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26/05/2006 | FRANCE | N°06NT00780

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, Reconduite a la frontiere, 26 mai 2006, 06NT00780


Vu la requête, enregistrée le 14 avril 2006, présentée pour M. Cyriaque X, demeurant ..., par Me Mikaël Goubin, avocat au barreau de Rennes ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 06-881 du 6 mars 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine, en date du 1er mars 2006, décidant sa reconduite à la frontière et fixant la République démocratique du Congo comme pays à destination duquel l'intéressé devait être r

econduit et, d'autre part, de l'arrêté du même jour le maintenant en rétention ...

Vu la requête, enregistrée le 14 avril 2006, présentée pour M. Cyriaque X, demeurant ..., par Me Mikaël Goubin, avocat au barreau de Rennes ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 06-881 du 6 mars 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine, en date du 1er mars 2006, décidant sa reconduite à la frontière et fixant la République démocratique du Congo comme pays à destination duquel l'intéressé devait être reconduit et, d'autre part, de l'arrêté du même jour le maintenant en rétention administrative pendant un délai de quarante-huit heures ;

2°) d'annuler lesdits arrêtés ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer, dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 26 janvier 2005 par laquelle le président de la Cour a délégué M. Martin pour statuer sur les appels interjetés contre les jugements rendus par les présidents de tribunaux administratifs ou leurs délégués en matière de reconduite à la frontière ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié, portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2006 :

- le rapport de M. Martin, magistrat délégué,

- et les conclusions de M. Mornet, commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) - 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité congolaise, a présenté une première demande tendant à l'admission au statut de réfugié, qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, en date du 20 octobre 2004, confirmée, le 11 octobre 2005, par la Commission des recours des réfugiés ; que, par une décision du 14 décembre 2005, notifiée le 26 décembre 2006, le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé d'admettre l'intéressé au séjour et l'a invité à quitter le territoire français ; que M. X, qui s'est présenté, le 11 janvier 2006, à la préfecture d'Ille-et-Vilaine pour solliciter le réexamen de sa demande d'asile, a obtenu un rendez-vous fixé au 31 janvier suivant afin de formaliser sa demande ; que, le 20 janvier 2006, l'intéressé s'est à nouveau présenté à la préfecture afin de déposer une demande de carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale, en application de l'article L.313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, le 31 janvier 2006, le préfet a transmis selon la procédure prioritaire la demande de réexamen présentée par M. X à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lequel l'a rejetée par une décision du 7 février 2006 ; que cette dernière décision a été contestée par l'intéressé devant la Commission des recours des réfugiés ; que, M. X s'étant maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, effectuée par voie postale et dans les formes appropriées, le 26 décembre 2005, de la décision du 14 décembre 2005, lui refusant un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire, l'intéressé était, ainsi, dans le cas prévu par les dispositions susmentionnées du 3° de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que M. X invoque, à l'appui de son recours, par voie d'exception, d'une part, l'illégalité du refus d'admission au séjour en qualité de demandeur d'asile qui lui aurait été implicitement opposé le 31 janvier 2006, et, d'autre part, l'illégalité de la prétendue décision implicite, contenue dans l'arrêté de reconduite, lui refusant la délivrance de la carte temporaire de séjour qu'il avait sollicitée, au titre de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, toutefois, l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière n'étant pas fondé sur les décisions susmentionnées, M. X ne peut utilement se prévaloir de l'illégalité de celles-ci ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (…) 4º La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. (…) ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 du même code, l'étranger demandeur d'asile (…) admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Commission des recours. Il dispose d'un délai d'un mois à compter de la notification du refus de renouvellement ou du retrait de son autorisation de séjour pour quitter volontairement le territoire français ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 742-6 du code susmentionné : L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'Office ; qu'à l'appui de sa demande de réexamen de sa qualité de réfugié présentée, ainsi qu'il est dit ci-dessus, alors qu'il avait été invité à quitter le territoire français, M. X a indiqué qu'il avait reçu des documents prouvant qu'il était recherché dans son pays d'origine ; qu'il ressort des pièces du dossier que ces documents sont insuffisamment probants pour établir la réalité des risques encourus par l'intéressé en cas de retour en République démocratique du Congo ; que la nouvelle demande d'asile de M. X devait, dès lors, être regardée comme ayant manifestement pour seul objet de faire échec, dans un but dilatoire, à la mesure d'éloignement susceptible d'être prise à son encontre ; que, dans ces conditions, c'est par une exacte application des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet d'Ille-et-Vilaine, qui n'était pas tenu de délivrer à M. X un nouveau titre provisoire lui permettant de séjourner régulièrement en France jusqu'à ce que la Commission des recours des réfugiés ait statué sur sa nouvelle demande, a pris, le 1er mars 2006, l'arrêté de reconduite à la frontière contesté ;

