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25/11/2021 | FRANCE | N°19NC03504

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 25 novembre 2021, 19NC03504


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... Ponsart a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2017 par lequel le président du conseil départemental des Ardennes l'a suspendue de ses fonctions, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 9 février 2018.

Par un jugement n° 1801229 du 1er octobre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enre

gistrés les 2 décembre 2019, 5 juin 2020 et 5 janvier 2021, Mme A... Ponsart, représentée par Me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... Ponsart a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2017 par lequel le président du conseil départemental des Ardennes l'a suspendue de ses fonctions, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 9 février 2018.

Par un jugement n° 1801229 du 1er octobre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 2 décembre 2019, 5 juin 2020 et 5 janvier 2021, Mme A... Ponsart, représentée par Me Seingier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1801229 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 1er octobre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision contestés ;

3°) de mettre à la charge du département des Ardennes la somme de 4 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité, dès lors que : sa minute ne comporte pas les signatures prévues par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ; les premiers juges ont dénaturé ses moyens ; ils ont dénaturé les pièces du dossier en se fondant sur des faits matériellement inexacts, et ont méconnu leur office d'excès de pouvoir en se fondant sur des éléments postérieurs à l'arrêté contesté ;

- l'arrêté contesté n'est pas motivé, en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le conseil de discipline n'a pas été saisi, en méconnaissance de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 ;

- l'arrêté contesté a été pris sur le fondement de rapports d'enquête entachés d'irrégularités ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis, ni même vraisemblables ;

- la mesure de suspension n'est pas justifiée par l'intérêt du service ;

- la mesure de suspension est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans son principe et dans sa durée ;

- il est entaché d'un détournement de procédure, la mesure de suspension constituant une sanction déguisée prise à son encontre.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 février et 10 juillet 2020, et le 12 janvier 2021, le département des Ardennes, représenté par Me Frölich, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme Ponsart la somme de 3 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le code des relations des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rees, président,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lecour, substituant Me Seingier, pour Mme Ponsart, ainsi que celles de Me Frölich, pour le département des Ardennes.

Considérant ce qui suit :

1. Mme Ponsart, attachée territoriale titulaire au sein du département des Ardennes depuis le 1er janvier 2015, y exerçait les fonctions de déléguée territoriale Nord Ardennes Thiérarche. Par un arrêté du 8 décembre 2017, le président du conseil départemental des Ardennes l'a suspendue de ses fonctions pour une durée de quatre mois à compter du 15 décembre 2017. Mme Ponsart relève appel du jugement du 1er octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation du jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué comporte la signature du président de la formation de jugement, celle du rapporteur et celle du greffier d'audience. Dès lors, le moyen tiré de ce que ce jugement serait irrégulier, faute d'avoir été signé conformément aux dispositions précitées, manque en fait et doit être écarté.

4. En deuxième lieu, si la requérante soutient que les premiers juges ont dénaturé ses moyens, elle ne précise pas celui ou ceux de ces moyens auxquels ils auraient, de ce fait, omis de répondre, et ne met ainsi pas la cour à même de vérifier l'irrégularité qu'elle allègue.

5. En troisième lieu, la dénaturation des éléments du dossier par les premiers juges et leur méconnaissance de leur office d'excès de pouvoir, alléguées par la requérante, n'affectent que le bien-fondé du jugement attaqué et sont sans incidence sur sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

6. Aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. / (...) Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. (...) ".

7. En premier lieu, à supposer qu'en faisant valoir que la décision de suspension en litige a été signée alors que la directrice générale des services était absente, la requérante ait entendu soulever un moyen, elle n'assortit pas ce dernier des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Au surplus, l'arrêté contesté a été signé par le président du conseil départemental.

8. En deuxième lieu, la mesure provisoire de suspension prévue par les dispositions précitées ne présente pas par elle-même un caractère disciplinaire. En outre, contrairement à ce que fait valoir la requérante, elle est sans incidence sur l'affectation de l'agent concerné. Par conséquent, elle n'est pas au nombre des décisions qui doivent être motivées par application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté contesté ne peut qu'être écarté comme tant inopérant.

9. En troisième lieu, les dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 précité, qui impartissent à l'administration un délai de quatre mois pour statuer sur le cas d'un fonctionnaire ayant fait l'objet d'une mesure de suspension, ont pour objet de limiter les effets dans le temps de cette mesure, sans qu'aucun texte n'enferme dans un délai déterminé l'exercice de l'action disciplinaire ni même fasse obligation à l'autorité investie du pouvoir disciplinaire d'engager une procédure disciplinaire. Par suite, Mme Ponsart n'est pas fondée à soutenir que, faute d'avoir immédiatement engagé la procédure disciplinaire à son encontre, le président du conseil départemental des Ardennes a entaché d'illégalité la décision par laquelle il a prononcé sa suspension.

