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18/12/2020 | FRANCE | N°20NC00575-20NC00580

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 18 décembre 2020, 20NC00575-20NC00580


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... F... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2019 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Mme A... E... épouse G... a demandé à ce même tribunal d'annuler

l'arrêté du 21 octobre 2019 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... F... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2019 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Mme A... E... épouse G... a demandé à ce même tribunal d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2019 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement no 1902864, 1902872 du 6 février 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé les arrêtés du préfet de l'Aube du 21 octobre 2019 et enjoint à ce dernier de délivrer à M. F... et Mme G... des titres de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois suivant la notification de son jugement.

Procédure devant la cour :

I.- Par une requête, enregistrée le 5 mars 2020, sous le n° 20NC00575, le préfet de l'Aube, représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 février 2020 ;

2°) de mettre à la charge de M. F... la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée est motivée ;

- elle ne méconnait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle ne méconnait pas les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle ne méconnait pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire enregistré le 31 août 2020, M. F..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision en litige est insuffisamment motivée ;

- la décision en litige méconnait pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision en litige est insuffisamment motivée ;

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnait l'article 3 de de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle ne tient pas compte des quatre critères mentionnés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est insuffisamment motivée ;

- elle méconnait l'article 8 de de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

II.- Par une requête, enregistrée le 6 mars 2020, sous le n° 20NC00580, le préfet de l'Aube, représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 février 2020 ;

2°) de mettre à la charge de Mme G... la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir les mêmes moyens que ceux invoqués dans le cadre de la requête enregistrée sous le n° 20NC00575.

Par un mémoire enregistré le 31 août 2020, Mme G..., représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision en litige est insuffisamment motivée ;

- la décision en litige méconnait pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision en litige est insuffisamment motivée ;

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnait l'article 3 de de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle ne tient pas compte des quatre critères mentionnés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est insuffisamment motivée ;

- elle méconnait l'article 8 de de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. F... et Mme G... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 8 septembre 2020.

Par des lettres du 30 novembre 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité du moyen de légalité externe, soulevé pour la première fois en appel et n'étant pas d'ordre public, soulevé à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire française, laquelle n'a été contestée devant le tribunal administratif que par un moyen de légalité interne.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... et Mme G..., ressortissants russes d'origine tchétchène, sont entrés en France, selon leurs déclarations, en 2012. Ils ont sollicité un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par deux arrêtés du 21 octobre 2019, le préfet de l'Aube a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un jugement du 6 février 2020, dont le préfet de l'Aube fait appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé ces arrêtés au motif que le préfet avait méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et enjoint au préfet de délivrer aux intéressés un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

2. Les requêtes enregistrées sous le n° 20NC00575 et n° 20NC00580 présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

4. S'il ressort des pièces du dossier qu'à la date des décisions en litige, trois des cinq enfants de M. F... et Mme G..., nés en 2006, 2007 et 2019, étaient respectivement en classe de 6ème pour les deux premiers et en classe de CM2 pour le troisième, ont été scolarisés dès leur arrivée en France en 2012, il n'est pas établi qu'ils seraient dans l'impossibilité de reprendre leur scolarité dans leur pays d'origine. Il n'est pas davantage établi que les deux plus jeunes enfants, nés en 2011 et 2014, alors même qu'ils ont été scolarisés dès la classe de petite section de maternelle, ne pourraient pas poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine, eu égard notamment à leur jeune âge et au niveau scolaire atteint à la date des décisions contestées, soit le CM1 et la moyenne section. Dans ces conditions, le préfet de l'Aube est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler les décisions portant refus de titre de séjour et, par voie de conséquences, les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, le tribunal s'est fondé sur le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

5. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les requérants devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et la cour à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les arrêtés contestés.

