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25/09/2023 | FRANCE | N°22NC01174

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 25 septembre 2023, 22NC01174


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2021 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui renouveler sa carte de résident, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2200197 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une re

quête enregistrée le 6 mai 2022, Mme A..., représentée par Me Demir, demande à la cour :

1°) d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2021 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui renouveler sa carte de résident, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2200197 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 mai 2022, Mme A..., représentée par Me Demir, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 8 décembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de résident valable dix ans ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour a été prise par une autorité incompétente ;

- elle a été prise en méconnaissance du droit à l'erreur prévu par les dispositions de l'article L. 123-1 du code des relations entre le public et l'administration dès lors que l'agent du service de la préfecture lui avait indiqué en 2016 qu'elle n'avait pas de formalités spécifiques à accomplir, sa résidence en Turquie étant motivée par la poursuite de ses études à l'Université d'Izmir ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il est porté une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale normale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Cour de justice de l'Union européenne a jugé dans son arrêt du 20 janvier 2022, (C-432/20) que la simple présence physique d'un résident longue durée sur le territoire de l'Union Européenne, fût-ce pour quelques jours seulement, au cours d'une période de douze mois s'opposait à la perte du statut de résident.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2022, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience publique.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bourguet-Chassagnon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante turque, née le 17 mars 1993, est entrée pour la première fois en France le 24 janvier 2010, en compagnie de sa mère, pour y rejoindre son père, titulaire d'une carte de réfugié, par la voie du regroupement familial. A sa majorité, elle a été munie d'une carte de résident valable jusqu'au 3 août 2021. En 2014, en situation d'échec scolaire en France, elle est retournée en Turquie pour y poursuivre sa scolarité puis des études de langues et littératures turques au sein de l'Université Egée à Izmir. Entrée sur le territoire français pour la dernière fois le 3 février 2020, elle a demandé au préfet du Haut-Rhin le duplicata de sa carte de résident. Par un arrêté en date du 8 décembre 2021, le préfet du Haut-Rhin a refusé de renouveler le titre de résident qui lui avait été accordé en 2011, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office. Par un jugement du 5 avril 2022, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, l'arrêté contesté a été signé par Mme C... B..., adjointe au chef de service de l'immigration et de l'intégration et cheffe du bureau de l'admission au séjour, qui a reçu délégation par arrêté préfectoral du 6 septembre 2021 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour afin de signer notamment les décisions portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et désignation du pays de renvoi. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire des décisions litigieuses ne peut qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 123-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Une personne ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation ne peut faire l'objet, de la part de l'administration, d'une sanction, pécuniaire ou consistant en la privation de tout ou partie d'une prestation due, si elle a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invitée à le faire par l'administration dans le délai que celle-ci lui a indiqué. / La sanction peut toutefois être prononcée, sans que la personne en cause ne soit invitée à régulariser sa situation, en cas de mauvaise foi ou de fraude (...) ".

4. La décision portant refus de renouvellement d'un titre de résident constitue une mesure de police spéciale ne présentant pas le caractère de sanction. La requérante ne peut dès lors utilement et en tout état de cause invoquer le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point précédent. Au demeurant, elle n'apporte aucun élément tendant à démontrer qu'elle aurait été induite en erreur par un agent de la préfecture de Mulhouse lors de sa présentation au guichet en 2016, s'agissant des démarches administratives qu'elle devait accomplir au regard de son droit au séjour, du fait de son séjour prolongé hors de France, pour poursuivre des études en Turquie.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Mme A... fait valoir que le centre de ses intérêts privés et familiaux se situe en France, dès lors que ses parents, titulaires de cartes de résident, y sont installés durablement, que sa mère a besoin de son assistance pour des raisons médicales, qu'elle réside à leur domicile, qu'elle n'a plus d'attaches familiales en Turquie et qu'elle est insérée professionnellement. Il ressort toutefois des pièces du dossier, qu'à la date de la décision attaquée, l'intéressée, entrée en France pour la dernière fois en février 2020, est célibataire, sans charges de famille et n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans le pays dont elle a la nationalité, la Turquie, où résident deux de ses sœurs et où elle a vécu la majeure partie de sa vie. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment pas du certificat médical peu circonstancié du 21 décembre 2021, lequel concerne en réalité son père, ainsi que le relève pertinemment le préfet, qu'elle serait le seul membre de la famille présent en France à même de lui apporter l'aide nécessitée par son état de santé. Ainsi, la décision contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale. Le préfet du Haut-Rhin n'a, par suite, en prenant cette décision, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 433-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles L. 411-5 et L. 432-3, une carte de résident est renouvelable de plein droit (...) ". Aux termes de l'article L. 411-5 de ce code : " La carte de résident d'un étranger qui a quitté le territoire français et a résidé à l'étranger pendant une période de plus de trois ans consécutifs est périmée (...). / La période mentionnée au premier alinéa peut être prolongée si l'intéressé en a fait la demande avant son départ de France ou pendant son séjour à l'étranger (...) ".

8. Mme A... a résidé en France entre 2010 et 2014, en qualité de mineure entrée par la voie du regroupement familial et à sa majorité, sous couvert d'une carte de résident valable jusqu'au 3 août 2021, puis en Turquie de 2014 à 2020. Il ressort des pièces du dossier qu'entre le 21 février 2016 et le 17 juillet 2019, date à laquelle il est constant qu'elle a présenté une demande de visa auprès du consulat français, la requérante n'est pas revenue en France, ne fût-ce que quelques jours. Dès lors qu'elle n'établit ni n'allègue avoir sollicité la prolongation de la période de trois ans prévue par les dispositions citées au point précédent, la carte de résident de Mme A... était donc périmée à la date de sa demande de visa, et a fortiori de sa demande de titre de séjour. Par suite, en refusant de procéder au renouvellement sollicité, le préfet n'a méconnu ni les dispositions de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni, en tout état de cause, le paragraphe 1 du c) de l'article 9 de la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003, tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 20 janvier 2022, Landeshauptmann von Wien, C-432/20.

9. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu notamment de ce qui précède, que le préfet du Haut-Rhin aurait, en refusant de renouveler le titre de résident de Mme A..., entaché d'une erreur manifeste son appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressée.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 septembre 2023.

La rapporteure,

Signé : M. Bourguet-ChassagnonLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 22NC01174


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01174
Date de la décision : 25/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Mariannick BOURGUET-CHASSAGNON
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : DEMIR

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-09-25;22nc01174 ?
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