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25/02/2020 | FRANCE | N°19NC00093

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 25 février 2020, 19NC00093


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Sarl K2, venant aux droits de la société SVA Travel, a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2015 par lequel le préfet de la région Franche-Comté lui a retiré l'agrément " vacances adaptées organisées " et lui a interdit de solliciter un nouvel agrément pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 1600033 du 13 novembre 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et

un mémoire, enregistrés les 14 janvier 2019 et 21 janvier 2020, la société K2, représentée par Me A....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Sarl K2, venant aux droits de la société SVA Travel, a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2015 par lequel le préfet de la région Franche-Comté lui a retiré l'agrément " vacances adaptées organisées " et lui a interdit de solliciter un nouvel agrément pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 1600033 du 13 novembre 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 janvier 2019 et 21 janvier 2020, la société K2, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 13 novembre 2018 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 19 novembre 2015 du préfet de la région Franche-Comté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le préfet a commis une erreur de droit en retenant le grief relatif à l'insuffisance de formation des responsables de séjour et des animateurs dès lors qu'il ne s'agit pas d'une condition de délivrance de l'agrément qui ne serait plus remplie ;

- ce grief est entaché d'une erreur d'appréciation ;

- le défaut d'affichage des protocoles et documents de sécurité n'a pas mis en cause la sécurité et le bien-être des vacanciers ;

- le tribunal a jugé à tort qu'un manquement à l'obligation d'information pouvait justifier le retrait de l'agrément ;

- elle a retiré le gîte " l'Hérault " à Soumont de la liste de ses hébergements et a diffusé une annexe au livret de formation rappelant l'importance de la chaîne du froid ;

- dès lors qu'elle a pris les mesures préventives de nature à assurer la sécurité, l'intégrité et le bien-être physique et moral des personnes handicapées bénéficiaires des séjours, la mesure de police en cause n'est pas justifiée ;

- la décision en cause est disproportionnée et méconnait en conséquence l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2019, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de tourisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Antoniazzi, premier conseiller,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me Grivel, avocat de la société K2.

Considérant ce qui suit :

1. La société K2, venant aux droits de la société SVA TRAVEL, exerce une activité d'organisation de voyages adaptés aux personnes handicapées. Par un arrêté du 19 novembre 2015, le préfet de la région Franche-Comté lui a retiré l'agrément " vacances adaptées organisées " et interdit de solliciter un nouvel agrément pendant une durée d'un an. La société K2 fait appel du jugement du 13 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, selon l'article R. 412-11 du code du tourisme : " (...) La demande d'agrément est accompagnée d'un dossier comportant : / 1° Un document présentant les motivations du demandeur et retraçant également ses principales activités et, le cas échéant, sa compétence et son expérience en matière d'organisation de séjours de vacances et de séjours adaptés pour des personnes handicapées majeures ; / 2° Une note apportant à titre prévisionnel les informations et pièces suivantes : / (...) Le nombre, les compétences et l'expérience des accompagnants prévus par lieux de vacances, notamment pour ce qui concerne l'encadrement de certaines activités sportives ainsi que les compétences et, le cas échéant, l'expérience du responsable du déroulement du séjour sur le lieu de vacances (...) ". L'article R. 412-12 du même code dispose : " Le préfet de région dispose d'un délai de deux mois pour délivrer l'agrément ou faire connaître son refus motivé, s'il considère que l'organisme n'assure pas des conditions de sécurité des personnes handicapées majeures et ne garantit pas la prise en compte de leur état de santé ainsi que de leur intégrité et de leur bien-être physique et moral. Il en est de même s'il considère que l'organisme ne présente pas de garanties suffisantes, notamment financières, pour assurer les prestations ou n'assure pas une qualité des prestations offertes en adéquation avec le nombre et les déficiences des personnes accueillies au cours des séjours (...) ". Enfin, l'article R. 412-17 de ce code dispose : " L'agrément " vacances adaptées organisées " est retiré sur décision du préfet de région, dès lors qu'il est constaté que l'organisme qualifié ne satisfait plus aux conditions de l'agrément ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il est possible au préfet de région ayant délivré l'agrément de retirer celui-ci dès lors qu'il constate que l'une quelconque des conditions de forme ou de fond au regard desquelles il a délivré l'agrément n'est plus remplie par l'organisme concerné. Il résulte en particulier des dispositions combinées des articles R. 412-11 et R. 412-17 que la méconnaissance, par l'organisme en cause, des éléments contenus dans le dossier de demande d'agrément soumis à l'autorité administrative et de ses propres engagements, notamment en matière de qualification, d'effectifs et de caractéristiques du personnel employé est de nature à permettre le retrait de l'agrément. Par suite, la société K2 n'est pas fondée à soutenir qu'en se fondant notamment sur les insuffisances constatées dans la formation des personnels encadrant les personnes handicapées accueillies pendant les séjours, le préfet aurait entaché son arrêté d'une erreur de droit.

4. En deuxième lieu, le préfet de la région Franche-Comté a décidé de retirer l'agrément délivré le 18 mars 2013 à la société requérante au motif qu'elle n'en remplissait plus les conditions dès lors que des insuffisances dans la formation des personnels encadrant les personnes handicapées accueillies et des manquements et négligences en matière de soins et d'hygiène ont été constatés et que des signalements d'évènements indésirables graves n'ont pas été portés à la connaissance de l'autorité administrative.

