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27/10/2005 | FRANCE | N°04NT00470

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3eme chambre, 27 octobre 2005, 04NT00470


Vu la requête, enregistrée le 16 avril 2004, présentée pour M. et Mme X, demeurant ..., par Me Cartron ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 01-1885 du 19 février 2004 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier régional et universitaire (CHRU) de Rennes à réparer les conséquences dommageables de l'intervention que Mme Chantal X a subie le 6 février 1997 dans cet établissement ;

2°) de déclarer le CHRU de Rennes responsable des conséquences dommageables de cette

intervention ;

3°) de condamner le CHRU de Rennes à verser à Mme X une somme...

Vu la requête, enregistrée le 16 avril 2004, présentée pour M. et Mme X, demeurant ..., par Me Cartron ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 01-1885 du 19 février 2004 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier régional et universitaire (CHRU) de Rennes à réparer les conséquences dommageables de l'intervention que Mme Chantal X a subie le 6 février 1997 dans cet établissement ;

2°) de déclarer le CHRU de Rennes responsable des conséquences dommageables de cette intervention ;

3°) de condamner le CHRU de Rennes à verser à Mme X une somme de 100 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice et une somme de 22 867,35 euros à M. Pascal X en réparation du préjudice subi par ce dernier, majorées des intérêts au taux légal à compter du 1er février 2001, eux-mêmes capitalisés à compter du 2 février 2004 ;

4°) de condamner le CHRU de Rennes à leur verser une somme de 6 860,21 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'aux dépens ;

………………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 septembre 2005 :

- le rapport de M. Gualeni, rapporteur ;

- les observations de Me Cartron, avocat de M. et Mme X ;

- les conclusions de M. Millet, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il résulte des termes du jugement attaqué que le Tribunal a écarté l'argumentation des requérants fondée sur la responsabilité sans faute du centre hospitalier régional et universitaire (CHRU) de Rennes au titre de la survenance d'un aléa thérapeutique ; que, par suite, le moyen tiré d'une omission à statuer sur ce point manque en fait ;

Sur la responsabilité pour faute médicale :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise ordonnée par le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes, que Mme X, née en 1966, souffre d'une recto-colite hémorragique diagnostiquée en 1988 ; qu'en raison d'une poussée évolutive de la maladie désormais qualifiée de grave, de la persistance de la symptomatologie en dépit des traitements médicaux mis en oeuvre, il a été décidé en 1991 de proposer à l'intéressée de procéder à une colectomie ; qu'après le report de cette intervention à la demande de l'intéressée, pour des raisons familiales, et compte tenu de l'amélioration de son état de santé, Mme X a fait l'objet d'un suivi médical, sans nouvel épisode de recto-colite ; qu'en raison d'une nouvelle poussée très active, avec fléchissement de l'état général de Mme X, il a été procédé, le 20 septembre 1996, au CHRU de Rennes à l'ablation de la quasi totalité du colon avec abouchement temporaire de l'intestin à la paroi abdominale ; que le deuxième temps de ce traitement chirurgical a été mis en oeuvre le 6 février 1997 ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise susmentionnée, que c'est au cours de l'ablation du reste du colon lors de cette dernière intervention que s'est produite une plaie à la face postérieure du vagin, immédiatement repérée et fermée par le chirurgien ; qu'il résulte du même rapport d'expertise que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, qui n'en contestent pas sérieusement les termes par la consultation qu'ils produisent en appel, il s'agit d'une complication d'un geste opératoire délicat, liée à un dispositif anatomique particulier du fait de l'état pathologique de la patiente, qui ne saurait avoir un caractère fautif, de maladresse ou d'imprudence ;

