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02/12/2005 | FRANCE | N°03NT00731

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3eme chambre, 02 décembre 2005, 03NT00731


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 mai et 9 juillet 2003, présentés pour la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Nantes, dont le siège est 9 rue Gaëtan Rondeau à Nantes (44269), représentée par son directeur en exercice, par Me Cazin ; la CPAM de Nantes demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 00-2899 du 9 janvier 2003 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a, sur la demande de M. Gérard X, condamné, par l'article 2 dudit jugement, le centre hospitalier régional et universitaire (CHRU) d'Angers à lui paye

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 mai et 9 juillet 2003, présentés pour la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Nantes, dont le siège est 9 rue Gaëtan Rondeau à Nantes (44269), représentée par son directeur en exercice, par Me Cazin ; la CPAM de Nantes demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 00-2899 du 9 janvier 2003 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a, sur la demande de M. Gérard X, condamné, par l'article 2 dudit jugement, le centre hospitalier régional et universitaire (CHRU) d'Angers à lui payer la somme totale de 7 606,87 euros au titre des débours exposés par suite de l'intervention du 18 juin 1997, en tant que cette somme est insuffisante ;

2°) de condamner le CHRU d'Angers à lui payer la somme de 14 546,72 euros avec intérêts et intérêts des intérêts au titre des débours exposés, ainsi que la somme de 762,25 euros au titre des frais engagés pour en obtenir le recouvrement ;

3°) de condamner le CHRU d'Angers à lui verser une somme de 1 794 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

………………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 novembre 2005 :

- le rapport de M. d'Izarn de Villefort, rapporteur ;

- les observations de Me Buttier, substituant Me Huc, avocat du CHRU d'Angers ;

- les conclusions de M. Millet, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que si l'expédition du jugement du Tribunal administratif de Nantes qui a été notifié à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Nantes ne fait pas mention de l'intégralité des mémoires présentés par les parties, il résulte de la minute dudit jugement que le Tribunal a visé et analysé ces documents ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier régional et universitaire (CHRU) d'Angers :

Considérant que M. X a subi, le 18 juin 1997, au CHRU d'Angers, une intervention chirurgicale, afin de mettre fin à la névralgie faciale dont il était affecté depuis plus de vingt ans ; qu'une hémorragie s'est cependant produite en cours d'opération, qui a nécessité l'application d'un tamponnement ; que, si l'intervention a fait disparaître la névralgie faciale dont M. X souffrait, celui-ci est désormais atteint d'une surdité et d'acouphènes à l'oreille gauche et d'un syndrome vestibulaire gauche ;

Considérant, en premier lieu, que, lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné en référé par le président du Tribunal administratif de Nantes, que le taux d'incapacité permanente partielle de M. X X résultant des troubles susdécrits doit être fixé à 20 % ; que sa surdité est unilatérale et que sa perte auditive peut être en partie compensée par un appareillage adéquat ; qu'en dépit de son importance, le dommage qu'il a subi ne présente donc pas, contrairement à ce que soutient la CPAM de Nantes, le caractère d'extrême gravité requis pour que la responsabilité du CHRU d'Angers puisse être engagée sans faute ;

Considérant, en deuxième lieu, que, lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité, de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ; qu'il résulte de l'instruction que la méthode chirurgicale de décompression microvasculaire, dite de Jannetta, utilisée pour traiter la névralgie faciale dont M. X était affecté présente un risque exceptionnel mais connu de complications d'ordre auditif, qui sont facteurs d'invalidité ; qu'en effet, ces complications sont liées, en l'espèce, à la lésion du nerf cochléo-vestibulaire lors du tamponnement de l'hémorragie apparue en cours d'opération ; qu'en se bornant à faire état des usages en vigueur dans cet établissement pour délivrer aux patients l'information requise, le CHRU d'Angers n'apporte pas la preuve qui lui incombe que M. X avait été informé de ces risques, alors qu'il n'existait aucune situation d'urgence de nature à le dispenser de cette obligation d'information ; qu'ainsi, le centre hospitalier n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de M. X et de la CPAM de Nantes ;

Considérant, néanmoins, que M.X n'a souhaité subir une intervention chirurgicale que parce que ses douleurs étaient réapparues en 1995 après un traitement initial par alcoolisation et que l'effet du traitement médical qu'il suivait depuis était allé en s'amenuisant en dépit de l'augmentation des doses ; que le rapport de l'expertise ne met pas en évidence l'existence de risques plus importants liés au mode d'intervention retenu par le CHRU d'Angers pour faire disparaître la névralgie faciale ; qu'il n'est donc pas établi qu'existait une alternative thérapeutique moins risquée, qui aurait permis à l'intéressé d'échapper à l'invalidité dont il est aujourd'hui atteint ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, la faute commise par cet établissement n'a pas entraîné de perte de chance pour M. X de se soustraire au risque qui s'est réalisé ; qu'aucune indemnisation n'est, par suite, due à ce titre, ainsi que le soutient, par la voie de son recours incident, le CHRU d'Angers ;

Considérant que la CPAM de Nantes ne relève appel du jugement qu'en tant que la somme que, par l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Nantes du 9 janvier 2003, le CHRU d'Angers a été condamné à lui payer est insuffisante, sans critiquer le montant de la somme de 360 euros que le CHRU d'Angers a également été condamné à lui payer par le même article 2 ; qu'il résulte de tout ce qui précède que sa requête doit être rejetée et que le CHRU d'Angers est fondé à soutenir, par la voie du recours incident, que la somme qu'il a été condamné à lui payer par l'article 2 du jugement doit être ramenée à 360 euros ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que le CHRU d'Angers, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à la CPAM de Nantes la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la caisse primaire d'assurance maladie de Nantes est rejetée.

Article 2 : La somme globale de 7 966,87 euros (sept mille neuf cent soixante-six euros et quatre-vingt-sept centimes) que, par l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Nantes du 9 janvier 2003, le centre hospitalier régional et universitaire d'Angers a été condamné à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de Nantes est ramenée à la somme de 360 euros (trois cent soixante euros).

Article 3 : L'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Nantes du 9 janvier 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse primaire d'assurance maladie de Nantes, au centre hospitalier régional et universitaire d'Angers, à M. Gérard X et au ministre de la santé et des solidarités.

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N° 03NT00731

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 03NT00731
Date de la décision : 02/12/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SALUDEN
Rapporteur ?: M. Philippe D IZARN de VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. MILLET
Avocat(s) : CLAVEL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2005-12-02;03nt00731 ?
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