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08/03/2022 | FRANCE | N°21NC02389

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 08 mars 2022, 21NC02389


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne d'annuler, d'une part, l'arrêté du 1er août 2021 par lequel le préfet des Ardennes lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour en France pendant un an, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel le préfet de l'Aube l'a assigné à résidence dans le département de l'Aube pour une durée de six mois.
>Par un jugement n° 2101703 et 2101704 du 5 août 2021, le magistrat désigné par le président ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne d'annuler, d'une part, l'arrêté du 1er août 2021 par lequel le préfet des Ardennes lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour en France pendant un an, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel le préfet de l'Aube l'a assigné à résidence dans le département de l'Aube pour une durée de six mois.

Par un jugement n° 2101703 et 2101704 du 5 août 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 août 2021, M. B... A..., représenté par Me Krief, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2101703 et 2101704 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 5 août 2021 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet des Ardennes et du préfet de l'Aube du 1er août 2021 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement de première instance est entaché d'irrégularité en raison d'une insuffisance de motivation ;

- la décision portant obligation de quitter sans délai le territoire français avec interdiction de retour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que la mesure d'éloignement prise à son encontre ne résulte d'aucun refus de demande de séjour ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant assignation à résidence porte atteinte à sa vie privée et familiale ;

- elle est illégale dès lors qu'il ne constitue pas une menace à l'ordre public et que cette mesure repose sur le motif du contexte sanitaire lié à l'épidémie de la Covid-19.

La requête a été régulièrement communiquée au préfet des Ardennes et au préfet de l'Aube qui n'ont pas défendu dans la présente instance.

Par un courrier du 1er février 2022, les parties ont été informées, conformément aux dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible, d'une part, de procéder d'office à une substitution de base légale en retenant que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être regardée comme fondée sur les dispositions du 1° et du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'autre part, de retenir le moyen d'ordre public tiré de l'irrégularité du jugement de première instance en raison de l'incompétence du magistrat désigné pour statuer sur un litige relevant de la formation collégiale.

Des observations en réponse au courrier du 1er février 2022, présentées pour M. A... par Me Krief, ont été enregistrées le 6 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant sri-lankais, a déclaré être entré en France en 2006 après avoir séjourné en Allemagne pendant trois ans. Présentées respectivement les 17 janvier 2006 et 30 mars 2009, ses demandes d'asile et de réexamen ont été successivement rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, les 18 avril 2006 et 31 mars 2009, puis par la Cour nationale du droit d'asile, les 8 octobre 2007 et 21 juillet 2009. L'intéressé ayant, le 20 mars 2017, sollicité la délivrance d'une attestation de demande d'asile en vue du dépôt d'une nouvelle demande de réexamen, le préfet de la Seine-Saint-Denis, par un arrêté du même jour, a refusé de faire droit à cette demande et a prononcé à son encontre une mesure d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré. A la suite de l'interpellation du requérant par les services de gendarmerie de

Charleville-Mézières pour conduite en excès de vitesse et de son placement en retenue administrative pour vérification de son droit au séjour, le préfet des Ardennes, par un arrêté du 1er août 2021, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour en France pendant un an. Par un arrêté du même jour, le préfet de l'Aube l'a assigné à résidence dans le département de l'Aube pour une durée de six mois. M. A... a saisi le tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne de deux demandes tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux du 1er août 2021. Il relève appel du jugement n° 2101703 et 2101704 du 5 août 2021 qui rejette ces demandes.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 614-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut, dans les conditions et délais prévus au présent chapitre, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision relative au délai de départ volontaire et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. / Les dispositions du présent chapitre sont applicables au jugement de la décision fixant le pays de renvoi contestée en application de l'article L. 721-5 et de la décision d'assignation à résidence contestée en application de l'article L. 732-8. ". Aux termes de l'article L. 614-8 du même code, qui s'appliquent lorsque l'étranger fait l'objet d'une assignation à résidence en application de l'article L. 731-1 ou d'un placement en rétention, conformément à l'article L. 614-7 : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français est notifiée avec une décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 731-1 ou une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 741-1, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de ces mesures. ". Aux termes de l'article L. 614-12 du même code : " La décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 731-1 peut être contestée dans les conditions prévues à l'article L. 732-8. ". Aux termes de l'article L. 731-1 du même code : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ". Aux termes de l'article L. 731-3 du même code : " L'autorité administrative peut autoriser l'étranger qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne pouvoir ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, à se maintenir provisoirement sur le territoire en l'assignant à résidence jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ". Aux termes de l'article L. 732-3 du même code : " L'assignation à résidence prévue à l'article L. 731-1 ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours. / Elle est renouvelable une fois dans la même limite de durée. ". Aux termes de l'article L. 732-4 du même code : " Lorsque l'assignation à résidence a été édictée en application des 1°, 2°, 3°, 4° ou 5° de l'article L. 731-3, elle ne peut excéder une durée de six mois. / Elle peut être renouvelée une fois, dans la même limite de durée. (...) ". Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article L. 732-8 du même code : " La décision d'assignation à résidence prise en application des 1°, 2°, 3°, 4° ou 5° de l'article L. 731-1 peut être contestée devant le président du tribunal administratif dans le délai de quarante-huit heures suivant sa notification. Elle peut être contestée dans le même recours que la décision d'éloignement qu'elle accompagne. ".

