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15/06/2004 | FRANCE | N°01NT01634

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2eme chambre, 15 juin 2004, 01NT01634


Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la Cour, respectivement, le 10 août 2001 et le 11 février 2002, présentés pour M. et Mme X demeurant ... et le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) des Verdières dont le siège social est ..., par Me DRUAIS, avocat au barreau de Rennes ;

M. et Mme X et le GAEC des Verdières demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 00-911 du 12 juin 2001 par lequel le Tribunal administratif de Caen a condamné l'Etat à ne verser qu'une somme de 5 909 F à M. et Mme X et a rejeté le surplus

de leur demande tendant à la réparation des conséquences dommageables subies...

Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la Cour, respectivement, le 10 août 2001 et le 11 février 2002, présentés pour M. et Mme X demeurant ... et le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) des Verdières dont le siège social est ..., par Me DRUAIS, avocat au barreau de Rennes ;

M. et Mme X et le GAEC des Verdières demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 00-911 du 12 juin 2001 par lequel le Tribunal administratif de Caen a condamné l'Etat à ne verser qu'une somme de 5 909 F à M. et Mme X et a rejeté le surplus de leur demande tendant à la réparation des conséquences dommageables subies par leur exploitation agricole du fait du remembrement lié aux travaux de l'autoroute A 84 sur le territoire de la commune de Poilley (Manche) ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser une somme totale de 126 281 F, avec intérêts au taux légal à compter du 25 mai 2000 ;

C

3°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 10 000 F en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 mai 2004 :

- le rapport de M. ARTUS, premier conseiller,

- les observations de Me BOUQUET-ECKAÏM, substituant Me DRUAIS, avocat de M. et Mme X et du GAEC des Verdières,

- et les conclusions de M. COËNT, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. et Mme X et le GAEC des Verdières demandent à la Cour d'annuler le jugement du 12 juin 2001 du Tribunal administratif de Caen en tant qu'il a condamné l'Etat à ne verser qu'une somme limitée à 5 909 F (900,82 euros) à M. et Mme X et a rejeté le surplus de leurs conclusions indemnitaires et celles du GAEC des Verdières tendant à la réparation des conséquences dommageables résultant des opérations de remembrement nécessitées par les travaux de construction de l'autoroute A 84 sur le territoire de la commune de Poilley (Manche) ; que, pour sa part, le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation dudit jugement en tant qu'il condamne l'Etat à verser à M. et Mme X la somme précitée de 5 909 F (900,82 euros) ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-24 du code rural : Lorsque les expropriations en vue de la réalisation des aménagements et ouvrages (...) sont susceptibles de compromettre la structure des exploitations dans une zone déterminée, l'obligation est faite au maître de l'ouvrage, dans l'acte déclaratif d'utilité publique, de remédier aux dommages causés en participant financièrement à l'exécution d'opérations de remembrement et de travaux connexes ; qu'aux termes de l'article L. 123-26 du même code : Lorsqu'un remembrement est réalisé en application de l'article L. 123-24, les dispositions des articles L. 123-1 à L. 123-23 sont applicables. Toutefois, sont autorisées les dérogations aux dispositions de l'article L. 123-1 qui seraient rendues inévitables en raison de l'implantation de l'ouvrage et des caractéristiques de la voirie mise en place à la suite de sa réalisation. Les dommages qui peuvent en résulter pour certains propriétaires et qui sont constatés à l'achèvement des opérations de remembrement sont considérés comme des dommages de travaux publics ;

En ce qui concerne le GAEC des Verdières :

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 123-26 du code rural que l'indemnisation des dommages qu'elles prévoient sur le fondement du régime de réparation des dommages de travaux publics ne concerne que les seuls propriétaires des parcelles remembrées ; qu'ainsi, le GAEC des Verdières, qui n'est pas le propriétaire des terres qu'il exploite, ne peut bénéficier du régime d'indemnisation fixé par les dispositions dudit article L. 123-26, ainsi que l'a jugé à bon droit le Tribunal administratif de Caen ;

En ce qui concerne M. et Mme X :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 123-1 du code rural : Le remembrement, applicable aux propriétés rurales non bâties, se fait au moyen d'une nouvelle distribution des parcelles morcelées et dispersées. Il a principalement pour but, par la constitution d'exploitations à grandes parcelles bien groupées, d'améliorer l'exploitation agricole des biens qui y sont soumis. Il doit également avoir pour objet l'aménagement rural du périmètre dans lequel il est mis en oeuvre ;

Considérant que si M. et Mme X soutiennent que les conditions d'exploitation de leur propriété agricole ont été aggravées en raison, d'une part, de la perte de 2 ha 1 a 22 ca de terres maraîchères, d'autre part, des inondations dont les parcelles ZR 2 et ZR 152 ont été l'objet et qui ont également entraîné des pertes de récoltes, il résulte de l'instruction que les conditions d'exploitation de leur propriété, d'une superficie initiale de 34 ha 46 a, ne sauraient être regardées comme ayant été affectées, ni par la perte d'une surface limitée, comme il vient d'être dit, à 2 ha 1 a 22 ca de terres maraîchères, ni par la circonstance que les parcelles ZR 2 et ZR 152, composées de terres d'alluvions et situées dans une boucle de la rivière La Selune où elles sont naturellement exposées aux débordements de ce cours d'eau, auraient été inondées ; que M. et Mme X n'établissent donc pas que le remembrement auquel a été soumis leur propriété aurait dérogé aux dispositions de l'article L. 123-1 du code rural ; qu'ainsi, ils ne justifient pas, par ces seules allégations, que les conditions de mise en oeuvre de l'article L. 123-26 sont réunies pour demander à être indemnisés, sur le fondement de ces dispositions, de la perte de valeur vénale de leurs parcelles, d'une prétendue remise en état des parcelles de terres maraîchères et d'éventuelles pertes de récoltes ;