Considérant, en deuxième lieu, que les requérants, qui se fondent sur les termes du compte rendu d'hospitalisation, au demeurant cité par l'expert, évoquant la découverte fortuite de l'existence d'une fistule recto-vaginale le 18 février 1997, soutiennent qu'une telle situation caractérise tant une faute dans le suivi post-opératoire qu'un retard de diagnostic compromettant les chances de récupération de Mme X ; qu'il résulte, toutefois, de l'instruction que la fistule a été découverte par le personnel en charge des soins post-opératoires à l'occasion des soins dispensés à l'intéressée qui n'établit ni avoir fait part au personnel, avant cette date, d'éléments qui auraient permis de suspecter l'existence de cette anomalie et dont il n'aurait pas été tenu compte, ni davantage que la fistule serait apparue avant sa découverte par le personnel de l'établissement ; qu'ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les conditions dans lesquelles a été découverte cette fistule sont constitutives d'une faute de nature à engager la responsabilité du CHRU de Rennes ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise susmentionnée, que le médecin en charge de Mme X a pratiqué un examen de contrôle en vue de s'assurer du tarissement de la fistule, avant de procéder au réenfouissement de l'iléostomie le 4 juin 1997 ; que ce médecin a conclu au tarissement spontané de la fistule après avoir constaté l'absence d'écoulement par voie vaginale d'un produit sous contraste introduit sous pression par la stomie ; qu'il résulte également de l'instruction, et notamment de l'expertise ordonnée en référé, qu'il est probable que, lors de cet examen, un repli muqueux ait fait clapet sur la fistule, de sorte que celle-ci n'a pas été extériorisée et que ce médecin, pensant qu'elle s'était spontanément obturée, a procédé au réenfouissement de l'iléostomie ; que, dans ces conditions, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la réalisation de cette intervention, qui ne fait pas suite à une erreur d'interprétation d'un cliché radiographique, ne présente pas un caractère fautif ;

Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction, et spécialement d'un courrier du professeur CAMPION, chef de service du centre de chirurgie digestive et hépato-bilaire, unité de transplantation hépatique du CHRU de Rennes, que le praticien qui a procédé aux interventions sur Mme X est docteur en médecine, chirurgien diplômé exerçant en qualité d'assistant chef de clinique ; que, dans ces conditions, le Tribunal a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, en réponse à l'argumentation des requérants soutenant que seule la production des éléments sur la situation de ce médecin permettrait d'apprécier son habilitation et ses compétences à pratiquer les interventions que Mme X a subies, considérer que le médecin ayant réalisé l'intervention était un chirurgien diplômé exerçant ses fonctions dans le service de chirurgie viscérale ; qu'au demeurant, l'expert désigné en référé, après avoir indiqué qu'il ne lui a pas été possible de connaître la position exacte, sur le plan administratif, de ce médecin, a précisé que cette circonstance n'était pas de nature à modifier l'appréciation globale des circonstances de l'espèce ; qu'aux termes de cette appréciation, non sérieusement contestée, l'expert désigné en référé a précisé que les soins ont été conformes aux règles de l'art et aux données de la science de l'époque et qu'il n'a été observé aucun manquement à ces règles ;

Sur la responsabilité sans faute :

Considérant que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement d'un patient présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la survenance d'une fistule recto-vaginale à l'occasion d'une coloprotectomie, comme l'a subie Mme X au CHRU de Rennes, constitue un risque dont la réalisation peut être qualifiée d'exceptionnelle ; qu'il n'est pas davantage établi par l'instruction que les séquelles directement imputables à cette complication dont reste atteinte l'intéressée, se traduisant par une incapacité permanente partielle évaluée à 15 % par l'expert, qui se concrétisent par l'irruption du liquide digestif dans les voies vaginales, et sont à l'origine, outre de la gêne personnelle causée par une telle situation, d'une dyspareunie, présentent un caractère d'extrême gravité, alors même que la consolidation de son état n'est intervenue que postérieurement à l'expertise susmentionnée ; que, dans ces conditions, M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que la responsabilité du CHRU de Rennes est engagée même en l'absence de faute ;

Sur le manquement à l'obligation d'information :

Considérant que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité, de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ;

Considérant que le CHRU de Rennes n'établit pas avoir informé Mme X des risques que comporte l'intervention qu'elle a subie ; que ce défaut d'information a constitué une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de M. et Mme X ; que, toutefois, il résulte de l'instruction qu'il n'y avait pas d'alternative thérapeutique au traitement des troubles que présentait l'intéressée ; que, par suite, la faute commise par le CHRU de Rennes n'a pas entraîné, dans les circonstances de l'espèce, de perte de chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise médicale, que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que le CHRU de Rennes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. et Mme X la somme que ceux-ci réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme X, au centre hospitalier régional et universitaire de Rennes, à la caisse primaire d'assurance maladie de Saint-Malo et au ministre de la santé et des solidarités.

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N° 04NT00470

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 04NT00470
Date de la décision : 27/10/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SALUDEN
Rapporteur ?: M. Christian GUALENI
Rapporteur public ?: M. MILLET
Avocat(s) : CARTRON

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2005-10-27;04nt00470 ?
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