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29/03/2022 | FRANCE | N°19NC01235

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 29 mars 2022, 19NC01235


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 19 avril 2019 et le 13 décembre 2019, la société du Parc éolien de Belrain - Erize-la-Brûlée, représentée par Me Darcet-Felgen, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 15 février 2019 par lequel le préfet de la Meuse a refusé de faire droit à sa demande d'autorisation unique pour la construction et l'exploitation d'un parc éolien de cinq aérogénérateurs et de deux postes de livraison sur le territoire des communes de Belrain et d'Erize-la-Brûlée ;

2°) d'enjoindre au p

réfet de la Meuse de poursuivre l'instruction de sa demande d'autorisation et d'édicter un a...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 19 avril 2019 et le 13 décembre 2019, la société du Parc éolien de Belrain - Erize-la-Brûlée, représentée par Me Darcet-Felgen, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 15 février 2019 par lequel le préfet de la Meuse a refusé de faire droit à sa demande d'autorisation unique pour la construction et l'exploitation d'un parc éolien de cinq aérogénérateurs et de deux postes de livraison sur le territoire des communes de Belrain et d'Erize-la-Brûlée ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Meuse de poursuivre l'instruction de sa demande d'autorisation et d'édicter un arrêté d'ouverture d'enquête publique dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas été informée de ce qu'il manquait, à son dossier, l'avis du propriétaire de la parcelle ZB12 située sur le territoire de la commune d'Erize-la-Brûlée ;

- il est entaché d'un vice de procédure car seule l'autorité environnementale pouvait émettre un avis sur le caractère suffisant de l'étude d'impact qu'elle a produite ;

- le préfet s'est estimé, à tort, lié par le projet d'arrêté préparé par l'inspecteur des installations classées ;

- le préfet s'est estimé, à tort, être dans l'obligation de rejeter sa demande en raison du caractère incomplet de son dossier et a ainsi refusé d'exercer pleinement la compétence qu'il tirait des dispositions de l'article 12 de l'arrêté du 2 mai 2014, relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le préfet a refusé de tenir compte de certains compléments qu'elle avait apportés à sa demande initiale ;

- l'arrêté méconnaît le principe de confiance légitime ;

- il est entaché d'une méconnaissance des dispositions de l'article 12 de l'arrêté du 2 mai 2014, relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, dès lors que tous les éléments nécessaires à sa demande avaient été présentés dans le dossier inital et dans les différents compléments adressés à la préfecture ;

- l'arrêté est entaché d'erreur d'appréciation dès lors que, premièrement, l'étude d'impact était suffisante, notamment en ce qui concerne la présentation de l'état initial du site, des mesures prévues pour éviter, réduire et compenser l'impact du projet, ainsi que de l'impact du projet sur l'environnement, deuxièmement, le projet ne porte pas atteinte aux intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement et, enfin, troisièmement, il n'était pas nécessaire de solliciter les dérogations prévues au titre du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 décembre 2019, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ;

- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marchal,

- et les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société du Parc éolien de Belrain - Erize-la-Brûlée a présenté, le 27 février 2017, une demande d'autorisation unique pour la construction et l'exploitation d'un parc éolien composé de cinq aérogénérateurs et de deux postes de livraison sur le territoire des communes de Belrain et d'Erize-la-Brûlée. Par un arrêté du 15 février 2019, le préfet de la Meuse a rejeté cette demande. La société Parc éolien de Belrain - Erize-la-Brûlée demande l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté litigieux :

2. Aux termes de l'article 11 du décret du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement alors en vigueur : " Lorsque le dossier de demande n'est pas complet ou régulier, ou ne comporte pas les éléments suffisants pour poursuivre son instruction, le représentant de l'Etat dans le département demande des compléments et correctifs au demandeur dans un délai qu'il fixe ". Aux termes de l'article 12 du même décret : " I. - Le représentant de l'Etat dans le département rejette la demande d'autorisation unique en cas de désaccord consécutif aux consultations menées conformément aux 2° et 3° du II de l'article 10. / Ce rejet est motivé par l'indication des éléments mentionnés dans ce ou ces désaccords. / II. - Le représentant de l'Etat dans le département peut rejeter la demande pour l'un des motifs suivants : / 1° Le dossier reste incomplet ou irrégulier à la suite de la demande mentionnée à l'article 11 ; / 2° Le projet ne permet pas d'atteindre les objectifs mentionnés à l'article 3 de l'ordonnance du 20 mars 2014 susvisée ; / 3° Le projet est contraire aux règles qui lui sont applicables. (...) ".

