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30/03/2007 | FRANCE | N°06NT00807

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 30 mars 2007, 06NT00807


Vu la requête, enregistrée le 21 avril 2006, présentée pour M. Patrick X, demeurant ..., par Me Brand, avocat au barreau de Caen ; M. Patrick X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 04-1198 du 21 février 2006 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 mars 2004 par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a autorisé la société Fromagerie de Livarot à le licencier pour faute ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) de conda

mner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du c...

Vu la requête, enregistrée le 21 avril 2006, présentée pour M. Patrick X, demeurant ..., par Me Brand, avocat au barreau de Caen ; M. Patrick X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 04-1198 du 21 février 2006 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 mars 2004 par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a autorisé la société Fromagerie de Livarot à le licencier pour faute ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

………………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements, ensemble les directives 77/187/CEE du 14 février 1977 et 98/50/CE du 29 juin 1998 qu'elle codifie ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mars 2007 :

- le rapport de M. Gualeni, rapporteur ;

- les observations de Me Hamon, avocat de la société Fromagerie de Livarot ;

- et les conclusions de M. Millet, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X relève appel du jugement du 21 février 2006 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision prise le 17 mars 2004, sur recours hiérarchique, par le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité autorisant la société Fromagerie de Livarot à le licencier pour faute ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que le Tribunal administratif de Caen a répondu aux moyens tirés, d'une part, de ce que la décision en date du 17 mars 2004 du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité serait insuffisamment motivée, d'autre part, de ce que la société Fromagerie de Livarot n'aurait pas eu qualité pour former un recours hiérarchique à l'encontre de la décision en date du 15 septembre 2003 de l'inspecteur du travail de la 3ème section du Calvados lui refusant l'autorisation de licencier M. X ; qu'ainsi, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges ont omis de statuer sur ces moyens ;

Sur la légalité de la décision contestée :

Considérant, en premier lieu, que la décision du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, qui comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde est suffisamment motivée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 122-12 du code du travail : S'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ; que les dispositions précitées impliquent le maintien des contrats de travail entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise en cas de transfert d'une entité économique, conservant son identité, et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; que constitue une entité économique un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société Fromagerie de Saint-Désir qui employait M. X, ouvrier polyvalent et délégué syndical, a, par acte du 1er mai 2003, cédé à la société Fromagerie de Livarot la branche d'activité de fabrication de produits laitiers de son fonds de commerce ; que cette cession a porté sur la clientèle, l'achalandage, de noms commerciaux à l'exception de celui de Saint-Désir, des marques et la clientèle attachée à celles-ci, les étiquettes, le matériel et le mobilier commercial servant à l'exploitation du fonds ; qu'en outre, la société Fromagerie de Livarot s'engageait, notamment à poursuivre les contrats de travail des personnes exerçant leur activité dans le fonds cédé aux conditions de rémunération et d'ancienneté dont elles bénéficiaient ; que l'activité a été transférée, sans qu'il n'y ait aucune interruption de celle-ci, à Livarot dans un établissement appartenant à la société Fromagerie de Livarot ; qu'il n'est pas contesté que l'activité de fabrication de produits laitiers rachetée à la société Fromagerie de Saint-Désir a été reprise et poursuivie dans l'établissement de Livarot sans que le mode de production ait été notablement modifié ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les produits ainsi fabriqués ne le seraient plus sous les marques rachetées à la société Fromagerie Saint-Désir laquelle a poursuivi une activité commerciale ; que, dans ces conditions, et sans que puisse y faire obstacle la double circonstance que les deux sociétés étaient présidées par une même personne et que le personnel transféré à Livarot travaille sur le même site que celui des autres salariés de la société Fromagerie de Livarot, sous une direction unique, la cession susmentionnée caractérise le transfert d'une entité économique, conservant son identité, et dont l'activité a été reprise ; qu'ainsi, M. X n'est pas fondé à soutenir que les dispositions précitées de l'article L. 122-12 du code du travail ne trouvaient pas à s'appliquer ; qu'il résulte de ce qui précède, que, par l'effet de ces dispositions, le contrat de travail de M. X s'est poursuivi de plein droit avec la société Fromagerie de Livarot, son nouvel employeur, laquelle avait ainsi qualité tant pour solliciter l'autorisation de le licencier, comme elle la fait par courrier du 21 juillet 2003, que pour former un recours hiérarchique contre la décision du 15 septembre 2003 de l'inspecteur du travail lui refusant cette autorisation ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X a refusé de prendre ses fonctions sur le site de Livarot ; que le changement de son lieu de travail induit par la cession susmentionnée et le transfert de l'activité de production des produits laitiers jusque-là assurée par la société Fromagerie de Saint-Désir à Livarot, communes distantes de moins de vingt kilomètres, situées dans un même bassin d'emploi, constitue non une modification de son contrat de travail mais seulement une modification de ses conditions de travail décidée par son employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction ; que le refus de cette modification manifesté par son absence de son poste de travail en dépit des rappels qui lui ont été adressés est constitutif d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. X la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Patrick X, à la société Fromagerie de Livarot et au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.

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N° 06NT00807

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 06NT00807
Date de la décision : 30/03/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme THOLLIEZ
Rapporteur ?: M. Christian GUALENI
Rapporteur public ?: M. MILLET
Avocat(s) : BRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2007-03-30;06nt00807 ?
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