Considérant que la circonstance que M. X se soit présenté à la préfecture, le 20 janvier 2006, pour y déposer une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L.313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'obligeait le préfet ni à lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, ni à statuer sur cette nouvelle demande avant de décider la reconduite à la frontière de l'intéressé ;

Considérant que, si M. X allègue qu'il suit un traitement médical qui lui imposerait de rester en France, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que, par suite, en décidant la reconduite à la frontière de M. X, par l'arrêté contesté, qui vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est, ainsi, suffisamment motivé en droit, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 511-4 10° du même code ; qu'en écartant le moyen soulevé par l'intéressé et tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes n'a commis aucune erreur de droit ;

Considérant que, si M. X fait valoir qu'il est entré en France en 2003, qu'il a été rejoint l'année suivante par sa compagne, que tous deux ont eu un troisième enfant né en 2005 en France, et que son père a combattu dans l'armée française, il ressort des pièces du dossier que sa compagne est également en situation irrégulière en France, et que leurs deux premiers enfants sont restés en République démocratique du Congo ; que, dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et, notamment, de la durée et des conditions de séjour de M. X en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, le préfet, en prenant la décision contestée, n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle et familiale du requérant ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant que, si M. X soutient qu'il est recherché dans son pays d'origine, et qu'en cas de retour en République démocratique du Congo, il encourrait le risque d'être exposé à des traitements inhumains ou dégradants, l'intéressé, dont d'ailleurs les diverses démarches tendant à bénéficier du statut de réfugié ont été rejetées, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ne produit à l'appui de ses allégations que la photocopie de documents ne présentant aucune garantie d'authenticité ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L.513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin de régularisation de la situation administrative de l'intéressé :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de M. X, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour doivent être rejetées ;

Sur la légalité de l'arrêté de maintien en rétention administrative :

Considérant qu'à l'appui de sa demande présentée devant le Tribunal administratif de Rennes et dirigée contre l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine, en date du 1er mars 2006, décidant son maintien en rétention administrative, M. X a soulevé le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; qu'il ressort du jugement attaqué du 6 mars 2006 que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes a omis de répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement attaqué, en ce qu'il a statué sur les conclusions de M. X tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er mars 2006 décidant son maintien en rétention administrative et d'évoquer l'affaire sur ce point ;

Considérant que l'arrêté décidant du maintien de M. X dans un local ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de quarante-huit heures n'a pas porté par lui-même atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant au sens des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, l'intéressé, qui travaillait en France sous une fausse identité, ne disposait pas d'un passeport et avait tenté de fuir lors d'une visite des services de police à son domicile, le 6 février 2006, présentait des garanties de représentation suffisantes à la date de l'arrêté décidant sa reconduite à la frontière ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision l'ayant placé en rétention administrative ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. X la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes, en date du 6 mars 2006, est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de M. X dirigées contre l'arrêté du 1er mars 2006 décidant son maintien en rétention administrative.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Rennes et tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er mars 2006 décidant son maintien en rétention administrative et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Cyriaque X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Une copie sera transmise au préfet d'Ille-et-Vilaine.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : Reconduite a la frontiere
Numéro d'arrêt : 06NT00780
Date de la décision : 26/05/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent MARTIN
Rapporteur public ?: M. MORNET
Avocat(s) : GOUBIN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2006-05-26;06nt00780 ?
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