5. D'une part, la société K2 fait valoir que les personnels encadrants qu'elle recrute sont compétents dès lors qu'ils disposent d'une expérience dans le domaine sanitaire et social et bénéficient d'une formation de deux jours en atelier, à l'issue de laquelle leur est remis un livret de formation. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que lors du séjour organisé dans l'Aude en août 2015, un vacancier n'a pas bénéficié des soins nécessités par son état de santé et a regagné son lieu d'hébergement avec des plaies et des oedèmes aux mains et aux pieds. Lors du séjour organisé en Lozère sur le site dit de Marjevols, des dysfonctionnements liés à la gestion des régimes alimentaires ont conduit à l'admission aux urgences d'un des vacanciers. En outre, les autorités chargées du contrôle de l'activité ont pu constater que le personnel encadrant le séjour à Merdrignac ne maîtrisait pas le protocole d'urgence et que les animateurs affectés au séjour à Soumont n'avaient pas prévu d'utiliser des glacières pour le transport des produits surgelés et des pique-niques lors d'un séjour en période de forte chaleur. Contrairement à ce que soutient la société requérante, ces différents manquements révèlent une insuffisance de formation d'une partie des personnels qu'elle emploie.

6. D'autre part, l'article R. 412-14-1 du code du tourisme dispose : " Les personnes responsables de l'organisation du séjour sur le lieu de vacances sont tenues d'informer sans délai le préfet du département du lieu de séjour de tout accident grave ainsi que de toute situation présentant ou ayant présenté des risques graves pour la santé, l'intégrité ou le bien-être physique et moral des personnes handicapées majeures. / Le préfet de région qui a délivré l'agrément est informé de cette transmission ".

7. Il ressort des pièces du dossier que lors du séjour organisé en Lozère sur le site dit de Marjevols, des dysfonctionnements liés à la gestion des régimes alimentaires ont conduit à l'admission aux urgences de plusieurs vacanciers et au rapatriement de l'un d'eux et, par ailleurs, que lors du séjour à la maison familiale et rurale de Gaillac, deux vacanciers ont eu un comportement inadéquat à l'égard des autres, sans qu'aucun de ces événements n'ait donné lieu à l'information du préfet du lieu du séjour, en méconnaissance des dispositions précitées. Contrairement à ce que soutient la requérante, lors du séjour organisé en août 2015 au gîte Le Buron à la Bourboule, des faits graves mettant en cause la personne responsable du séjour ont eu lieu et n'ont pas été signalés, sans que la circonstance que des agents de contrôle se soient présentés sur le site au moment des incidents la dispensât de son obligation de signalement. La requérante n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le préfet fait état, dans sa décision, de l'absence de signalement d'événements indésirables graves ainsi que de toute situation présentant ou ayant présenté des risques graves pour la santé, l'intégrité ou le bien-être physique et moral des vacanciers.

8. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, et la société K2 ne le conteste pas, que des manquements dans l'affichage des protocoles et des documents de sécurité ont pu être relevés lors de contrôle effectués pendant les séjours organisés par la société. Si la société K2 soutient que ces documents figurent en annexe au livret de formation remis aux encadrants lors de leur formation, cette circonstance ne l'exonère pas de l'obligation d'afficher les documents en cause afin de garantir une intervention rapide et efficace en cas d'incident.

9. Enfin, il ressort des pièces du dossier qu'outre les griefs énoncés aux points n° 5, 7 et 8, la société K2 a également commis des manquements et des négligences répétés en matière de soins et d'hygiène de quelques vacanciers, non contestés dans la présente instance. Dans ces conditions, alors même que la société requérante organise de nombreux voyages chaque année, eu égard à la gravité et au nombre de manquements commis et à la vulnérabilité des personnes accueillies, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en procédant au retrait de l'agrément "vacances adaptées organisées" attribué à la société K2.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut-être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou amendes ".

11. S'il est soutenu que le retrait d'agrément a pour effet de contraindre la société requérante à cesser ses activités dans le domaine pour lequel l'agrément a été initialement délivré, et porte ainsi une atteinte excessive au droit de propriété garanti par les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, cette atteinte est, d'une part, justifiée par l'objectif d'intérêt général de protection de la santé et de la sécurité publiques des personnes handicapées lors des voyages organisés et, d'autre part, pour les raisons exposées précédemment, proportionnée à cet objectif. Par suite, le moyen tiré d'une atteinte excessive au droit de propriété ne peut qu'être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société K2 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société K2 est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société K2 et au ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressée au préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté.

2

N° 19NC00093


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC00093
Date de la décision : 25/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-065-01 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Réglementation des activités économiques. Activités soumises à réglementation. Tourisme. Organisation de la vente de voyages et de séjours.


Composition du Tribunal
Président : M. DEVILLERS
Rapporteur ?: Mme Sandrine ANTONIAZZI
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : JAKUBOWICZ MALLET-GUY et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-02-25;19nc00093 ?
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