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14/03/2023 | FRANCE | N°21NC01793

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 14 mars 2023, 21NC01793


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 11 février 2021 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2100376 du 25 mai 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requê

te enregistrée le 22 juin 2021 Mme A..., représentée par Me Kling, demande à la cour :

1°) d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 11 février 2021 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2100376 du 25 mai 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juin 2021 Mme A..., représentée par Me Kling, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour son conseil de renoncer à percevoir la part contributive à sa mission d'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

en ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- l'avis des médecins du collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est irrégulier dès lors que la préfecture n'a pas été informée du nom du médecin ayant établi le rapport médical ;

- la décision méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le traitement nécessaire à Mme A... n'est pas disponible dans son pays d'origine ;

- elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle remplit les conditions posées par la circulaire du 28 novembre 2012 ;

en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- la mesure d'éloignement est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

en ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- cette décision est illégale compte tenu de l'illégalité des deux autres décisions litigieuses.

Par un mémoire, enregistré le 6 aout 2021, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante macédonienne née le 1er mai 1987, est entrée sur le territoire français le 22 juillet 2015, accompagnée de son époux et de ses deux enfants, sous couvert d'un passeport macédonien. Le 27 juillet 2015, elle a déposé une demande d'asile, qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, le 19 novembre 2015 et par la Cour nationale du droit d'asile, le 21 juillet 2016. A compter du 13 septembre 2017, Mme A... a bénéficié de cartes de séjour temporaires délivrées sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 11 février 2021, le préfet du Doubs a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai. Mme A... fait appel du jugement du 25 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. (...) Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".

3. Il ressort des pièces du dossier et notamment du bordereau de transmission du 25 janvier 2021 de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) que le préfet du Doubs a été informé de l'identité du médecin rapporteur, qui n'a pas siégé au sein du collège des médecins ayant rendu l'avis transmis au préfet. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet n'aurait pas été informé du nom du médecin rapporteur manque en fait.

4. En deuxième lieu, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. Pour refuser le renouvellement du titre de séjour de l'intéressée, le préfet s'est fondé, en particulier, sur l'avis du collège de médecins de l'OFII du 25 janvier 2021. Selon cet avis, si l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il lui permet néanmoins de voyager sans risque à destination de son pays d'origine où, eu égard à l'offre de soins et au caractéristiques du système de santé, elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie. Pour contredire l'avis de ce collège de médecins, la requérante soutient qu'elle est suivie en France pour une pathologie neuro-oncologique incurable et qu'à ce titre doivent être effectués tous les trois mois des consultations neuro-oncologiques et des examens IRM cérébraux. Elle fait également valoir qu'elle ne dispose d'aucune assurance de santé en Macédoine et que le médicament Keppra ou ses substituts ne sont pas disponibles dans ce pays. Si la requérante établit, par la production d'une ordonnance, et pour la première fois en appel, que ce médicament lui est prescrit, le certificat médical émanant d'un médecin généraliste exerçant en Macédoine est insuffisant pour tenir pour établi que cette molécule, ou une autre qui pourrait lui être substituée, ne serait pas effectivement accessible dans ce pays, compte tenu de l'ambiguïté de sa rédaction, invoquant notamment un produit " déficitaire " en pharmacie. Par ailleurs, en se bornant à indiquer qu'elle ne dispose pas d'assurance de santé en Macédoine, la requérante ne démontre pas l'impossibilité de poursuivre les consultations neuro-oncologiques et IRM cérébrales dans ce pays. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; / (...) ".

7. Si Mme A... se prévaut de sa présence sur le territoire français, depuis 2015, du caractère régulier d'une partie de son séjour et de la présence de ses deux enfants et de son époux, elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, ni être dans l'impossibilité d'y reprendre une vie privée et familiale normale. Si elle évoque le fait que son époux exerce une activité professionnelle, il n'est pas établi que ce dernier serait en situation régulière, à la date de l'arrêté litigieux, le préfet ayant allégué devant le tribunal, sans être contredit, qu'il faisait l'objet d'une mesure d'éloignement et que son droit au séjour avait toujours découlé de celui de son épouse. Dans ces conditions, le refus de séjour en litige n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme A... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise. Les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent, dès lors, être écartés.

8. En quatrième lieu, dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir.

9. En cinquième lieu, au regard des circonstances de fait rappelées au point 7, l'obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

10. En dernier lieu, Mme A... ne saurait exciper de l'illégalité du refus de séjour, qui n'est pas démontrée, au soutien de ses conclusions dirigées contre la mesure d'éloignement. L'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français n'étant pas démontrée, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, dirigé contre la décision fixant le pays de renvoi, doit également être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Sa requête doit, dès lors, être rejetée, dans toutes ses conclusions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., à Me Kling et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 14 février 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2023

La rapporteure,

Signé : A. B...La présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 21NC01793


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01793
Date de la décision : 14/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : KLING

Origine de la décision
Date de l'import : 17/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-03-14;21nc01793 ?
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