Sur les autres moyens soulevés par M. F... et Mme G... :

En ce qui concerne les décisions portant refus de titre de séjour :

6. En premier lieu, les décisions en litige, visent les textes sur lesquels elle se fonde, notamment les articles L. 313-11, 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, puis mentionnent, après avoir rappelé les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) rejetant la demande d'asile de M. F... et Mme G..., que rien ne s'oppose à ce que leurs enfants poursuivent leur scolarité en Russie, qu'ils ne démontrent pas avoir tissé des liens personnels et familiaux anciens et intenses sur le territoire français et qu'ainsi les intéressés ne remplissent pas les conditions permettant de les admettre exceptionnellement au séjour en application de l'article L. 313-14. Elles poursuivent en indiquant que les requérants ne justifient pas de liens privés et familiaux intenses en France, que l'ensemble des membres de la famille fait l'objet d'une mesure d'éloignement et que la cellule familiale pourra se reconstituer en Russie où les enfants pourront poursuivre leur scolarité. Ainsi, les décisions de refus de titre de séjour, dont la motivation n'est pas stéréotypée, sont suffisamment motivées et révèlent, en outre, que le préfet de l'Aube a procédé à un examen particulier de la situation de M. F... et Mme G....

7. En second lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ".

8. Si M. F... et Mme G... font valoir qu'ils vivent en France depuis 2012 avec leurs cinq enfants, qui sont tous scolarisés et parlent à peine le tchétchène, et qu'ils ont fait des efforts d'intégration, notamment en apprenant le français, ces seuls éléments ne permettent pas de caractériser des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions portant refus de séjour en litige seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".

10. Si M. F... et Mme G... sont entrés en France selon leurs déclarations en 2012, à l'âge de 25 ans, et que Mme G... participe, depuis mai 2019, à des cours sociolinguistiques, ils ne se prévalent pas d'autres attaches familiales sur le territoire français que leurs enfants et font tous les deux l'objet d'une mesure d'éloignement. Par ailleurs, les éléments qu'ils invoquent, rappelés au point 8, ne suffisent pas à établir une intégration particulière à la société française alors que Mme G... a une maitrise du français correspondant au niveau A 1, qui permet de comprendre des énoncés simples. Enfin les intéressés ne sont pas dépourvus d'attaches familiales dans leur pays d'origine, où résident encore des membres de leurs fratries respectives. Dans ces conditions, eu égard notamment à la durée et aux conditions de leur séjour en France, les décisions en litige refusant d'accorder à M. F... et Mme G... un titre de séjour n'ont pas porté au droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elles ont été prises. Pour les mêmes motifs, ces décisions ne sont pas entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des requérants.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions de refus de titre de séjour sont entachées d'illégalités et doivent, par suite, être annulées.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

12. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été indiqué au point 11, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour doit être écarté.

13. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été indiqué au point 10 que M. F... et Mme G... ne peuvent pas prétendre à un titre de séjour de plein droit sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir qu'en prononçant une mesure d'éloignement à leur encontre, le préfet de l'Aube a commis une erreur de droit.

14. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...). / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) ".

15. Il résulte de ces dispositions que les décisions portant obligation de quitter le territoire français en litige n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de la décision de refus de titre de séjour. Comme il a été dit au point 6, les décisions de refus de titre de séjour opposées aux requérants comportent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

16. En dernier lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfants et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux indiqués aux points 4 et 10.

En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination :

17. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'est assorti d'aucune précision sur les risques auxquels les requérants seraient exposés en cas de retour en Tchétchénie, ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français :

18. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. (...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ". Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux.

19. Les requérants soulèvent, pour la première fois en appel, le moyen tiré de ce que les décisions en litige ne mentionnant pas l'ensemble des critères énoncés au III de l'article L. 511-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elles sont insuffisamment motivées. Il ressort des pièces du dossier que le seul moyen soulevé devant le tribunal était relatif à la légalité interne des décisions contestées. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation, qui relève d'une cause juridique distincte de celle invoquée en première instance, est irrecevable et doit, pour ce motif, être écarté.

20. Pour les mêmes raisons que celles indiquées au point 10, eu égard notamment aux conditions de séjour de M. F... et Mme G..., le préfet de l'Aube n'a pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris les décisions contestées. Le préfet n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.

21. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Aube est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé les arrêtés du 21 octobre 2019.

Sur les frais de l'instance :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. F... et Mme G... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande présentée par l'Etat sur le même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 6 février 2020 est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par M. F... et Mme G... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. F... et Mme G... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me C... pour M. H... F... et Mme A... G... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Aube.

N° 20NC00575, 20NC00580 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00575-20NC00580
Date de la décision : 18/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REES
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : SCP ANCELET DOUCHIN ELIE SAUDUBRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-12-18;20nc00575.20nc00580 ?
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