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29/08/2008 | FRANCE | N°08NT01819

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 29 août 2008, 08NT01819


Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 2008, présentée pour M. Gérard X, demeurant ..., par Me Françoise Duverneuil, avocat au barreau de Toulouse ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 08-2829 du 3 juillet 2008 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande qu'il a présentée, en application des dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique, contre l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine, en date du 23 juin 2008, décidant que l'intéressé sera immédiatement suspendu

du droit d'exercer la médecine pour une durée maximale de cinq mois ;

2°) de...

Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 2008, présentée pour M. Gérard X, demeurant ..., par Me Françoise Duverneuil, avocat au barreau de Toulouse ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 08-2829 du 3 juillet 2008 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande qu'il a présentée, en application des dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique, contre l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine, en date du 23 juin 2008, décidant que l'intéressé sera immédiatement suspendu du droit d'exercer la médecine pour une durée maximale de cinq mois ;

2°) de suspendre l'exécution, ou même d'annuler, ledit arrêté ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu l'ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958, modifiée, portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l'Etat ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits du malade et à la qualité du système de santé ;

Vu le décret n° 84-135 du 24 février 1984, modifié, portant statut des personnels enseignants et hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires ;

Vu le décret n° 2004-1445 du 23 décembre 2004 relatif à la suspension d'un médecin, d'un chirurgien-dentiste, d'une sage-femme ou d'un pharmacien et pris pour l'application des articles L. 4113-14 et L. 4221-18 du code de la santé publique et modifiant ce code ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 août 2008 :

- le rapport de M. Vandermeeren, président-rapporteur ;

- et les conclusions de M. Geffray, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique : En cas d'urgence, lorsque la poursuite de son exercice par un médecin, un chirurgien-dentiste ou une sage-femme expose ses patients à un danger grave, le représentant de l'Etat dans le département prononce la suspension immédiate du droit d'exercer pour une durée maximale de cinq mois (...) ; que le cinquième alinéa du même article dispose : Le médecin, le chirurgien-dentiste ou la sage-femme dont le droit d'exercer a été suspendu selon la procédure prévue au présent article peut exercer un recours contre la décision du représentant de l'Etat dans le département devant le tribunal administratif qui statue en référé dans un délai de quarante-huit heures ;

Considérant que les dispositions précitées du cinquième alinéa de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique, issues de l'article 45 de la loi susvisée du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, ouvrent, en particulier, au médecin à l'égard duquel le représentant de l'Etat dans le département a prescrit, en application du premier alinéa du même article, la suspension immédiate du droit d'exercer, un recours contre la décision de suspension ; que ces dispositions, qui se bornent à indiquer que le recours est formé auprès du tribunal administratif statuant en référé dans les quarante-huit heures et qui, par ailleurs, ne renvoient pas au code de justice administrative, et, notamment pas, à son livre V, ne déterminent ni la nature des mesures provisoires ou, éventuellement définitives, susceptibles d'être prononcées par le tribunal, ni les conditions auxquelles le prononcé de ces mesures est subordonné, ni les modalités de la procédure au terme de laquelle statue le tribunal, ni la voie de recours pouvant être exercée contre sa décision ; que, si le dernier alinéa de l'article L. 4113-14 prévoit que les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat, le décret susvisé du 23 décembre 2004 pris, notamment, pour l'application dudit article et dont les dispositions ont été reprises sous les articles R. 4113-111 et suivants du code de santé publique, n'énonce aucune règle relative à l'organisation du recours susceptible d'être exercé par le médecin ; que, l'application du cinquième alinéa de l'article L. 4113-14 était, dès lors, manifestement impossible à la date du 3 juillet 2008 à laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes a rendu son ordonnance qui rejette la demande présentée par M. X, sur le fondement de cet article, en vue d'obtenir la suspension et même l'annulation de l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine, en date du 23 juin 2008, décidant que l'intéressé serait, à raison de son activité libérale de radiologue, exercée en avril 2008, au titre d'un remplacement, immédiatement suspendu du droit d'exercer la médecine pour une durée maximale de cinq mois ; que, dans ces conditions, il appartenait au tribunal administratif, en vue d'assurer le respect du droit à un recours juridictionnel effectif, et compte tenu des termes de la demande de M. X, de se regarder comme saisi d'un recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté contesté ;

