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02/03/2012 | FRANCE | N°10NT00457

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 02 mars 2012, 10NT00457


Vu la requête, enregistrée le 3 mars 2010, présentée pour M. Gilles X, demeurant ..., par Me Buors, avocat au barreau de Quimper ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 07-2441 en date du 11 février 2010 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 février 2007 du maire de Morlaix l'affectant sur le poste de responsable du service " archives-documentation " à la direction des ressources humaines à compter du 5 mars 2007, ensemble la décision du 20 avril 2007 portant rejet de son recours grac

ieux tendant au retrait de la décision du 20 février 2007 ;

2°) d'a...

Vu la requête, enregistrée le 3 mars 2010, présentée pour M. Gilles X, demeurant ..., par Me Buors, avocat au barreau de Quimper ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 07-2441 en date du 11 février 2010 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 février 2007 du maire de Morlaix l'affectant sur le poste de responsable du service " archives-documentation " à la direction des ressources humaines à compter du 5 mars 2007, ensemble la décision du 20 avril 2007 portant rejet de son recours gracieux tendant au retrait de la décision du 20 février 2007 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre à la commune de Morlaix de l'affecter à nouveau sur le poste de directeur de la bibliothèque dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder à une nouvelle instruction de son dossier dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Morlaix le versement de la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 22 avril 1905, notamment son article 65 ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 février 2012 :

- le rapport de M. Piron, président-rapporteur ;

- les conclusions de M. Martin, rapporteur public ;

- et les observations de Me Le Theo substituant Me Gourvennec, avocat de la commune de Morlaix ;

Considérant que M. X, bibliothécaire territorial exerçant ses fonctions à la bibliothèque " Les ailes du temps " à Morlaix relève appel du jugement en date du 11 février 2010 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 février 2007 par laquelle le maire de Morlaix l'a affecté sur le poste de responsable du service " archives-documentation " à la direction des ressources humaines de cette collectivité à compter du 5 mars 2007, ensemble la décision du 20 avril 2007 portant rejet de son recours gracieux tendant au retrait de la décision du 20 février 2007 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que, pour rejeter les conclusions à fin d'annulation de la demande de M. X, le tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur le motif tiré de ce que la décision du 20 février 2007 du maire de Morlaix, prise dans l'intérêt du service, ne pouvait être regardée ni comme une sanction déguisée, ni comme révélant un comportement de harcèlement au sens des dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, sans toutefois examiner le moyen présenté, à titre subsidiaire, et tiré de ce que ladite décision, à supposer qu'elle ne constituât pas une sanction disciplinaire déguisée, devait s'analyser comme une mesure prise en considération de la personne, elle-aussi illégale ; qu'une mesure de mutation dans l'intérêt du service n'ayant pas le caractère d'une sanction disciplinaire est cependant susceptible d'être prise en considération de la personne et est, dans ce cas, soumise à l'obligation résultant des dispositions de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ; qu'en omettant d'examiner ce moyen, qui n'était pas inopérant, les premiers juges ont entaché leur jugement d'une omission à statuer ; que, par suite, il y a lieu d'annuler ce dernier et de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Rennes ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant que la décision du 20 février 2007 du maire de Morlaix prononçant la mutation d'office de M. X a été prise en raison de " relations de travail difficiles et susceptibles de nuire au service " que ce dernier entretenait " tant avec [ses] subordonnés qu'avec [sa] hiérarchie (...) malgré les dispositions prises et démarches de médiation mises en oeuvre par la collectivité (...) " ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, ces faits sont matériellement établis par les pièces du dossier et notamment par une lettre en date du 3 mai 2006 adressée par celui-ci au directeur général des services reconnaissant l'existence de difficultés dans son service et indiquant que son " départ de la bibliothèque sera propice à un apaisement des passions qui s'expriment bien loin des préoccupations du personnel de la bibliothèque " ; que le fait qu'ultérieurement, le 10 octobre 2006, l'intéressé ait indiqué ne plus vouloir quitter le poste de directeur de bibliothèque est par lui-même sans influence sur l'existence de ces dysfonctionnements dans le service dont il avait la charge et, par suite, sur la décision de le muter d'office sur le poste de responsable du service " archives-documentation " ; qu'en prenant cette décision, le maire de Morlaix a entendu ainsi mettre fin aux conflits, parfois violents dans leur expression verbale, existant au sein du service en cause entre le requérant et ses supérieurs hiérarchiques et certains de ses collègues de travail au cours des années 2004 à 2006 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en décidant de muter M. X, le maire de Morlaix aurait eu la volonté de le sanctionner ; que cette décision n'a entraîné aucun déclassement dans l'exercice des fonctions de l'intéressé ; que, contrairement à ce que soutient ce dernier, le poste de responsable du service " archives-documentation " ne relève pas d'un cadre d'emploi de la catégorie C et ne porte pas atteinte à ses prérogatives alors même que ce service ne serait doté que d'un budget de 6 000 euros ; que le requérant a conservé son niveau de rémunération, y compris en matière indemnitaire, ainsi que le mentionne expressément la décision contestée ; que, dans ces conditions, celle-ci, qui a été prise dans l'intérêt du service, ne peut être regardée comme une sanction déguisée ; que, dès lors que la mutation prononcée par la décision du 20 février 2007 du maire de Morlaix est dépourvue de caractère disciplinaire, les moyens tirés de la méconnaissance de la procédure disciplinaire et du caractère disproportionné de la " sanction " par rapport aux faits qui sont reprochés à M. X, sont inopérants ;

