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10/01/2013 | FRANCE | N°12NT00744

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 10 janvier 2013, 12NT00744


Vu la requête, enregistrée le 13 mars 2012, présentée par le préfet d'Ille-et-Villaine ; le préfet d'Ille-et-Villaine demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 11-4302, 11-4304 du 10 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé ses arrêtés en date du 11 octobre 2011 refusant à M. D... B...et à Mme C... A... épouse B...la délivrance d'un titre de séjour et leur faisant obligation de quitter le territoire ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. et par Mme B... devant le tribunal administratif de Rennes ;

Il soutient

:

- qu'il a apporté en défense un élément justifiant l'existence de la notification...

Vu la requête, enregistrée le 13 mars 2012, présentée par le préfet d'Ille-et-Villaine ; le préfet d'Ille-et-Villaine demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 11-4302, 11-4304 du 10 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé ses arrêtés en date du 11 octobre 2011 refusant à M. D... B...et à Mme C... A... épouse B...la délivrance d'un titre de séjour et leur faisant obligation de quitter le territoire ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. et par Mme B... devant le tribunal administratif de Rennes ;

Il soutient :

- qu'il a apporté en défense un élément justifiant l'existence de la notification à

Mme A... de la décision de la Cour nationale du droit d'asile intervenue le 13 juillet 2011 ; qu'il appartenait alors aux requérants de rapporter, par tous moyens, la preuve que cet élément n'était pas pertinent, ce qui n'a pas été le cas ; que c'est à tort que les premiers juges ont relevé que le document produit ne constituait pas un élément de preuve suffisant pour établir que la Cour nationale du droit d'asile avait définitivement statué sur la demande de l'intéressée ; qu'il justifie à l'appui de sa requête que les formalités de notification de la décision précitée ont été parfaitement respectées ;

- qu'il n'a pas méconnu les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ; qu'il n'est nullement établi que l'intérêt supérieur des enfants réside dans leur maintien en France dès lors que leurs parents n'ont acquis aucun droit pour y séjourner et que l'entrée en France des deux aînés est encore récente ;

- qu'il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la cellule familiale peut se reconstruire dans le pays d'origine des intéressés ;

- qu'il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en dépit des nombreux examens de leur situation, les époux B...n'ont pu fournir des éléments emportant la conviction de ce qu'ils seraient effectivement exposés dans leur pays à des risques de persécution ou à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré, le 3 mai 2012, présenté pour M. D... B...et Mme C... A... épouse B...par Me Goubin, avocat au barreau de Rennes ; ils concluent au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à leur conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que celui-ci renonce à la contribution de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

Ils soutiennent :

- qu'il n'est pas établi que l'appel du préfet serait recevable ;

- que contrairement à ce que soutient le préfet, le tribunal administratif s'est fondé sur des éléments qui ont été soumis au contradictoire ; que la juridiction n'a pas à pallier la carence des parties dans la production de leurs pièces ; qu'il est, en tout état de cause, impossible de rapporter la preuve d'une absence de notification d'une décision ;

- que le préfet ne rapporte, pas plus en cause d'appel, la preuve d'une notification régulière de la décision de la Cour nationale du droit d'asile statuant sur le recours de

Mme A... ; que les services postaux semblent avoir retourné le pli à cet organisme non pas au motif qu'il n'aurait pas été réclamé par l'intéressée, mais après avoir barré l'adresse telle qu'elle est libellée au motif qu'une erreur s'y serait glissée ; que pourtant le CADA de Rennes dispose bien d'une boîte postale et d'un code postal à cedex ; qu'une procédure d'enregistrement de tous les avis de passage a été mise en place sur la période du 20 juillet 2011 au 11 août 2011 et qu'aucun recommandé au nom de Mme A... n'a été reçu par le foyer ;

- qu'il appartenait à la Cour nationale du droit d'asile de s'apercevoir que sa notification ne pouvait être considérée comme régulière et de mettre en oeuvre les moyens nécessaires à la réexpédition du pli litigieux ;

- que si la cour devait annuler le jugement entrepris, elle devrait faire droit à leurs

demandes présentées devant les premier juges dès lors qu'ils justifient de l'émoi que suscite dans la population locale le renvoi de leurs enfants scolarisés ;

Vu les décisions du 25 mai 2012 par lesquelles le président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle établi au siège du tribunal de grande instance de Nantes a accordé respectivement à Mme et à M. B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale pour la présente instance ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 décembre 2012 :