3. L'article R. 776-1 du code de justice administrative dispose : " Sont présentées, instruites et jugées selon les dispositions du chapitre IV du titre I du livre VI du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 732-8 du même code, ainsi que celles du présent code, sous réserve des dispositions du présent chapitre, les requêtes dirigées contre : 1° Les décisions portant obligation de quitter le territoire français, prévues aux articles L. 241-1 et L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les décisions relatives au séjour notifiées avec les décisions portant obligation de quitter le territoire français ; 2° Les décisions relatives au délai de départ volontaire prévues aux articles L. 251-3 et L. 612-1 du même code ; 3° Les interdictions de retour sur le territoire français prévues aux articles L. 612-6 à L. 612-8 du même code et les interdictions de circulation sur le territoire français prévues à l'article L. 241-4 dudit code ; 4° Les décisions fixant le pays de renvoi prévues à l'article L. 721-4 du même code ; 5° Les décisions d'assignation à résidence prévues aux articles L. 731-1, L. 751-2, L. 752-1 et L. 753-1 du même code./ Sont instruites et jugées dans les mêmes conditions les conclusions tendant à l'annulation d'une autre décision d'éloignement prévue au livre VI du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'exception des décisions d'expulsions, présentées en cas de placement en rétention administration, en cas de détention ou dans le cadre d'une requête dirigée contre la décision d'assignation à résidence prise au titre de cette mesure ". Selon l'article R. 776-14 du même code : " La présente section est applicable aux recours dirigés contre les décisions mentionnées à l'article R. 776-1, lorsque l'étranger est placé en rétention ou assigné à résidence. / La présente section est également applicable aux demandes de suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement mentionnées à l'article R. 776-1 du présent code, lorsque l'étranger est placé en rétention ou assigné à résidence ". Aux termes de l'article R. 776-15 du même code : " Les jugements sont rendus, sans conclusions du rapporteur public, par le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cet effet ".

4. En vertu de l'article L. 3 du code de justice administrative, les jugements sont rendus, en principe, par une formation collégiale, l'intervention d'un juge statuant seul n'étant possible que lorsqu'elle est prévue par la loi. Il résulte des dispositions législatives combinées citées au point 2 que le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne est seulement compétent pour se prononcer sur la légalité des assignations à résidence prises sur le fondement de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une durée de quarante-cinq jours renouvelables. Les assignations à résidence, prises sur le fondement de l'article L. 731-3 du même code pour une durée maximale initiale de six mois en cas de report de la mesure d'éloignement, doivent être regardées, en revanche, comme relevant exclusivement de la formation de jugement de droit commun, qui est collégiale. Il en va ainsi alors même que cette assignation de longue durée est adoptée concomitamment à une obligation de quitter le territoire français. En outre, les dispositions de l'article R. 776-15 du code de justice administrative, qui doivent être interprétées à la lumière des dispositions législatives précitées, n'ont ni pour objet ni pour effet, par elles-mêmes, de donner compétence au magistrat statuant seul pour connaître de la mesure d'éloignement et des décisions qui l'accompagnent, lorsque l'étranger fait l'objet d'une assignation à résidence pour une durée de six mois.

5. Il n'est pas contesté que, le 1er août 2021, concomitamment à l'édiction d'une obligation de quitter sans délai le territoire français à son encontre, M. A... a été assigné à résidence dans le département de l'Aube pour une durée de six mois en application du 1° de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, en l'absence de rétention ou de détention, le magistrat désigné n'avait compétence pour statuer ni sur les conclusions dirigées contre cette assignation à résidence, ni sur celles dirigées contre l'obligation de quitter le territoire, que le préfet des Ardennes a édictée sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni encore sur celles dirigées contre les décisions portant refus de délai de départ volontaire, désignation du pays de renvoi et interdiction de retour, édictées à l'occasion de cette mesure d'éloignement, de telles conclusions relevant toutes de la formation collégiale. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens dirigés contre lui, le jugement de première instance contesté doit être annulé pour irrégularité.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée en première instance par M. A....

