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30/11/2017 | FRANCE | N°17NC00045

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 30 novembre 2017, 17NC00045


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...E...D...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 27 septembre 2016 par lesquels le préfet du Doubs a décidé, d'une part, sa remise aux autorités hongroises, d'autre part, son assignation à résidence dans le département du Doubs pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1601585 du 6 octobre 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a annulé les arrêtés du 27 septembre 2016.

M. A...E...D...

a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 7 novembre 2016 par l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...E...D...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 27 septembre 2016 par lesquels le préfet du Doubs a décidé, d'une part, sa remise aux autorités hongroises, d'autre part, son assignation à résidence dans le département du Doubs pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1601585 du 6 octobre 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a annulé les arrêtés du 27 septembre 2016.

M. A...E...D...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 7 novembre 2016 par lesquels le préfet du Doubs a décidé, d'une part, sa remise aux autorités hongroises, d'autre part, son assignation à résidence dans le département du Doubs pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1601830 du 18 novembre 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a annulé ces arrêtés.

M. A...E...D...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 13 décembre 2016 par lesquels le préfet du Doubs a décidé, d'une part, sa remise aux autorités hongroises, d'autre part, son assignation à résidence dans le département du Doubs pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1602076 du 23 décembre 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a annulé ces arrêtés.

Procédure devant la cour :

I) Par une requête, enregistrée sous le n° 16NC02433, le 3 novembre 2016, le préfet du Doubs demande à la cour d'annuler le jugement du 6 octobre 2016 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon.

Il soutient que M. D...n'établit pas qu'il existait, à la date de l'arrêté, des raisons de croire qu'il existait en Hongrie des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandes d'asile.

Par un mémoire, enregistré le 12 janvier 2017, M.D..., représenté par Me B...C..., conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que le moyen soulevé n'est pas fondé.

M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 6 février 2017.

II) Par une requête, enregistrée sous le n° 16NC02729, le 12 décembre 2016, le préfet du Doubs demande à la cour d'annuler le jugement du 18 novembre 2016 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon.

Il soutient que M. D...n'établit pas qu'il existait, à la date de l'arrêté, des raisons de croire qu'il existait en Hongrie des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandes d'asile.

Par un mémoire, enregistré le 10 février 2017, M.D..., représenté par Me B...C..., conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que le moyen soulevé n'est pas fondé.

M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 24 avril 2017.

III) Par une requête, enregistrée sous le n°17NC00045, le 9 janvier 2017, le préfet du Doubs demande à la cour d'annuler le jugement du 23 décembre 2016 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon.

Il soutient que M. D...n'établit pas qu'il existait, à la date de l'arrêté, des raisons de croire qu'il existait en Hongrie des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandes d'asile.

Par un mémoire, enregistré le 16 mars 2017, M.D..., représenté par Me B...C..., conclut au rejet de la requête et demande en outre de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que le moyen soulevé n'est pas fondé.

M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 24 avril 2017.

Vu :

- les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 octobre 2013 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lambing.

1. Considérant que les requêtes du préfet du Doubs visées ci-dessus présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que M. A...E...D..., né en 1998, de nationalité afghane, est entré sur le territoire français selon ses déclarations le 10 février 2016 et a sollicité son admission au séjour en qualité de réfugié le 3 mars 2016 ; que la consultation du fichier EURODAC ayant fait apparaître qu'il avait été identifié en Hongrie le 16 août 2015, le préfet du Doubs a saisi les autorités hongroises d'une demande de prise en charge ; qu'un accord a été implicitement donné le 1er juin 2016 ; que par deux arrêtés du 27 septembre 2016, le préfet a décidé le transfert de M. D...aux autorités hongroises au motif que la Hongrie était l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence dans le département du Doubs pour une durée de quarante-cinq jours ; que par un premier jugement du 6 octobre 2016, le magistrat désigné du tribunal administratif de Besançon a annulé ces arrêtés et a enjoint au préfet du Doubs de procéder au réexamen de la demande de M. D... ; que par deux arrêtés du 7 novembre 2016, le préfet du Doubs a pris de nouveau à son encontre des arrêtés portant remise aux autorités hongroises et assignation à résidence ; que par un deuxième jugement du 18 novembre 2016, le magistrat désigné du tribunal administratif a annulé ces arrêtés et a enjoint au préfet du Doubs de procéder au réexamen de la situation de M.D... ; que par des arrêtés du 13 décembre 2016, le préfet du Doubs a ordonné une troisième fois la remise de M. D...aux autorités hongroises et l'a à nouveau assigné à résidence ; que par un troisième jugement du 23 décembre 2016, le magistrat désigné du tribunal administratif a annulé ces arrêtés et a enjoint au préfet du Doubs de procéder au réexamen de la situation de M.D... ; que le préfet du Doubs interjette appel de ces trois jugements ;

