et protéger ainsi MmeB....

Par des mémoires en défense, enregistrés les 31 mars, 14 avril et 10 août 2016 et 20 février 2017, Mme B... conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la communauté de communes de Freyming-Merlebach sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la communauté de communes ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 12 juin 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 4 juillet 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., pour la commune de Freyming-Merlebach.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A...B..., adjoint technique principal de 2ème classe au sein de la communauté de communes de Freyming Merlebach (CCFM), est affectée depuis le 11 mars 2002 au centre nautique Aquagliss en qualité d'agent d'entretien. Par un courrier daté du 12 février 2013, Mme B...a sollicité de son employeur le bénéfice de la protection fonctionnelle. Le président de la CCFM lui a opposé un refus par une décision du 22 mars 2013. La CCFM fait appel du jugement du 8 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, annulé la décision du 22 mars 2013, d'autre part, enjoint à la communauté de communes " de prendre les mesures adaptées pour faire cesser la situation de harcèlement ".

Sur la légalité de la décision du 22 mars 2013 portant refus de la protection fonctionnelle :

2. Aux termes de l'article 11 de la loi susvisé du 13 juillet 1983 dans sa rédaction applicable à la date de la décision du président de la CCFM refusant d'accorder à Mme B...le bénéfice de la protection fonctionnelle : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire.(...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté.(...) ". L'article 6 quinquiès de la même loi dispose : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'un agent public qui se prétend victime de harcèlement moral peut demander que lui soit accordé le bénéfice de la protection fonctionnelle prévue par les dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983.

3. A l'appui de sa critique du jugement attaqué qui a annulé la décision de son président de refuser le bénéfice de la protection fonctionnelle à MmeB..., la CCFM soutient en premier lieu que les insultes, brimades, humiliations dont Mme B...prétend avoir été victime de la part de son supérieur hiérarchique ne sont pas établies et ne sont pas, en tout état de cause, constitutives de harcèlement moral.

4. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 16 décembre 2011, Mme B...a dénoncé au président de la communauté de communes les propos du responsable du centre nautique la traitant de " débile " et d'" incapable ". Mme B...a renouvelé ces accusations par deux courriers des 12 février et 21 février 2013 par lesquels elle sollicitait le bénéfice de la protection fonctionnelle. A l'appui de ses allégations, Mme B...produit quatre attestations établies par d'anciens salariés du centre nautique, prétendant avoir également été victimes de harcèlement moral de la part du même responsable, ce qui suffit à rendre hautement plausibles les déclarations constantes et réitérées de l'intimée. Mme B...produit également un extrait du registre de sécurité qu'elle a renseigné après avoir exercé son droit de retrait à la suite d'un ordre donné par le même responsable. Il ressort de ce document que le responsable du centre nautique lui a demandé le 9 février 2012 à 18 heures, soit à la nuit tombée, de casser la glace se formant en périphérie du bassin, cela alors que Mme B...se trouvait être la seule salariée présente dans le centre nautique et que la température extérieure avoisinait - 15° et la température de l'eau - 6°. Il ressort également du témoignage de la caissière de la piscine que Mme B...lui a rapporté l'incident le jour même en lui précisant que lorsqu'elle a tenté de faire remarquer à son responsable qu'elle risquait de tomber dans l'eau glacée, celui-ci lui aurait rétorqué de prendre une bouée. Dans ces conditions, les brimades et humiliations dénoncées par Mme B...doivent être tenues pour établies. Ces faits, qui ne peuvent en aucun cas être justifiés par les supposés manquements professionnels de l'intéressée, excèdent le cadre normal de l'exercice du pouvoir hiérarchique. Il résulte également des pièces du dossier que la dégradation des conditions de travail de Mme B...résultant des injures et brimades subis a gravement altéré sa santé physique et mentale comme l'atteste d'ailleurs le jugement du 15 décembre 2016 du tribunal du contentieux de l'incapacité de Nancy fixant le taux d'incapacité permanente partielle en relation avec sa maladie déclarée comme professionnelle à au moins 25 %. Par suite, les faits dénoncés par Mme B...sont constitutifs de harcèlement moral au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983.

6. La communauté de communes soutient en second lieu qu'elle a immédiatement pris des mesures adaptées pour éviter le renouvellement des faits dénoncés par Mme B...et que son président était par suite fondé à opposer un refus à la demande de protection fonctionnelle de Mme B....

7. L'obligation faite à l'administration par l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 de protéger ses agents dans l'exercice de leurs fonctions lui impose de faire cesser les menaces ou attaques et de prendre, sous le contrôle du juge, toutes les mesures nécessaires pour en éviter le renouvellement.

8. Il est constant qu'après la réception des courriers des 12 et 21 février 2013 de Mme B..., la communauté de communes a procédé à une enquête à l'issue de laquelle il a été décidé un certain nombre de mesures qui sont énumérées dans la décision du 22 mars 2013 : réorganisation du service, révision de la fiche de poste de Mme B...et embauche d'un nouveau responsable des installations techniques. Il ressort de la fiche de poste soumise à la signature de Mme B...que si celle-ci est désormais rattachée hiérarchiquement à un nouveau responsable, elle devra continuer à travailler en relation avec l'auteur des faits de harcèlement moral. Dans un mémoire produit le 2 août 2016 devant le tribunal administratif dans le cadre d'un autre litige l'opposant à la communauté de communes et qui est versé à la présente instance par MmeB..., celle-ci affirme sans être d'ailleurs contredite sur ce point par la CCFM qu'elle travaillait toujours à cette date sous l'autorité directe du responsable du centre nautique. Le lien de subordination subsistant entre Mme B...et le responsable du centre nautique, la réorganisation du service mise en oeuvre par la communauté de communes n'est par suite pas de nature à éviter le renouvellement des faits de harcèlement moral.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté de communes de Freymin-Merlebach n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, annulé la décision du 22 mars 2013 par laquelle son président a refusé d'accorder à Mme B...le bénéfice de la protection fonctionnelle, d'autre part lui a enjoint de prendre les mesures adaptées pour faire cesser la situation de harcèlement.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de MmeB..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la communauté de communes de Freyming-Merlebach demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la communauté de communes de Freyming-Merlebach une somme de 1 500 euros à verser à MmeB... sur le fondement des mêmes dispositions.

Par ces motifs,

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la communauté de communes de Freyming-Merlebach est rejetée.

Article 2 : La communauté de communes de Freyming-Merlebach versera à Mme B...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes de Freyming-Merlebach et à Mme A...B....

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N° 16NC00204


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00204
Date de la décision : 26/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-10-005 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Garanties et avantages divers. Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : COSSALTER et DE ZOLT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-10-26;16nc00204 ?
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