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25/04/2019 | FRANCE | N°17NC02133

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 25 avril 2019, 17NC02133


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...et Muriel B...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Fameck à leur verser une somme de 427 389,48 euros en réparation du préjudice que leur a causé la délivrance de renseignements d'urbanisme erronés concernant des terrains dont ils avaient fait l'acquisition.

Par un jugement n° 1403099 du 29 juin 2017, le tribunal administratif a condamné la commune de Fameck à leur verser une somme de 42 990,57 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 août 2017, M. et MmeB..., représentés par Me C..., demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...et Muriel B...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Fameck à leur verser une somme de 427 389,48 euros en réparation du préjudice que leur a causé la délivrance de renseignements d'urbanisme erronés concernant des terrains dont ils avaient fait l'acquisition.

Par un jugement n° 1403099 du 29 juin 2017, le tribunal administratif a condamné la commune de Fameck à leur verser une somme de 42 990,57 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 août 2017, M. et MmeB..., représentés par Me C..., demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en ce qu'il a limité à 42 990,57 euros la condamnation de la commune de Fameck ;

2°) de condamner la commune de Fameck à leur verser une somme de 427 389,48 euros avec intérêts à compter du 28 septembre 2009 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Fameck une somme de 3 000 euros à leur verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que le tribunal administratif a inexactement évalué leur préjudice en retenant à tort que la valeur d'un are de terrain non constructible était de 50 euros alors que les terrains peuvent être évalués à 10 000 euros l'are.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 mai et 12 octobre 2018, la commune de Fameck, représentée par Me E...conclut :

- à ce que la cour décide de surseoir à statuer dans l'attente de l'approbation du plan local d'urbanisme ;

- au rejet de la requête ;

- par la voie de l'appel incident, à titre principal, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg et, à titre subsidiaire, à la réformation du jugement en tant qu'il a retenu un préjudice lié à la perte de valeur des parcelles visées par le certificat d'urbanisme du 11 mars 2005 ;

- à ce que soit mise à la charge des époux B...une somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le préjudice ne peut être évalué tant que la révision du plan local d'urbanisme, susceptible de classer le terrain litigieux en zone constructible, n'est pas approuvée ;

- le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur d'appréciation des préjudices ;

- l'appel incident doit conduire à l'annulation du jugement, dès lors qu'il n'y a pas de lien de causalité direct entre les indications erronées des certificats d'urbanisme et les préjudices invoqués ;

- subsidiairement, le maire de Fameck est fondé à opposer la prescription quadriennale ;

- la révision du plan local d'urbanisme ayant été approuvée le 9 juillet 2018 et ayant classé les terrains en zone 1UA, ce qui les rend constructibles, les appelants ne peuvent plus revendiquer de préjudices de sorte que leur demande indemnitaire de 427 289, 48 euros doit être rejetée.

Un mémoire, présenté par la commune de Fameck, a été enregistré le 25 mars 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., pour la commune de Fameck.

Considérant ce qui suit :

1. Le 11 avril 2005 et le 11 avril 2008, M. et Mme B...ont acheté aux mêmes propriétaires des terrains contigus situés sur les territoires des communes de Hayange et de Fameck. Si lors de l'acquisition, la commune de Hayange a exactement indiqué que les terrains situés sur son territoire étaient classés en zone U, la commune de Fameck a mentionné de façon erronée que les terrains en cause se situaient en zone 1NA alors qu'ils étaient en réalité classés en zone ND. M. et Mme B...ont saisi le tribunal administratif d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Fameck à leur verser une somme de 427 389,48 euros en réparation des préjudices causés par la délivrance de renseignements d'urbanisme inexacts lors de l'acquisition des terrains. Ils font appel du jugement du 29 juin 2017 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il n'a condamné la commune qu'à leur verser une somme de 42 990,57 euros. Par la voie de l'appel incident, la commune demande, à titre principal, l'annulation du jugement et, à titre subsidiaire, la réformation du jugement en tant qu'il a retenu un préjudice relatif à l'achat effectué en 2005.