Sur le motif d'annulation retenu par les trois jugements :

3. Considérant que par ses trois jugements, le tribunal administratif de Besançon a jugé, sur le fondement de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 octobre 2013, que M. A... E...D...établit suffisamment qu'il existait, à la date à laquelle sont intervenus les arrêtés contestés de sérieuses raisons de croire qu'il existe en Hongrie des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/13 du 26 octobre 2013 : " 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un Etat membre dans lequel il est entré en venant d'un Etat tiers, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pendant une période de douze mois courant à compter de la date du franchissement irrégulier de la frontière de l'Union européenne, l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile est le premier Etat membre dans lequel le demandeur d'asile a pénétré irrégulièrement en venant d'un pays tiers ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 octobre 2013 précité : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un Etat membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier Etat membre auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable devient l'Etat membre responsable (...) " ;

6. Considérant que le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié ; que conformément au règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2013 précité et à l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les autorités françaises ont la faculté d'examiner une demande d'asile, même si cet examen relève normalement de la compétence d'un autre Etat ; qu'il appartient, en particulier, à ces autorités, sous le contrôle du juge, de faire usage de cette faculté, lorsque les règles et les modalités en vertu desquelles un autre Etat examine les demandes d'asile méconnaissent les règles ou principes que le droit international et interne garantit aux demandeurs d'asile et aux réfugiés ;

7. Considérant qu'il est constant que la Hongrie est le premier Etat membre de l'Union européenne dans lequel l'intéressé est entré en provenance d'un pays tiers ; qu'en application des dispositions précitées de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/13, ce pays est dès lors responsable du traitement de leurs demandes d'asile ;

8. Considérant que la Hongrie est un Etat membre de l'Union européenne, et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les affirmations d'ordre général du requérant relatives aux modalités d'application des règles relatives à l'asile par les autorités hongroises ne suffisent pas à établir que la réadmission d'un demandeur d'asile vers la Hongrie est, par elle-même, constitutive d'une atteinte grave au droit d'asile ; que si la Commission européenne, en vertu des stipulations de l'article 258 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, a adressé à la Hongrie le 10 décembre 2015 une lettre de mise en demeure au sujet de sa législation en matière d'asile, lettre constituant une première demande officielle d'information et la première étape de la procédure d'infraction prévue par ces dispositions, et si le 17 décembre 2015, le commissaire européen aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe a présenté des observations écrites sur les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Hongrie et sur la loi hongroise relative à l'asile, dans sa version modifiée en juillet 2015, ces seules circonstances, à ce stade desdites procédures, ne sauraient suffire à établir que lorsqu'ont été prises les décisions préfectorales litigieuses, il y avait de sérieuses raisons de croire qu'il existait en Hongrie des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile entraînant un risque de traitement inhumain ou dégradant ; que M. D...fait état de violences policières et de séquelles et produit, pour la première fois en appel, un certificat médical du 21 décembre 2016 ; que le médecin généraliste reprend les affirmations de M. D...et constate, sans en apprécier l'ancienneté, une petite bosse dans la région occipitale gauche, dont le lien avec l'agression décrite n'est pas certain ; qu'ainsi, ces éléments non circonstanciés ne permettent pas de justifier que M. D... aurait été victime de violences au cours du traitement de sa demande d'asile et d'établir, dès lors, qu'il existerait, en Hongrie, des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque sérieux de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que, dès lors, en décidant, conformément aux règles du droit de l'Union européenne, la réadmission de M. D... vers la Hongrie, le préfet du Bas-Rhin n'a pas porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit constitutionnellement garanti de solliciter le statut de réfugié ;

9. Considérant qu'à défaut d'autres moyens soulevés par M. D... dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel tant en première instance qu'en appel, le préfet du Doubs est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a annulé ses arrêtés du 27 septembre 2016, du 7 novembre 2016 et du 13 décembre 2016 portant remise de l'intéressé aux autorités hongroises, et par voie de conséquence ses arrêtés des mêmes jours par lesquels il a assigné M. D...à résidence ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

10. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

11. Considérant que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, ne saurait être condamné à verser à l'avocat de M. D...une somme en application de ces dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : Les jugements du 6 octobre 2016, du 18 novembre 2016 et du 23 décembre 2016 du tribunal administratif de Besançon sont annulés.

Article 2 : Les demandes présentées par M. D...devant le tribunal administratif de Strasbourg et ses conclusions présentées en appel tendant au bénéfice des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... E...D....

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Doubs.

2

N° 16NC02433, 16NC02729, 17NC00045


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC00045
Date de la décision : 30/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-02 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité interne.


Composition du Tribunal
Président : M. ETIENVRE
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : ERDEM DEVAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-11-30;17nc00045 ?
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