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15/06/2022 | FRANCE | N°21NC02693

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 15 juin 2022, 21NC02693


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 19 mai 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois.

Par un jugement n° 2101523 du 14 septembre 2021, le tribunal administratif de Nancy a r

ejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 oct...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 19 mai 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois.

Par un jugement n° 2101523 du 14 septembre 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 octobre 2021, M. B... A..., représenté par Me Fournier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 14 septembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 19 mai 2021 ;

3°) d'enjoindre sous astreinte au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou portant la mention " travail " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté litigieux méconnaît les stipulations de l'article 7 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- il méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les dispositions des articles L. 313-14 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

1. M. A..., ressortissant tunisien né le 9 juillet 1994, serait entré en France selon ses déclarations en 2015. Par un arrêté du 19 mai 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois. M. A... fait appel du jugement du 14 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, à considérer que le requérant ait entendu soutenir que le préfet n'avait pas procédé à un examen sérieux et personnel de sa demande, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'arrêté litigieux retraçant les principaux éléments pertinents quant à la situation de M. A... que le préfet n'a pas entaché son arrêté d'un défaut d'examen.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 7 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Les membres de famille visés à l'article 5 ci-dessus qui sont admis à rejoindre au titre du regroupement familial une personne mentionnée aux articles 3 ou 4 du présent accord ont droit à exercer une activité professionnelle salariée, sans que la situation de l'emploi puisse leur être opposée, ou non salariée dans le cadre de la législation en vigueur ".

4. Il est constant que M. A... n'a pas été admis sur le territoire français dans le cadre du regroupement familial. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 7 de l'accord franco-tunisien doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile se substituant à compter du 1er mai 2021 aux dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du même code: " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".

6. M. A..., qui justifie par les pièces qu'il produit avoir été présent en France de 2015 à 2017, n'apporte aucun élément probant justifiant de sa présence sur le territoire français entre 2018 et la fin de l'année 2019. Ainsi et alors au demeurant que le requérant ne conteste pas s'être vu refuser le 30 janvier 2018 un visa de court séjour par les autorités consulaires néerlandaises en Tunisie, sa présence en France ne peut être tenue pour établie, en dernier lieu, qu'à compter de l'année 2019. De plus, M. A... n'apporte aucun élément justifiant de la réalité et de l'ancienneté de la relation avec une ressortissante française, dont il s'était prévalu devant les premiers juges. Il n'apporte également aucun élément probant justifiant de la présence en France des membres de sa famille autres que son frère. A ce titre, si M. A... mentionne la présence en France de son frère ainé, il ressort également des pièces du dossier que M. A..., qui est célibataire et sans enfant, a vécu l'essentiel de sa vie dans son pays d'origine et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Tunisie, où résident ses parents. En outre, la seule circonstance qu'il ait créé avec son frère, au cours de l'année 2020, une société spécialisée dans le transport de marchandise ne lui confère aucun droit au séjour alors au demeurant qu'aucune pièce du dossier ne permet de considérer que sa présence serait indispensable au fonctionnement de cette structure, dont son frère est président. Dans ces conditions et en dépit des deux promesses d'embauche dont M. A... justifie, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté attaqué a été pris. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 423-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit ainsi être écarté.

7. En quatrième lieu, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales ". En ce qui concerne les ressortissants tunisiens, l'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail stipule que : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord./ Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ". L'article 3 du même accord stipule que " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' ". Le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008 stipule, à son point 2.3.3, que " le titre de séjour portant la mention ''salarié'', prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 modifié est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi. (...) ".

8. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'étant substitué aux dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. "

9. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Au contraire, il peut utilement se prévaloir de ces dispositions pour solliciter la délivrance d'un titre séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

10. Compte tenu des circonstances de fait rappelées au point 6 le préfet n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 en estimant que la situation de l'intéressé ne caractérisait ni des considérations humanitaires, ni des motifs exceptionnels justifiant la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

11. En cinquième lieu, le moyen tiré de ce que le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en refusant de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié ", doit, pour les motifs exposés au point 9, être écarté comme inopérant.

12. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile se substituant à compter du 1er mai 2021 aux dispositions des trois premiers alinéas de l'article L. 313-10 du même code : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. (...) ".

13. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté comme inopérant.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2022.

Le rapporteur,

Signé : S. C...La présidente,

Signé : A. SAMSON-DYE

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

2

N° 21NC02693


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02693
Date de la décision : 15/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. SAMSON-DYE
Rapporteur ?: M. Swann MARCHAL
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : FOURNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-06-15;21nc02693 ?
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