- le rapport de M. Coiffet, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

1. Considérant que, par un jugement du 10 février 2012, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté en date du 11 octobre 2011 refusant à Mme A... épouseB..., ressortissante mongole, la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire, au motif que l'autorité administrative ne rapportait pas la preuve de ce que la décision par laquelle la Cour nationale du droit d'asile avait définitivement rejeté sa demande d'admission au statut de réfugié lui avait été régulièrement notifiée préalablement à l'édiction de l'arrêté en litige ; que, par le même jugement, le tribunal a annulé l'arrêté pris le même jour à l'encontre de son époux M. B... et ayant le même objet au motif qu'il portait atteinte à son droit de mener une vie familiale avec son épouse ; que le préfet d'Ille-et-Vilaine relève appel de ce jugement ;

2. Considérant que selon les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "I - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation (...)" ; qu'aux termes de l'article L. 742-1 de ce code : "Lorsqu'il est admis à séjourner en France en application des dispositions du chapitre Ier du présent titre, l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile se voit remettre un document provisoire de séjour lui permettant de déposer une demande d'asile auprès de l 'Office français de protection des réfugiés et apatrides. L'office ne peut être saisi qu'après la remise de ce document au demandeur. Après le dépôt de sa demande d'asile, le demandeur se voit délivrer un nouveau document provisoire de séjour. Ce document est renouvelé jusqu'à ce que l'office statue et, si un recours est formé devant la Cour nationale du droit d'asile, jusqu'à ce que la cour statue" ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 du même code : "L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Il dispose d'un délai d'un mois à compter de la notification du refus du renouvellement ou du retrait de son autorisation de séjour pour quitter volontairement le territoire français" ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé devant elle, par la Cour nationale du droit d'asile ; qu'en l'absence d'une telle notification, et alors même qu'il incombe aux services de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou de la Cour nationale du droit d'asile d'y pourvoir, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour, ni lui opposer un refus de délivrance d'un titre de séjour en qualité de réfugié, ni mettre en oeuvre les dispositions du I de l'article L. 511-1 ; que le préfet d'Ille-et-Vilaine soutient que la décision du 13 juillet 2011 de la Cour nationale du droit d'asile rejetant définitivement le recours de Mme A... contre la décision du directeur de l'OFPRA refusant son admission au statut de réfugié lui aurait été régulièrement notifiée le 11 août 2011; que, toutefois, cette autorité, qui se fondait en première instance sur le seul extrait de la base de données "Telemopfra ", ne produit en appel que la copie de l'enveloppe ayant été adressée à la requérante sur laquelle l'adresse indiquée par cette dernière a été barrée par les services de la poste, alors que le foyer AFTAM Guy Houist, où elle est toujours hébergée, qui justifie avoir mis en place une procédure d'enregistrement de tous les avis de passage du 20 juillet au 11 août 2011, atteste qu'aucun recommandé n'a été reçu au cours de cette période au nom de Mme A... ; que le préfet d'Ille-et-Villaine n'établit pas ainsi que, préalablement à l'édiction de l'arrêté contesté du 11 octobre 2011, Mme A... avait reçu notification régulière de la décision du 13 juillet 2011 de la Cour nationale du droit d'asile; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont annulé, d'une part, l'arrêté pris à l'encontre de Mme A... au motif de la violation des dispositions précitées de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'autre part et par voie de conséquence, l'arrêté concernant

M. B..., au motif qu'il portait atteinte à son droit de mener une vie familiale avec son épouse, laquelle ne se trouvait plus sous le coup d'une mesure d'éloignement ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, qui n'est entaché d'aucune irrégularité, le tribunal administratif de Rennes a annulé ses arrêtés du 11 octobre 2011 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 800 euros à l'avocat de M. B... et de Mme A... épouse B...sous réserve que ce dernier renonce à la contribution de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet d'Ille-et-Vilaine est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à l'avocat de M. D... B...et Mme C... A...épouse B...une somme de 800 euros (huit cents euros) sur le fondement des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que celui-ci renonce à la contribution de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle .

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. D... B...et Mme C... A...épouseB....

Une copie sera adresséeau préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2012, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Specht, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 janvier 2013.

Le rapporteur,

O. COIFFET Le président,

I. PERROT

Le greffier,

C. GUÉZO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT00744 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT00744
Date de la décision : 10/01/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : GOUBIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-01-10;12nt00744 ?
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