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17/10/2023 | FRANCE | N°21NC01800

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 17 octobre 2023, 21NC01800


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 26 février 2018 par lequel le président du conseil départemental des Vosges a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie déclarée le 19 mars 2012.

Par un jugement n° 1801486 du 20 avril 2021, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du président du conseil départemental des Vosges du 26 février 2018 et enjoint à celui-ci de prendre une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilit

é au service de la pathologie de M. B... à compter du 19 mars 2012 et d'en tirer toutes ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 26 février 2018 par lequel le président du conseil départemental des Vosges a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie déclarée le 19 mars 2012.

Par un jugement n° 1801486 du 20 avril 2021, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du président du conseil départemental des Vosges du 26 février 2018 et enjoint à celui-ci de prendre une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilité au service de la pathologie de M. B... à compter du 19 mars 2012 et d'en tirer toutes les conséquences sur sa situation financière et administrative, y compris au regard de ses droits à rémunération, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 21 juin 2021 et le 7 janvier 2022, le département des Vosges, représenté par Me Géhin demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 20 avril 2021 ;

2°) de rejeter la requête de M. B... devant le tribunal administratif de Nancy ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'imputabilité au service de la pathologie de M. B... lui a été refusée à bon droit dans la mesure où il n'existe aucun lien direct et certain entre celle-ci et le service ;

- des circonstances particulières liées à la vie personnelle de l'intéressé conduisent à détacher sa pathologie anxio-dépressive du service.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 décembre 2021 et le 28 avril 2022, M. B... représenté par Me Luisin conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge du département des Vosges sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barteaux,

- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,

- et les observations de Me Géhin, pour le département des Vosges et de Me Luisin, pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été recruté en qualité de chef de service à la direction vosgienne des interventions sociales par le département des Vosges en 2005. Il a été placé en congé de longue durée le 19 mars 2012, renouvelé par période de six mois, en raison d'un état dépressif, puis en disponibilité d'office le 19 mars 2017, date d'expiration de ses droits à congé de longue durée. Le 7 août 2013, il a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de cette pathologie. Par une décision du 29 août 2014, prise après un avis défavorable de la commission de réforme du 19 juin 2014, le département des Vosges a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont souffrait l'intéressé. Par un jugement du 7 juin 2016, le tribunal administratif de Nancy a annulé cette décision et enjoint à la collectivité territoriale de réexaminer la demande de M. B.... Par un avis du 15 décembre 2016, la commission de réforme a demandé une contre-expertise et une enquête administrative. A la suite de ces mesures, la commission de réforme a rendu, le 22 février 2018, un nouvel avis défavorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie de M. B... que le département des Vosges a suivi par une décision du 26 février 2018. Le département des Vosges relève appel du jugement du 20 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision du 26 février 2018 et lui a enjoint de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de M. B... à compter du 19 mars 2012.

2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...). / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...). / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. ".

3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... souffre d'un syndrome

anxio-dépressif, constaté par son médecin traitant au cours de l'année 2011, ayant entraîné son placement en congé de longue durée à compter du 19 mars 2012. Si le premier expert psychiatre, qui a examiné M. B..., dans le cadre de l'instruction initiale de sa demande de reconnaissance d'imputabilité de sa pathologie au service, a conclu, dans son avis du 6 mai 2014, qu'il était impossible d'affirmer que les troubles dont souffre l'intéressé ont été contractés en service, il n'a pas exclu leur déclenchement par le contexte professionnel en mentionnant que " la situation professionnelle ne peut être considérée que comme faisant partie des facteurs précipitant l'éclosion de troubles sous-jacents ", sans avoir privilégié, contrairement à ce que soutient le département des Vosges, les facteurs personnels et familiaux. En outre, dans un second avis du 5 septembre 2016, ce même expert a révisé son analyse en concluant explicitement à un psycho-traumatisme professionnel. Ces dernières conclusions sont confortées par la contre-expertise du 4 octobre 2017, dans laquelle un second expert psychiatre a relié l'état dépressif de M. B... à la rumination d'évènements vécus dans son milieu professionnel. Si l'enquête administrative interne n'a pas mis en évidence la situation de harcèlement dont M. B... s'est plaint d'être victime de la part de sa supérieure hiérarchique, elle a néanmoins démontré que cette dernière a été à l'origine du licenciement, au cours de l'année 2010, du conjoint du requérant, qui travaillait dans une structure partenaire du département des Vosges. Il ressort également des pièces du dossier, notamment du rapport du médecin de prévention de 2016, que lors d'une visite de reprise du service le 3 août 2011, M. B... a déclaré souhaiter quitter son poste en raison d'une usure professionnelle, s'accentuant à partir de 2010. Ce médecin a, par ailleurs, souligné les difficultés organisationnelles et relationnelles entre les agents et la ligne managériale du service dans lequel le requérant occupait le poste de directeur adjoint en charge des affaires administratives et financières et indiqué que ces difficultés l'avaient conduit à formuler des recommandations postérieurement à l'affectation du requérant sur un poste de chef de service au sein de la direction des ressources humaines. S'il ressort des avis émis par les experts psychiatres que M. B... a connu des difficultés dans sa vie personnelle, aucune d'entre elles n'imputent sa dépression à ces évènements, même si, associés à sa personnalité névrotique, ils ont pu le fragiliser psychologiquement. Dans ces conditions, la pathologie anxio-dépressive de M. B... doit être regardée comme étant directement en lien avec le service. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant aurait, par son comportement contribué, à la dégradation de ses conditions de travail, ni qu'il aurait présenté un état antérieur pouvant conduire à détacher sa maladie du service. Sa pathologie doit ainsi être considérée comme imputable au service.

5. Il résulte de tout ce qui précède, que le département des Vosges n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision du 26 février 2018 et lui a enjoint de prendre une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilité au service de la pathologie de M. B... à compter du 19 mars 2012, avec les avantages et droits qui y sont attachés.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par le département des Vosges au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du département des Vosges la somme demandée de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du département des Vosges est rejetée.

Article 2 : Le département des Vosges versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au département des Vosges.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Barteaux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2023.

Le rapporteur,

Signé : S. BARTEAUXLe président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

F. LORRAIN

N° 21NC01800 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01800
Date de la décision : 17/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : GEHIN - GERARDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-10-17;21nc01800 ?
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