Considérant, par ailleurs, qu'à supposer même que des travaux de drainage aient été réalisés dans des conditions de nature à aggraver le caractère inondable des parcelles litigieuses, de tels travaux, réalisés par l'Association foncière de remembrement de Poilley, ne sauraient engager la responsabilité de l'Etat ;

Considérant qu'il suit de là que M. et Mme X ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité de l'Etat sur le fondement de l'article L. 123-26 alinéa 2 du code rural ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'alinéa 3 de l'article L. 123-26 du code rural : Sont également autorisées, dans le cas où l'emprise de l'ouvrage est incluse dans le périmètre d'aménagement foncier, les dérogations aux dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 123-4 qui seraient rendues inévitables en raison de la nature des terres occupées par l'ouvrage ; le défaut d'équivalence dans chacune des natures de culture est alors compensé par les attributions dans une ou plusieurs natures de culture différentes ; qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 123-4 dudit code : Sauf accord exprès des intéressés, l'équivalence en valeur de productivité réelle doit, en outre, être assurée par la commission communale dans chacune des natures de culture (...) ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il pouvait être légalement dérogé aux prescriptions de l'article L. 123-4 du code rural, lesquels prévoient l'équivalence en valeur de productivité réelle des apports et des attributions par nature de culture ; que l'équilibre des apports et des attributions doit alors être apprécié en comparant, pour chaque compte, les apports réduits entraînés par la réalisation des ouvrages collectifs, avec les attributions dont chaque compte a bénéficié, toutes natures de cultures confondues et non dans chacune des natures de culture ; mais, qu'il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté par M. et Mme X, qu'ils ont reçu des attributions équivalentes en valeur de productivité réelle à leurs apports ; qu'ils ne sauraient, dès lors, en raison de la perte de 2 ha 1a 22 ca de terres maraîchères, rechercher également la responsabilité de l'Etat sur le fondement des dispositions précitées dudit article L. 123-26 ;

Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction et n'est, d'ailleurs, pas contesté par le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, que M. et Mme X ont subi un préjudice du fait d'un allongement de parcours pour relier leur centre d'exploitation à certaines parcelles exploitées pendant la phase d'exécution des travaux autoroutiers ; que, toutefois, le préjudice anormal et spécial dont se prévalaient les requérants à ce titre, sur le fondement d'un rapport d'expertise privé, a fait l'objet d'une indemnisation à leur profit à la suite de la condamnation de l'Etat, par le jugement attaqué, à leur verser la somme de 5 909 F (900,82 euros) correspondant à leur demande ; que la circonstance que, par un protocole d'accord du 11 juillet 2001, postérieur audit jugement, M. et Mme X aient obtenu des services de la Direction départementale de l'équipement et des domaines de la Manche une promesse d'indemnité de 9 297,23 F (1 417,35 euros) au titre de l'allongement litigieux sous la réserve - au demeurant non satisfaite - de renoncer à toute action contentieuse dirigée de ce chef contre l'Etat, ne saurait être, à elle seule, de nature à leur permettre de prétendre au versement d'une somme supérieure en appel ; que les conclusions qu'ils présentent à cette fin ne peuvent donc qu'être rejetées ; que, de même, le ministre qui, comme il vient d'être dit, ne conteste pas la réalité de l'allongement de parcours pour lequel les requérants ont obtenu le versement, par l'Etat, de la somme précitée de 5 909 F (900,82 euros) dont il ne critique pas davantage le montant, ne saurait prétendre à la remise en cause de cette condamnation par les conclusions de son recours incident ;

Sur les intérêts :

Considérant que M. et Mme X sont fondés à demander que la somme de 5 909 F (900,82 euros) que l'Etat a été condamné à leur verser par le jugement attaqué porte intérêts au taux légal à compter du 25 mai 2000, date d'enregistrement de leur demande au greffe du Tribunal administratif de Caen ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X sont seulement fondés à demander que l'Etat soit condamné à leur verser les intérêts au taux légal à compter du 25 mai 2000 de la somme précitée de 900,82 euros réparant leur préjudice né d'un allongement de parcours ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante à l'égard du GAEC des Verdières, soit condamné à verser à ce dernier la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de condamner l'Etat à verser à M. et Mme X la somme qu'ils demandent au titre des frais de même nature qu'ils ont exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 5 909 F (900,82 euros) que, par le jugement du 12 juin 2001, le Tribunal administratif de Caen a condamné l'Etat à verser à M. et Mme X portera intérêts au taux légal à compter du 25 mai 2000.

Article 2 : Le jugement du 12 juin 2001 du Tribunal administratif de Caen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme X, les conclusions d'appel et à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par le GAEC des Verdières et le recours incident du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme X, au GAEC des Verdières et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2eme chambre
Numéro d'arrêt : 01NT01634
Date de la décision : 15/06/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUPUY
Rapporteur ?: M. Didier ARTUS
Rapporteur public ?: M. COENT
Avocat(s) : SCP DRUAIS-MICHEL- LAHALLE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2004-06-15;01nt01634 ?
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