2. M. et Mme B...doivent être regardés, dans l'état de leurs écritures, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, comme entendant demander la réparation des préjudices tenant à la différence entre la somme qu'ils ont versée lors de l'achat des terrains en raison de leur prétendu classement en zone NA et la somme qu'ils auraient dû verser s'ils avaient eu connaissance de leur classement réel en zone ND.

Sur la prescription quadriennale en ce qui concerne les parcelles achetées en 2005 :

3. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. (...) ".

4. Aux termes de l'article 3 de cette même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ".

5. Par un acte signé par son maire, produit au cours de la première instance, la commune de Fameck a opposé la prescription quadriennale à la demande de M. et Mme B... en ce qui concerne les préjudices résultant de l'acquisition effectuée en 2005, en faisant valoir que les intéressés avaient été en mesure de connaître l'erreur de classement des parcelles au plus tard à la date de signature du contrat de vente auquel étaient joints les renseignements d'urbanisme erronés fournis par la commune et qu'ils n'avaient pas adressé de courrier relatif à ces erreurs avant le 31 décembre 2009, date d'expiration de la prescription.

6. M. et Mme B...font valoir que la prescription devait courir de la date à laquelle ils ont été en mesure de connaître l'erreur de classement des parcelles, soit dans le courant de l'année 2009 quand ils ont projeté de construire sur les parcelles dont ils étaient propriétaires et qu'ils ont consulté les services d'urbanisme de la communauté d'agglomération du Val de Fensch. Cependant, les intéressés étaient en mesure de vérifier l'exactitude des renseignements d'urbanisme donnés par la ville de Fameck dès l'achat de leurs parcelles en consultant les services d'urbanisme. Par suite, la prescription quadriennale a commencé à courir au cours de l'année 2005 pour les parcelles achetées à cette date.

7. M. et Mme B...soutiennent également que la prescription a été interrompue par la lettre du 28 septembre 2009 qu'ils avaient adressée à la commune. Toutefois, cette lettre portait seulement sur le classement de leurs parcelles dans le futur plan local d'urbanisme qui devait être approuvé et ne comportait aucune demande d'indemnisation. Dans ces conditions, ce courrier n'a pas été de nature à interrompre la prescription. En l'absence d'aucun autre document de nature à interrompre la prescription, celle-ci a expiré le 31 décembre 2009. La commune est donc fondée à l'opposer aux intéressés.

8. Par suite, la commune est fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que le tribunal administratif a accordé à M. et Mme B...une indemnisation au titre des parcelles achetées en 2005.

Sur la demande d'indemnisation des préjudices nés de l'achat de parcelles en 2008 :

En ce qui concerne l'existence de préjudices :

9. La commune de Fameck soutient, dans son appel incident, qu'elle a approuvé le plan local d'urbanisme par délibération du 9 juillet 2018, de sorte que les parcelles de M. et Mme B...sont désormais classées en zone 1AUa, où est autorisée la construction pour l'habitation, et que les intéressés ne subissent donc plus de préjudice indemnisable. Toutefois, dès lors que M. et Mme B...demandent l'indemnisation du préjudice né en 2008 du fait de l'acquisition de terrains à un prix excédant la valeur réelle des parcelles achetées à cette date, compte tenu des renseignements erronés fournis par la commune, ce moyen de défense ne peut être accueilli.

En ce qui concerne les préjudices nés de la souscription d'un contrat :

10. M. et Mme B...demandent l'indemnisation d'un préjudice tenant à ce qu'ils ont dû acquitter le remboursement et les intérêts d'un crédit relais qu'ils avaient pris en 2009 pour acheter une maison à usage locatif dans une autre commune, alors qu'ils avaient envisagé de rembourser cet emprunt en vendant des parcelles achetées à Hayange et à Fameck, projet qu'ils n'ont pu mener à bien en raison de la faute commise par la commune de Fameck en leur fournissant un renseignement erroné.

