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30/11/2017 | FRANCE | N°16NC02681

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 30 novembre 2017, 16NC02681


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 10 août 2016 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1604977 du 9 novembre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2016, M.A.

.., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 novembre 2016 du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 10 août 2016 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1604977 du 9 novembre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2016, M.A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 novembre 2016 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté susvisé du préfet du Bas-Rhin du 10 août 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal n'a ni visé ni analysé le mémoire en réplique du 13 octobre 2016 et n'a pas répondu aux moyens développés dans ce mémoire ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa demande ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien modifié ; le préfet s'est fondé sur des avis antérieurs du médecin de l'agence régionale de santé pour écarter son avis le plus récent qui lui était favorable ; il n'apporte pas la preuve qui lui incombe de la disponibilité d'un traitement approprié à son état de santé en Algérie, en se bornant à produire des éléments généraux et anciens.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2017, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. A...n'est fondé.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 27 juin 2017, M. A...conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 13 mars 2017.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Didiot.

1. Considérant que M A..., ressortissant algérien, né le 18 août 1967, entré en France, selon ses déclarations, en juin 2007, a sollicité son admission au séjour pour raisons médicales le 12 novembre 2008, puis le 22 décembre 2010, demandes qui ont été rejetées par arrêtés du préfet du Bas-Rhin des 30 juillet 2009 et 4 janvier 2011 ; qu'à la suite d'une troisième demande du 5 mars 2012, il a obtenu une carte de résident algérien valable du 30 mai 2012 au 29 mai 2013 ; que les demandes de renouvellement formées par l'intéressé en 2013, 2014 et 2015 ont été rejetées après des avis défavorables du médecin de l'agence régionale de santé ; que le 27 janvier 2016, M. A...a, une nouvelle fois, déposé une demande d'admission au séjour pour raisons de santé ; que le médecin de l'agence régionale de santé a rendu le 19 mars 2016 un avis favorable à cette demande ; que toutefois, par un arrêté du 10 août 2016, le préfet du Bas-Rhin a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A..., l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que le requérant relève appel du jugement du 9 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 10 août 2016 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 paragraphe 7 de l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays " ;

3. Considérant que si l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 modifié régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, il n'a toutefois pas entendu, sauf stipulations contraires expresses, écarter l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titre de séjour ; qu'au nombre de ces dispositions figurent celles de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pris pour l'application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du même code, et aux termes desquelles : " (...) le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général (...) " ;

4. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention de l'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;

5. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

6. Considérant que, par un avis rendu le 19 mars 2016, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de M. A...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que celui-ci ne pouvait ni bénéficier en Algérie d'un traitement approprié à son état de santé ni voyager sans risque ; que le préfet du Bas-Rhin, qui n'était pas lié par cet avis, a toutefois refusé de délivrer le titre de séjour demandé au motif que l'intéressé peut bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine ; qu'il appartient, dès lors, au préfet de produire tous éléments permettant d'apprécier l'existence ou l'absence en Algérie d'un tel traitement approprié ;

7. Considérant qu'à l'appui de sa nouvelle demande de titre de séjour pour raisons médicales, M. A...a invoqué la persistance des troubles psychiatriques pour lesquels il était toujours régulièrement suivi en France ; qu'il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande de l'intéressé, le préfet du Bas-Rhin a considéré, d'une part, que le requérant ne démontrait pas l'aggravation de sa pathologie depuis un précédent avis rendu par le médecin de l'agence régionale de santé en juillet 2015 qui lui était défavorable ; que de tels éléments sont cependant couverts par le secret médical, lequel interdit au médecin inspecteur de révéler des informations sur la pathologie de l'intéressé et la nature de ses traitements médicaux ; que l'avis dudit médecin est suffisamment motivé par l'indication que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

8. Considérant que le préfet a considéré, d'autre part, sur la foi d'une attestation du médecin-conseil du consulat français d'Alger, qu'un traitement approprié à l'état de santé de M. A... était disponible en Algérie ; que toutefois, ladite attestation, dont l'auteur et sa qualité ne peuvent au demeurant être déterminés avec exactitude, se borne à mentionner, sans autres précisions, que l'Algérie dispose de structures à même de traiter les personnes atteintes de pathologies psychiatriques ; que le caractère général et parcellaire de ce document, de même que la liste des médicaments remboursés par la sécurité sociale algérienne ou la liste des hôpitaux psychiatriques de ce pays, ne permettent pas d'établir que le requérant aurait accès en Algérie à une offre de soins adaptée à la particularité de sa pathologie ; que la seule circonstance que M. A...soit suivi en ambulatoire n'implique nullement, comme le soutient l'administration, que ses troubles psychiatriques soient maîtrisés et qu'ainsi, un voyage aérien serait sans danger ; qu'il s'ensuit que les éléments produits par le préfet ne suffisent pas, en l'espèce, à infirmer l'appréciation du médecin de l'agence régionale de santé intervenue au vu du rapport médical établi par le requérant ; que le préfet, dans ces conditions, n'apporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, que M. A...disposait, à la date de l'arrêté contesté, d'un traitement approprié à son état de santé ;

9. Considérant que le requérant est dès lors fondé à soutenir que la décision attaquée portant refus de séjour a, dans les circonstances particulières de l'espèce, méconnu les dispositions précitées de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien modifié ; qu'elle doit, par suite, être annulée ; qu'il en va de même, par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en annulation ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Considérant qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de réexaminer la situation de M. A...dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

12. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

13. Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions précitées, de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 1 000 euros à verser à MeB..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1604977 du tribunal administratif de Strasbourg du 9 novembre 2016 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 10 août 2016 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de délivrer à M. A...un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé à trente jours le délai de départ volontaire, est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et, dans l'attente de la nouvelle décision du préfet, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'Etat versera à Me B...une somme de 1 000 (mille) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

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16NC02681


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC02681
Date de la décision : 30/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ETIENVRE
Rapporteur ?: Mme Sandra DIDIOT
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : GALLAND

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-11-30;16nc02681 ?
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