3. La société du Parc éolien de Belrain - Erize-la-Brûlée a présenté, le 27 février 2017, une demande d'autorisation unique pour la construction et l'exploitation d'un parc éolien sur le territoire des communes de Belrain et d'Erize-la-Brûlée. En raison de l'incomplétude et de l'insuffisance du dossier de demande, le préfet de la Meuse a, par un courrier du 27 juin 2017, informé cette société que son dossier était en l'état irrecevable et l'a invitée, dans un délai de trois mois, à préciser et compléter sa demande au regard des manquements mis en évidence par un avis de l'inspection des installations classées, qui était joint à ce courrier. La société demanderesse a présenté au préfet un dossier complémentaire, qui a été reçu par ce dernier le 20 octobre 2017. Par une lettre du 19 mars 2018, le préfet, estimant que le dossier restait incomplet et que, de plus, le projet était contraire aux règles qui lui étaient applicables et ne permettait pas d'atteindre les objectifs mentionnés à l'article 3 de l'ordonnance du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, a transmis à la requérante un projet d'arrêté de rejet de sa demande et l'a invitée à présenter ses observations dans un délai de quinze jours. De nouveaux échanges ont alors eu lieu entre l'administration et la société pétitionnaire, qui ont notamment abouti à la transmission, par la société du Parc éolien de Belrain - Erize-la-Brûlée, de plusieurs compléments en avril et juin 2018. Toutefois, par une lettre du 14 janvier 2019, le préfet a transmis à la requérante un nouveau projet d'arrêté de refus, ainsi qu'un avis de l'inspection des installations classées du 18 décembre 2018 explicitant les raisons de ce rejet et a invité la requérante à présenter d'éventuelles observations sur le projet d'arrêté dans un délai de quinze jours. Il résulte toutefois de l'instruction que l'inspection des installations classées s'est abstenue, dans le cadre de l'élaboration de son avis du 18 décembre 2018, de tenir compte de certains des derniers compléments transmis par la société pétitionnaire. Constatant que tous les éléments transmis n'avaient pas été pris en compte par l'inspection des installations classées, la société du Parc éolien de Belrain - Erize-la-Brûlée a, par un courrier du 28 janvier 2018, à nouveau communiqué au préfet les différents compléments à son dossier de demande initial. En dépit de cette transmission, le préfet de la Meuse a, par un arrêté du 15 février 2019, rejeté la demande d'autorisation unique en précisant, dans la lettre de notification de cet arrêté, que certains des compléments transmis par le courrier du 28 janvier 2018 n'avaient pas été pris en compte car ils ne pouvaient être retenus à ce stade de la procédure. Pour autant, pour apprécier la satisfaction des conditions posées par l'article 12 du décret du mai 2014 précité permettant de rejeter une demande d'autorisation unique dès la phase d'examen préalable, le préfet était tenu de prendre en compte l'ensemble des éléments portés à sa connaissance au jour de sa décision, quand bien même ils auraient été transmis postérieurement au délai qu'il avait accordé au pétitionnaire, dans le cadre de la procédure prévue à l'article 11 cité ci-dessus du décret du 2 mai 2014, pour compléter sa demande. Par suite, en refusant de prendre en compte des éléments complémentaires versés par le pétitionnaire avant la date de sa décision, le préfet a entaché son arrêté d'une erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que l'arrêté du préfet de la Meuse du 15 février 2019 doit être annulé.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Le présent arrêt n'implique pas, par lui-même, eu égard au motif d'annulation

ci-dessus énoncé, qu'il soit enjoint au préfet de la Meuse d'édicter un arrêté d'ouverture d'enquête publique. Il implique en revanche que le préfet reprenne l'instruction de la demande d'autorisation présentée par la société requérante. Le préfet, au regard de l'entier dossier dont il est ressaisi par l'effet de l'annulation prononcée par le présent arrêt et, le cas échéant, du dossier réorganisé, intégrant les différents compléments préalablement produits et comportant au besoin des données actualisées, qu'il est loisible à la société pétitionnaire de lui soumettre à bref délai, devra se prononcer sur la possibilité de soumettre le projet éolien de cette société à enquête publique dans un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt. Ce délai pourra néanmoins être prolongé en cas de nécessité pour le préfet de solliciter de nouveaux compléments. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la société requérante sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : L'arrêté du 15 février 2019 du préfet de la Meuse est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Meuse de reprendre l'instruction de la demande d'autorisation unique de la société du Parc éolien de Belrain - Erize-la-Brûlée et de se prononcer sur la possibilité de soumettre le projet éolien de cette société à enquête publique dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt. Ce délai pourra néanmoins être prolongé en cas de nécessité pour le préfet de solliciter de nouveaux compléments.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à la société du Parc éolien de Belrain - Erize-la-Brûlée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société du Parc éolien

de Belrain - Erize-la-Brûlée et à la ministre de la transition écologique.

Copie en sera adressée au préfet de la Meuse.

Délibéré après l'audience du 8 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président de chambre,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2022.

Le rapporteur,

Signé : S. MARCHALLe président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 19NC01235 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01235
Date de la décision : 29/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Energie.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Régime juridique - Actes affectant le régime juridique des installations - Première mise en service.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Swann MARCHAL
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : BMH AVOCATS BREITENSTEIN HAUSER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-03-29;19nc01235 ?
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