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02/07/2020 | FRANCE | N°20NC00035

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 02 juillet 2020, 20NC00035


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 8 août 2019 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un certificat de résidence d'Algérien, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 1907212 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure

devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2020, M. D... B..., représenté pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 8 août 2019 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un certificat de résidence d'Algérien, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 1907212 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2020, M. D... B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'être admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 5 décembre 2019 ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 8 août 2019 ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Moselle, sous astreinte de cent euros par jour de retard, de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision en litige méconnaît également les stipulations du troisième paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision en litige méconnaît également le principe général du droit de mener une vie familiale normale ;

- la décision portant fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un certificat de résidence ;

- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2020, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... B... est un ressortissant algérien, né le 22 février 1977. Il est entré en France, le 9 août 2017, sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de court séjour de trente jours, valable du 19 mai au 18 août 2017. Le 28 janvier 2018, il a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations du 5) du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles. Toutefois, par un arrêté du 8 août 2019, le préfet de la Moselle a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. B... a saisi le tribunal administratif d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 août 2019. Il relève appel du jugement n° 1907212 du 5 décembre 2019, qui rejette sa demande.

Sur les conclusions à fin d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

2. Postérieurement à l'enregistrement de la présente requête, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Nancy, par une décision du 23 janvier 2020, a accordé à M. B... l'aide juridictionnelle totale. Par suite, les conclusions de l'intéressé à fin d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ont perdu leur objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un certificat de résidence :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

4. M. B... fait valoir qu'il a épousé en Algérie, le 10 novembre 2011, une compatriote titulaire d'un certificat de résidence valable du 24 septembre 2015 au 23 septembre 2025, et que deux filles, nées respectivement en France les 15 avril 2013 et 25 février 2018, sont issues de cette union. Il se prévaut également de ce que son fils, mort-né le 2 février 2015, est enterré sur le territoire français. Toutefois, il est constant que le requérant, entré en France 9 août 2017, a vécu séparé de sa femme et de sa fille aînée pendant plusieurs années et qu'il n'explique pas les raisons pour lesquelles il se serait trouvé dans l'incapacité de rejoindre plus tôt sa famille en France. De même, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des attestations de proches, dont certaines sont rédigées en termes identiques, que l'intéressé contribue de manière effective à l'entretien et à l'éducation de ses enfants. En se bornant à soutenir avoir suivi des cours de français, M. B... ne justifie pas de son intégration sociale et professionnelle dans la société française. Il ne démontre pas davantage être isolé dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de quarante ans. Si le requérant, qui entre dans les catégories ouvrant droit au regroupement familial, fait encore valoir que la demande en ce sens, présentée par son épouse le 20 novembre 2017, a été rejetée par le préfet de la Moselle, le 1er février 2018, en raison du caractère alors insuffisant des ressources du foyer, il n'établit pas qu'une nouvelle demande de regroupement familial en sa faveur serait nécessairement vouée à l'échec, ni qu'un retour en Algérie pendant l'instruction d'une telle demande serait de nature à porter une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Enfin et alors que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le pays qu'il estime le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la cellule familiale constituée par M. B..., son épouse et leurs deux filles ne pourrait pas se reconstituer en Algérie, ni que les enfants, eu égard notamment à leur jeune âge, seraient dans l'impossibilité d'y poursuivre une existence et une scolarité normales. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. Compte tenu de ce qui vient d'être dit au point précédent, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et du principe général du droit de mener une vie familiale normale doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :

6. Eu égard à ce qui a déjà été dit, il y a également lieu d'écarter les moyens tirés de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un certificat de résidence, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Moselle du 8 août 2019. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent elles aussi être rejetées.

D E C I D E

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me Zimmermann pour M. D... B... en application des dispositions de l'article 13 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

N° 20NC00035 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00035
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : ZIMMERMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-07-02;20nc00035 ?
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