Considérant que les mutations dans l'intérêt du service n'ont pas à être motivées ; qu'au demeurant, les décisions contestées visent la loi du 26 janvier 1984 susvisée et mentionnent avec précision les différentes justifications qui ont conduit au prononcé d'une mesure de mutation de M. X dans l'intérêt du service ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence de motivation des décisions contestées doit, en tout état de cause, être écarté ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 qu'un agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même de demander la communication de son dossier ; que la décision contestée du 20 février 2007, fondée notamment sur les relations difficiles de M. X tant à l'égard de ses subordonnés qu'à celui de sa hiérarchie, doit être regardée comme ayant été prise en considération de la personne de l'intéressé et que ce dernier devait être mis à même de demander la communication de son dossier en temps utile ; qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier de la lettre du 10 octobre 2006 du maire de Morlaix, qu'une proposition de mutation interne sur le poste d'archiviste documentaliste a été faite à M. X, lequel a décliné celle-ci, lui permettant de disposer d'un délai suffisant pour solliciter la communication de son dossier avant l'intervention, le 20 octobre 2007, de la décision prononçant cette mutation ; que, dès lors, lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 doit être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; (...) " ;

Considérant qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

Considérant que M. X soutient que la décision de mutation dont il a fait l'objet doit s'analyser comme une " mise au placard " dans un local " totalement vide " dès lors qu'il ne gérait plus de personnel, ne disposait d'aucun moyen de travail et ne se voyait confier aucune mission ou tâche ; que ces éléments sont susceptibles de faire présumer l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral à son encontre ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que ladite décision de mutation aurait entraîné une diminution sensible des responsabilités confiées à M. X ou porté atteinte à ses droits statutaires ; qu'il n'est établi ni que les missions correspondant à l'emploi de chef du service " archives-documentation " n'étaient pas au nombre de celles relevant du cadre d'emplois des bibliothécaires territoriaux, ni que l'intéressé aurait été privé de moyens pour assurer ses missions ; que la seule modification des attributions et des conditions de travail du requérant ne saurait révéler une situation de harcèlement moral ; qu'ainsi, la mesure de mutation contestée étant intervenue dans le cadre de l'exercice normal par le maire de son pouvoir hiérarchique, M. X ne saurait prétendre qu'il a été victime d'agissements revêtant cette nature ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de la demande de M. X présentées devant le tribunal administratif de Rennes doivent être rejetées ;

Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. X, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, présentées par M. X tant devant le tribunal administratif que devant la cour, doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Morlaix, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que demande M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. X le versement de la somme que demande la commune de Morlaix au titre de ces mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 07-2441 du 11 février 2010 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Rennes et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Morlaix tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Gilles X et à la commune de Morlaix.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 10NT00457
Date de la décision : 02/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PIRON
Rapporteur ?: M. Xavier PIRON
Rapporteur public ?: M. MARTIN
Avocat(s) : BUORS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2012-03-02;10nt00457 ?
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