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27/02/2020 | FRANCE | N°19NC00753

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 27 février 2020, 19NC00753


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... née D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2018 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et, à défaut de respect de ce délai, a fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée.

Par un jugement n° 1805352 du 20 novembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant

la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mars 2019, Mme A... née D..., représentée par Me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... née D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2018 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et, à défaut de respect de ce délai, a fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée.

Par un jugement n° 1805352 du 20 novembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mars 2019, Mme A... née D..., représentée par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 novembre 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 27 juillet 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le délai de trois mois à compter de la décision à intervenir et de lui délivrer, le temps de l'instruction, une autorisation de séjour.

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente, faute d'une délégation de signature régulière ;

- il est entaché d'un vice de forme pour insuffisance de motivation ;

- il est entaché d'un défaut d'examen sérieux ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît le caractère humanitaire et exceptionnel de sa situation ;

- il a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

- le préfet aurait dû préalablement à son édiction consulter la commission départementale du titre de séjour, comme le prévoit l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 janvier 2020, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête

Un mémoire complémentaire, présenté par Mme A... née D..., a été enregistré le 27 janvier 2020, soit après la clôture d'instruction, et n'a pas été communiqué.

Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy en date du 5 février 2019, Mme A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... ;

- et les observations de Mme A..., laquelle a été invitée par le président de la formation de jugement à s'exprimer sur certains éléments de fait.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... née D..., née le 29 novembre 1971 à Ouzellaguen, de nationalité algérienne, est entrée régulièrement en France le 10 juin 2016, accompagnée de ses quatre enfants, sous couvert d'un visa de court séjour délivré par les autorités consulaires françaises. Elle s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français au-delà de la durée de validité de ce visa. Par un arrêté du 27 juillet 2018, le préfet de la Moselle a refusé sa demande de titre de séjour, formulée sur le fondement du 5° de l'article 6 et du a) de l'article 7 de l'accord franco-algérien ci-dessus visé, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée. Mme A... relève appel du jugement du 20 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, M. Olivier G..., secrétaire général de la préfecture de la Moselle, bénéficie d'une délégation de signature du préfet de la Moselle par arrêté du 10 avril 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs n° 48 du 11 avril 2018 de la préfecture de la Moselle, à effet de signer : " tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports et correspondances relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Moselle à l'exception des déclinatoires de compétence et arrêtés de conflits et des réquisitions de la force armée ". Aux termes de l'article 9 de cet arrêté, en cas d'absence ou d'empêchement de M. G..., sa suppléance est assurée dans les conditions prévues par l'arrêté en vigueur organisant les suppléances dans le département. Par un arrêté du même jour, régulièrement publié au même recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Moselle a désigné M. F... B..., sous-préfet de l'arrondissement de Thionville, afin d'assurer la suppléance du secrétaire général de la préfecture de la Moselle, en cas d'absence ou d'empêchement, et ce avec les mêmes attributions que ce dernier. Comme l'ont jugé les premiers juges, il ne ressort pas des pièces du dossier que le secrétaire général de la préfecture n'aurait pas été absent ou empêché à la date de signature de la décision attaquée. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence de M. B..., signataire de l'arrêté attaqué, manque en fait et doit être écarté.

3. En second lieu, Mme A... reprend en appel, sans apporter d'éléments nouveaux, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté en litige. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus, à juste titre, par le tribunal administratif de Strasbourg dans son jugement du 20 novembre 2018.

4. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet a pris sa décision après avoir procédé à un examen de la situation personnelle de Mme A....

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée régulièrement en France le 10 juin 2016, sous couvert d'un visa de court séjour, mais qu'elle se maintient depuis lors irrégulièrement sur le territoire français. Si les certificats médicaux et les attestations qu'elle produit attestent que sa mère, qui réside régulièrement en France et chez laquelle elle vit, a besoin de l'assistance d'une tierce personne pour accomplir les actes de la vie quotidienne en raison de plusieurs pathologies, ils n'établissent toutefois pas que, comme l'ont d'ailleurs relevé les premiers juges, elle est la seule à pouvoir apporter cette assistance. En outre, si Mme A... se prévaut de la scolarisation de ses enfants en France, rien ne s'oppose à ce que ces derniers, qui ont vocation à la suivre, poursuivent en Algérie leur scolarité, comme ce fut le cas avant qu'ils n'arrivent en France. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour de la requérante en France, qui a vécu quarante-quatre ans en Algérie, pays où réside son mari, et qui ne fait valoir aucun élément permettant de regarder sa situation comme répondant à des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels, le préfet de la Moselle n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le refus de titre de séjour en litige ne méconnaît ni les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que les décisions de refus de titre de séjour seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

7. En cinquième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission [du titre de séjour] est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 ". Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à ces articles auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité. En l'espèce, il résulte de ce qui précède, et en tout état de cause, que Mme A... n'établit pas être au nombre de ces étrangers. Par suite, elle ne peut utilement invoquer l'absence de consultation de la commission du titre de séjour préalablement à l'édiction de l'arrêté qui lui a été opposé.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". A supposer que Mme A... ait entendu soulever le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations, elle ne l'assortit d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé et ne développe, comme l'avaient déjà relevé les premiers juges, aucun élément probant de nature à établir qu'elle serait exposée à un quelconque risque en cas de retour en Algérie où elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante-quatre ans et qu'elle a quitté pour des raisons familiales, selon ses propres déclarations.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... née D... et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Moselle.

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N° 19NC00753


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC00753
Date de la décision : 27/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : HAMMOUCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-02-27;19nc00753 ?
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