11. Toutefois, si M. et Mme B...établissent qu'ils ont souscrit cet emprunt et qu'ils ont éprouvé des difficultés à le rembourser, ils ne démontrent pas qu'ils n'ont pas été en mesure de vendre des parcelles achetées en 2008 sur le territoire de la commune de Fameck. Si les intéressés produisent un document montrant qu'ils avaient confié un mandat de vente de terrains à une agence immobilière, il ressort des documents produits que ce mandat portait sur quatre parcelles dont trois situées à Hayange et une seule à Fameck, d'ailleurs achetée en 2005. De plus, les intéressés n'apportent aucun élément quant aux suites données à ce mandat, notamment quant aux parcelles qu'ils ont ou non vendues, à quel prix, ni si ces prix correspondaient à ceux du marché, et ils ne justifient pas non plus de la durée de la mise en vente. Ainsi, ils ne démontrent pas qu'ils ont été dans l'impossibilité de vendre une ou plusieurs parcelles achetées à Fameck, ni l'existence d'un lien de causalité entre leur choix de souscrire un emprunt en 2009 et la faute commise par la commune en leur donnant des renseignements erronés sur le classement des parcelles.

12. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif n'a pas accordé d'indemnisation aux demandeurs au titre des préjudices résultant de cet emprunt.

En ce qui concerne les préjudices tenant au prix d'achat des parcelles :

13. M. et Mme B...demandent également l'indemnisation du préjudice résultant de l'acquisition de terrains situés à Fameck à un prix excédant leur valeur réelle. Le tribunal administratif leur a accordé, au titre de ce chef de préjudice, un montant de 9 264,69 euros au motif que les requérants avaient acheté des parcelles de 6 ares 83 pour un prix estimé de 1 406,47 euros l'are, alors que le prix d'un terrain non constructible était de 50 euros l'are.

14. Comme en première instance, M. et Mme B...soutiennent que leur préjudice doit être évalué en fixant à 10 000 euros l'are la valeur des terrains constructibles dans cette zone, sans apporter aucune justification à l'appui de cette allégation. S'ils produisent des évaluations établies par un notaire en 2017, cette attestation ne porte pas sur la période d'achat des parcelles en cause et ne comporte, en tout état de cause, aucune précision quant à la valeur de terrains comparables à ceux acquis par les requérants. Dans ces conditions et dans la mesure où la commune ne conteste pas l'évaluation du prix d'achat à l'are retenue par le tribunal administratif, le préjudice doit être évalué au même montant que celui retenu par les premiers juges.

15. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir, par la voie de l'appel principal, que c'est à tort que le tribunal administratif a fixé leur préjudice relatif aux acquisitions effectuées en 2008 à un montant de 9 264,69 euros et la commune de Fameck est seulement fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que le tribunal administratif a accordé une indemnisation à M. et Mme B...au titre des achats effectués en 2005.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Fameck, qui n'est pas pour l'essentiel la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme B...demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions de mettre à la charge de M. et Mme B...une somme à verser à la commune de Fameck au titre des mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : Le montant de l'indemnisation que la commune de Fameck est condamnée à verser à M. et Mme B...est ramené à 9 264,69 euros (neuf mille deux cent soixante quatre euros et soixante neuf centimes).

Article 2 : Le jugement attaqué est réformé en ce qu'il a condamné la commune de Fameck à verser une somme supérieure au montant mentionné à l'article précédent.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. et Mme B...et de la commune de Fameck est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...B...et à la commune de Fameck.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

2

N° 17NC02133


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC02133
Date de la décision : 25/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services de l'urbanisme.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Absence ou existence du préjudice.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Caractère direct du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : COSSALTER et DE ZOLT

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-04-25;17nc02133 ?
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