10. En quatrième lieu, la requérante soutient que l'enquête administrative diligentée le 7 décembre 2017, et dont le rapport définitif a été remis le 28 mars 2018, n'a pas été conduite de manière impartiale et n'a pas respecté les principes fondamentaux de la procédure disciplinaire. Toutefois, les irrégularités ainsi alléguées sont sans incidence sur la légalité de la mesure de suspension contestée, dès lors qu'elle n'a pas été prise au vu de ce rapport-ci, mais au vu de celui qui l'a précédé, issu de la " mission préalable à enquête administrative éventuelle " diligentée par la directrice générale des services du département le 9 octobre 2017, et remis le 10 novembre 2017.

11. Par ailleurs, s'il est vrai que, sur les 88 personnes invitées à être entendues dans le cadre de cette mission, dont les 70 agents du service de Mme Ponsart et les 13 agents qui y étaient précédemment affectés, seuls 2 responsables hiérarchiques de l'intéressée et 9 personnes travaillant ou ayant travaillé dans son service ont été auditionnées, il ne ressort pas des pièces du dossier que certaines personnes auraient été délibérément écartées des auditions au motif que leur témoignage aurait été favorable à l'intéressée. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que les 9 personnes du service entendues seraient adhérentes ou sympathisantes du syndicat CFDT, à l'origine, selon Mme Ponsart, d'une cabale fomentée contre elle. Enfin, si Mme Ponsart soutient qu'elle n'a pas été entendue dans le cadre de cette mission, le rapport du 10 novembre 2017 indique qu'elle a reçu une proposition d'entretien à laquelle elle n'a pas donné suite, ce que d'ailleurs elle ne conteste pas. Dès lors, Mme Ponsart n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que ce rapport du 10 novembre 2017 serait entaché d'une irrégularité de nature à remettre en cause la légalité de la décision contestée.

12. En cinquième lieu, la mesure de suspension à titre conservatoire prévue par les dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 précité peut être légalement prononcée dès lors que les faits imputés au fonctionnaire présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité.

13. Le rapport de la " mission préalable à enquête administrative éventuelle " remis le 10 novembre 2017, fondé sur les témoignages circonstanciés et concordants de plusieurs agents travaillant ou ayant travaillé avec Mme Ponsart, relève l'existence de comportements et propos inappropriés de la part de cette dernière tant avec ses subordonnés et ses supérieurs, qu'avec des intervenants extérieurs et des usagers, et de manquements à ses obligations de service, notamment des absences injustifiées et la méconnaissance des règles de la commande publique lors d'une consultation. Le rapport souligne également, en conclusion, l'ambiance délétère au sein du service de Mme Ponsart et la détresse des agents reçus. Eu égard à la teneur de ce rapport, sur lequel il a fondé sa décision, le président du conseil départemental a pu légalement, à la date à laquelle il s'est prononcé, estimer que les faits imputés à l'intéressée présentaient un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité.

14. Bien que la matérialité des faits reprochés à l'intéressée ait été ultérieurement remise en cause et qu'elle n'ait finalement fait l'objet que d'un simple blâme pour un seul des faits retenus initialement pour fonder la décision contestée, ces circonstances sont sans incidence sur la légalité de cette dernière, qui s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, et qui, en outre, n'est pas subordonnée à l'existence de faits matériellement établis, mais seulement au caractère suffisamment vraisemblable, à cette date, des faits retenus.

15. En sixième lieu, eu égard à la teneur du rapport du 10 novembre 2017 et aux faits qui y sont relevés, lesquels mettent en cause le fonctionnement du service placé sous la responsabilité de Mme Ponsart, le président du conseil départemental a pu légalement, à la date à laquelle il s'est prononcé, estimer qu'il était dans l'intérêt du service de suspendre l'intéressée de ses fonctions. La circonstance que la décision n'a été prise que le 8 décembre 2017 et n'est entrée en vigueur que le 15 décembre suivant n'est pas de nature à remettre en cause son intérêt pour le service.

16. En septième lieu, la durée de la mesure de suspension en litige, conforme à celle prévue par l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 précité, ne peut être utilement discutée.

17. En huitième lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 15, et dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision contestée aurait été prise dans un but autre que l'intérêt du service et notamment pas celui de sanctionner la requérante, cette dernière n'est pas fondée à soutenir qu'elle constitue une sanction déguisée ou qu'elle est entachée de détournement de procédure.

18. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de Mme Ponsart ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département des Ardennes, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme Ponsart demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à la charge de Mme Ponsart en application de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme Ponsart est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département des Ardennes tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... Ponsart et au département des Ardennes.

N° 19NC03504 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03504
Date de la décision : 25/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-01 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Suspension.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : FROLICH

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-11-25;19nc03504 ?
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