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27/12/2019 | FRANCE | N°19NC00941

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 27 décembre 2019, 19NC00941


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 28 juin 2018 par laquelle le préfet de la Marne a rejeté sa demande de regroupement familial au bénéfice de ses deux enfants.

Par un jugement n° 1801607 du 29 janvier 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 mars 2019, Mme E..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°)

d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 29 janvier 2019 ;

2°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 28 juin 2018 par laquelle le préfet de la Marne a rejeté sa demande de regroupement familial au bénéfice de ses deux enfants.

Par un jugement n° 1801607 du 29 janvier 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 mars 2019, Mme E..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 29 janvier 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 28 juin 2018 du préfet de la Marne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Marne d'autoriser le séjour en France de ses deux enfants au titre du regroupement familial dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait également les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Une mise en demeure a été adressée le 27 septembre 2019 au préfet de la Marne.

Mme E... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 14 mai 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante guinéenne résidant régulièrement sur le territoire français, a déposé auprès des services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), les 15 janvier 2018 et 18 avril 2018, des demandes de regroupement familial au bénéfice de ses deux enfants A... et F.... Le 28 juin 2018, le préfet de la Marne a rejeté ces demandes. Mme E... fait appel du jugement du 29 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ". Aux termes de l'article L. 411-5 du même code : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales, de l'allocation équivalent retraite et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 5423-1 et L. 5423-2 du code du travail (...) ". Aux termes de l'article L. 411-6 dudit code : " Peut être exclu du regroupement familial : / (...) / 3° Un membre de la famille résidant en France ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il se prononce sur une demande de regroupement familial, le préfet est en droit de rejeter la demande dans le cas où l'intéressé ne justifierait pas remplir l'une ou l'autre des conditions légalement requises notamment, comme en l'espèce, en cas de présence anticipée sur le territoire français du membre de la famille bénéficiaire de la demande. Le préfet dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu par les dispositions précitées, notamment dans le cas où il serait porté une atteinte excessive au droit de mener une vie familiale normale ou qu'un refus méconnaitrait l'intérêt supérieur de l'enfant au profit duquel l'autorisation de regroupement familial est demandée.

3. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne à droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " et aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

4. Enfin, les dispositions de l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale ayant pour objectif d'assurer le respect des règles relatives au regroupement familial, dans l'intérêt même de l'enfant pour lequel celui-ci est sollicité, la seule circonstance qu'un refus de regroupement, opposé en raison de la présence en France de l'enfant, fasse obstacle à la perception des prestations familiales, ne saurait, en principe, faire regarder cette décision comme méconnaissant le droit au respect de la vie privée et familiale du demandeur ou l'intérêt supérieur de l'enfant. Il ne saurait en aller différemment, par exception, qu'en raison de circonstances très particulières tenant à la fois à la situation du demandeur et à celle de l'enfant, notamment à son état de santé, justifiant du caractère indispensable de l'ouverture du droit aux prestations familiales.

5. S'agissant de la fille de la requérante, F... Diallo, il ressort des pièces du dossier qu'elle est entrée en France le 26 décembre 2012, à l'âge de quatre ans et réside depuis lors sur le territoire français auprès de sa mère, titulaire d'un titre de séjour valable jusqu'au 30 décembre 2027, et de ses demi-frères, nés en France en 2011 et 2013 d'un père français. Elle était en outre scolarisée en cours moyen deuxième année à la date de l'arrêté contesté. Toutefois, le refus de regroupement familial en litige n'a pas pour effet de la contraindre à retourner vivre dans son pays d'origine et donc de la séparer de sa mère résidant en France. En effet, le statut de mineur ne fait pas obligation de détenir un titre de séjour pour pouvoir séjourner sur le territoire français et y être scolarisé. A cet égard, la jeune F... a été mise en possession d'un document de circulation lui permettant de résider en France et de voyager. Enfin, et comme cela est indiqué dans le jugement contesté, la requérante ne fait pas état de circonstances très particulières tenant à la fois à sa situation et à celle de sa fille, justifiant du caractère indispensable de l'ouverture du droit aux prestations familiales. Dans ces conditions, l'arrêté contesté n'est pas entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme E... et de sa fille et n'a pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Pour les mêmes motifs, ledit arrêté n'a pas non plus été pris en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

6. Concernant le fils de la requérante, A... Diallo, né en 2004, qui est resté en Guinée et qui a été confié à son oncle paternel, il ressort des pièces du dossier que, comme l'ont jugé les premiers juges, les documents produits par Mme E... consistant en un rapport de l'institut médico-légal de Conakry du 16 juillet 2018 et un récépissé du dépôt de plainte de l'intéressée du 18 juillet 2018 ne sont pas suffisants pour considérer que le jeune A... est effectivement victime de maltraitances de la part de son oncle. En outre, il est constant que Mme E... est séparée de son fils A... depuis 2012 et qu'elle n'avait formulé aucune demande de regroupement familial à son bénéfice avant 2018. Dans ces conditions, l'arrêté contesté n'est pas entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme E... et de son fils et n'a pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Pour les mêmes motifs, ledit arrêté n'a pas non plus été pris en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

7. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande en annulation.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies.

Sur les conclusions relatives aux frais de l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme E... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

N° 19NC00941 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC00941
Date de la décision : 27/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-02 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour. Octroi du titre de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : ALTINOK

Origine de la décision
Date de l'import : 07/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-12-27;19nc00941 ?
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