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10/05/2023 | FRANCE | N°21NC01257

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 10 mai 2023, 21NC01257


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EARL de Ramisson a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2019 par lequel le préfet de la région Grand Est lui a refusé l'autorisation d'exploiter une surface de 17 hectares 85 ares 25 centiares située sur le territoire des communes de Coucy et Vaux-Champagne.

Par un jugement n° 2000150 du 25 février 2021, le tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête

et un mémoire enregistrés les 28 avril 2021 et 16 janvier 2023, l'EARL de Ramisson, représentée par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EARL de Ramisson a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2019 par lequel le préfet de la région Grand Est lui a refusé l'autorisation d'exploiter une surface de 17 hectares 85 ares 25 centiares située sur le territoire des communes de Coucy et Vaux-Champagne.

Par un jugement n° 2000150 du 25 février 2021, le tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 28 avril 2021 et 16 janvier 2023, l'EARL de Ramisson, représentée par Me Auguet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la région Grand Est de lui délivrer cette autorisation, ou subsidiairement de réexaminer sa demande et celle de l'EARL Amour Joly ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la reprise des surfaces en cause ne saurait être de nature à compromettre la viabilité de l'exploitation du preneur en place, dès lors qu'il devait être tenu compte de l'autorisation d'exploitation de 15,04 hectares supplémentaires dont ce dernier bénéficiait depuis le 31 août 2019 et qu'il avait demandé dès 2018 à céder à l'une de ses filles l'exploitation des terres en question, de sorte qu'il était lui-même à l'origine d'une compromission de la viabilité de son exploitation ;

- l'administration n'était pas en situation de compétence liée pour refuser l'autorisation en question ; la viabilité de l'exploitation du preneur en place doit être démontrée.

Par un mémoire enregistré le 24 janvier 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'EARL de Ramisson relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 novembre 2019 par lequel le préfet de la région Grand Est lui a refusé l'autorisation d'exploiter une surface de 17 hectares 85 ares 25 centiares située sur le territoire des communes de Coucy et Vaux-Champagne.

Sur la légalité de l'arrêté litigieux :

2. Aux termes de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : (...) 2° Lorsque l'opération compromet la viabilité de l'exploitation du preneur en place ; (...) ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté préfectoral du 22 décembre 2015 relatif au schéma régional des exploitations agricoles de Champagne-Ardenne : " (...) III Aux fins du présent arrêté, il est considéré qu'une opération de reprise compromet la viabilité de l'exploitation faisant l'objet de la reprise lorsqu'elle a pour effet de porter la superficie mise en valeur par cette dernière en deçà du seuil de contrôle fixé à l'article 4 du présent arrêté ". En vertu du 1° du II de l'article 4 de cet arrêté, le seuil de surface par région naturelle correspondant aux exploitations agricoles, à l'exception de celles mettant en valeur des vignes, est fixé à 138 hectares. Selon le 2° du III de l'article 1er de cet arrêté, le preneur en place est l'" exploitant agricole individuel mettant en valeur, à titre exclusif ou non, une exploitation agricole en qualité de titulaire de tout bail rural sur les terres de ladite exploitation. Lorsque le bien pris à bail est mis, par son détenteur, à disposition d'une société d'exploitation dans laquelle il est associé, il y a lieu de prendre en compte, en comparaison de situation demandeur(s)/preneur, la situation de la société ".

3. Les dispositions citées au point précédent de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime ne font pas obligation au préfet de refuser de délivrer une autorisation d'exploiter lorsque l'opération compromet la viabilité de l'exploitation du preneur en place mais prévoient une simple possibilité de refus.

4. L'arrêté litigieux fonde le refus opposé à l'EARL de Ramisson sur le fait que la reprise envisagée aurait pour effet de porter la superficie exploitée par l'EARL Amour Joly, preneur en place, en-deçà de 138 hectares, ce qui correspond au seuil de viabilité résultant du schéma directeur régional des exploitations agricoles.

5. Il est constant qu'à la date de l'arrêté litigieux, l'EARL Amour-Joly n'aurait plus disposé, après la reprise envisagée par l'EARL de Ramisson, que d'une surface de 131 hectares et 70 ares, inférieure au seuil de viabilité de 138 hectares, s'agissant des terres pour lesquelles elle bénéficiait de la qualité de preneur en place. Toutefois, et ainsi que le reconnaît l'administration, le preneur en place était titulaire, à cette date, d'une autorisation tacite pour exploiter une superficie supplémentaire de 15 hectares et 4 ares. S'il est vrai qu'il n'avait pas, s'agissant de ces terrains, la qualité de preneur en place, à la date de l'arrêté litigieux, édicté le 18 novembre 2019, dès lors que le bail des précédents locataires ne s'achevait que le 1er décembre 2019, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'aurait pu y prétendre dès cette dernière date. En conséquence, dans les circonstances très particulières de l'espèce, au regard des évolutions suffisamment certaines, à la date de l'arrêté litigieux, que devait subir à brève échéance l'exploitation de l'EARL Amour Joly, de nature à porter la superficie mise en valeur par cette dernière au-dessus du seuil fixé au 1° du II de l'article 4 de l'arrêté préfectoral du 22 décembre 2015 relatif au schéma régional des exploitations agricoles de Champagne-Ardenne, le préfet, en s'abstenant de prendre en compte cet élément, a entaché la décision contestée d'une erreur d'appréciation quant à la viabilité de l'exploitation de l'EARL Amour Joly.

6. Il résulte de ce qui précède que l'EARL de Ramisson est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 novembre 2019 par lequel le préfet de la région Grand Est lui a refusé l'autorisation d'exploiter une surface de 17 hectares 85 ares 25 centiares située sur le territoire des communes de Coucy et Vaux-Champagne. Ce jugement et l'arrêté du 18 novembre 2019 doivent par suite être annulés.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Au regard du moyen d'annulation retenu, le présent arrêt n'implique pas qu'il soit fait droit à la demande d'autorisation d'exploiter de l'EARL de Ramisson mais seulement qu'il soit à nouveau statué sur cette demande, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, la somme de 1 500 euros à verser l'EARL de Ramisson, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E:

Article 1er : Le jugement n° 2000150 du 25 février 2021 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et l'arrêté du 18 novembre 2019 du préfet de la région Grand Est sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la région Grand Est de statuer à nouveau sur la demande d'autorisation d'exploiter de l'EARL de Ramisson, dans le délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à l'EARL de Ramisson au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à l'EARL de Ramisson et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Copie en sera adressée pour information à la préfète de la région Grand Est et à l'EARL Amour Joly.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente de chambre,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mai 2023.

La rapporteure,

Signé : A. B...La présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. A...

2

N° 21NC01257


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01257
Date de la décision : 10/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS ACG REIMS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-05-10;21nc01257 ?
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