Considérant, par ailleurs, que, si, en vertu du 3° de l'article R. 311-1 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort des litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires nommés par décret du Président de la République et si M. X, professeur des universités - praticien hospitalier, admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 14 septembre 2006, a été maintenu en activité en surnombre en qualité de professeur, jusqu'à la fin de l'année universitaire 2009-2010, la contestation soulevée par son recours, qui n'a pas trait à sa situation individuelle de professeur des universités, n'est, en tout état de cause, pas au nombre des litiges mentionnés au 3° de l'article R. 311-1 du code de justice administrative ; que, par suite, c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le premier juge a décliné la compétence du tribunal administratif, au motif que la demande de l'intéressé entrait dans le champ d'application de cette disposition ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Rennes ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 : Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. - A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ; que la mesure de suspension prévue au premier alinéa de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique est, comme le rappelle d'ailleurs le premier alinéa de l'article R. 4113-111 du même code, au nombre des décisions dont la motivation est obligatoire ; que l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 dispose que la motivation exigée (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ;

Considérant qu'en se bornant, pour justifier la mesure de suspension prononcée à l'encontre de M. X, à indiquer que, dans des courriers, en date des 11 et 13 juin 2008, les conseils départementaux de l'ordre des médecins de la Haute-Garonne et d'Ille-et-Vilaine estiment que les faits exposés sont suffisamment graves, qu'il ressort des courriers des 11 et 13 juin 2008 que les comportements du docteur Gérard X, radiologue, sont incompatibles avec l'exercice de la médecine et que la poursuite de l'exercice de la médecine par le docteur Gérard X, radiologue, expose ses patients à un danger grave, le préfet, qui ne déclare pas s'approprier les opinions exprimées par les conseils départementaux dans les courriers susmentionnés, et qui n'en a, ni incorporé, ni joint, le texte à son arrêté du 23 juin 2008, a insuffisamment motivé sa décision ; que, dès lors, le requérant est fondé à en demander l'annulation ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer à M. X une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance, en date du 3 juillet 2008, du juge des référés du Tribunal administratif de Rennes et l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine, en date du 23 juin 2008, sont annulés.

Article 2 : L'Etat (ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative) versera à M. X une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Gérard X et au ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Une copie sera transmise, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

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N° 08NT01819

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 08NT01819
Date de la décision : 29/08/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

01-08-01-0254-03-0161-035 ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS. APPLICATION DANS LE TEMPS. ENTRÉE EN VIGUEUR. - EXISTENCE - 5ÈME ALINÉA DE L'ARTICLE L. 4113-14 DU CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE.

z01-08-01-02z54-03-01z61-035z Les dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique, issues de l'article 45 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, ouvrent au médecin à l'égard duquel le représentant de l'Etat dans le département a prescrit, en application du premier alinéa du même article, la suspension immédiate du droit d'exercer, un recours contre la décision de suspension. Ces dispositions, qui se bornent à indiquer que le recours est formé auprès du tribunal administratif statuant en référé dans les quarante-huit heures et qui, par ailleurs, ne renvoient pas au code de justice administrative, ne déterminent ni la nature des mesures provisoires ou, éventuellement définitives, susceptibles d'être prononcées par le tribunal, ni les conditions auxquelles le prononcé de ces mesures est subordonné, ni les modalités de la procédure au terme de laquelle statue le tribunal, ni la voie de recours pouvant être exercée contre sa décision. Si le dernier alinéa de l'article L. 4113-14 prévoit que les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat, le décret n° 2004-1445 du 23 décembre 2004 pris notamment pour l'application de cet article et dont les dispositions ont été reprises sous les articles R. 4113-111 et suivants du code de la santé publique, n'énonce aucune règle relative à l'organisation du recours susceptible d'être exercé par le médecin. Dès lors, l'application du cinquième alinéa de l'article L. 4113-14 était manifestement impossible à la date à laquelle un médecin, dont le préfet avait, par arrêté, suspendu le droit d'exercer, a demandé au juge des référés du tribunal administratif, sur le fondement de cet article, la suspension de l'exécution de l'arrêté en cause.


Composition du Tribunal
Président : M. le Prés VANDERMEEREN
Rapporteur ?: M. le Prés Roland VANDERMEEREN
Rapporteur public ?: M. GEFFRAY
Avocat(s) : DUVERNEUIL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2008-08-29;08nt01819 ?
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