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; (...) ".

8. Ainsi que le fait valoir M. A..., il est constant qu'aucun refus de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour ne lui a été opposé. Dans ces conditions, le préfet des Ardennes ne pouvait légalement fonder la décision en litige sur les dispositions du 3° de l'article L 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.

10. Il ressort des pièces du dossier que M. A... se trouvait dans une situation où le préfet des Ardennes, en application des dispositions du 1° ou du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pouvait décider de prendre à l'encontre du requérant une obligation de quitter le territoire français, dès lors qu'il n'est pas justifié d'une entrée régulière sur le territoire français et que la reconnaissance de la qualité de réfugié lui a été définitivement refusée, ainsi qu'il a été dit au point 1. Il y a donc lieu de substituer ces dispositions à celles ayant servi de base légale à la décision en litige, dès lors que cette substitution ne prive le requérant d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre des dispositions en cause. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

11. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

12. M. A... fait valoir qu'il est présent sur le territoire français depuis 2006 et que sa mère, son oncle, son frère et sa sœur y résident régulièrement sous couvert d'une carte de résident en qualité de réfugiés pour les deux premiers et d'une carte de séjour pluriannuelle pour les deux autres. Toutefois, le requérant ne justifie pas, par les pièces versées au dossier, de la continuité de son séjour depuis 2006. A la suite du rejet par la Cour nationale du droit d'asile de sa demande de réexamen le 21 juillet 2009, il n'a entrepris aucune démarche en vue de régulariser sa situation et a fait l'objet, le 20 mars 2017, d'une mesure d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré. Célibataire et sans enfant à charge, il ne produit aucun élément permettant d'apprécier l'intensité de ses liens avec les membres de sa famille présente en France, ainsi que la réalité et l'ancienneté de la relation de concubinage dont il se prévaut. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé serait titulaire d'un certificat d'aptitude professionnelle en maintenance de véhicules automobiles pour l'obtention duquel il a été scolarisé au lycée professionnel " Jean-Pierre Timbaud " d'Aubervilliers en 2006-2007. Enfin, la circonstance qu'il est bénéficiaire d'une promesse d'embauche, datée du 25 juillet 2021, comme responsable de bar ne suffit pas à lui conférer un droit au séjour en France. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.

En ce qui concerne les décisions portant refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français d'un an :

13. Compte tenu des circonstances de fait rappelées au point précédent, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

14. En premier lieu, eu égard à ce qui a été précédemment, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige porterait atteinte à sa vie privée et familiale.

15. En second lieu, pour justifier l'assignation à résidence de M. A... dans le département de l'Aube pour une durée de six mois, en application du 1° de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Aube a retenu que l'intéressé " fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai assortie d'une interdiction de retour d'un an " et qu'il n'est pas en mesure actuellement, " en raison des circonstances exceptionnelles découlant de l'épidémie de Covid-19 et notamment de la fermeture des frontières et de la suspension des liaisons aériennes, (...) de quitter le territoire français pour regagner son pays d'origine ou un pays dans lequel il démontrerait être légalement admissible ". Si le requérant fait valoir que la mesure de placement à résidence est illégale et qu'elle repose sur le conteste sanitaire lié à la Covid-19, il ne démontre pas en quoi cette circonstance entacherait la mesure d'illégalité, dès lors qu'il ne conteste pas qu'il était, de ce fait, dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou qu'il ne pouvait ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, au sens de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, alors même que l'intéressé n'est pas responsable de la situation sanitaire existant à cette date et qu'il ne représente pas de menace pour l'ordre public, le préfet n'a pas commis d'erreur de droit, ni d'erreur d'appréciation, en prenant la décision en litige.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation des arrêtés du préfet des Ardennes et du préfet de l'Aube du 1er août 2021. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2101703 et 2101704 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 5 août 2021 est annulé.

Article 2 : La demande présentée en première instance par M. A... et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée aux préfets des Ardennes et de l'Aube.

N° 21NC02389 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02389
Date de la décision : 08/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Règles de procédure contentieuse spéciales.

Procédure - Jugements - Composition de la juridiction.


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. SAMSON-DYE
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : KRIEF

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-03-08;21nc02389 ?
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