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30/01/2014 | FRANCE | N°12NT02451

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 30 janvier 2014, 12NT02451


Vu la requête, enregistrée le 30 août 2012, présentée pour la SA Lemer Pax, dont le siège est 3 rue de l'Europe à Carquefou Cedex (44477), par Me Berbari, avocat au barreau de Paris ; la société Lemer Pax demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 09-122 du 15 juin 2012 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nantes à lui régler les factures nos 110058 et 1100249 émises respectivement les 17 janvier et 27 février 2008 ;

2°) d

e condamner cet établissement à procéder au règlement de la somme globale de 5 ...

Vu la requête, enregistrée le 30 août 2012, présentée pour la SA Lemer Pax, dont le siège est 3 rue de l'Europe à Carquefou Cedex (44477), par Me Berbari, avocat au barreau de Paris ; la société Lemer Pax demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 09-122 du 15 juin 2012 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nantes à lui régler les factures nos 110058 et 1100249 émises respectivement les 17 janvier et 27 février 2008 ;

2°) de condamner cet établissement à procéder au règlement de la somme globale de 5 931,88 euros correspondant notamment au montant des deux factures précitées, assortie des intérêts moratoires et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge du CHRU de Nantes la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que dans ses décisions des 22 janvier et 6 mars 2008 le CHRU ne faisait que l'informer de l'application de pénalités de retard dont le montant justifiait selon lui la suspension du paiement des factures litigieuses ; que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'établissement hospitalier ne subordonnait pas son paiement à la production des pièces nécessaires à la liquidation de celles-ci ; que le tribunal n'a pas tiré les conséquences juridiques de l'annulation des pénalités qu'il a lui-même prononcée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 10 et 18 janvier 2013, présentés pour le

centre hospitalier régional universitaire de Nantes, par Me Vexliard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui conclut au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident à ce que le jugement attaqué soit annulé en tant qu'il a fait droit aux conclusions de la société Lemer Pax et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de cette société au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient :

- que c'est à tort que le tribunal n'a pas retenu le moyen d'ordre public qu'il avait soulevé et communiqué aux parties ; que le moyen tiré de l'irrecevabilité d'une requête en raison de l'absence de respect du délai de 30 jours prévu par les stipulations de l'article 34-1 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) fournitures et services présente un caractère d'ordre public et peut être soulevé pour la première fois en appel ; que le différend relatif à l'application des pénalités de retard et au paiement d'un prétendu solde est né à la suite des courriers adressés à la société Lemer Pax les 24 décembre 2007, 22 janvier 2008 et 6 mars 2008 ; que celle-ci ne lui a soumis ses réclamations que le 4 septembre 2008 ; que ce mémoire de réclamation présentait un caractère tardif au regard de l'article 34-1 du CCAG dès lors qu'il était postérieur de plus de 30 jours à la naissance du différend entre les parties, lequel devait être réputé né à compter de la réception de ses courriers ; que la société requérante qui a produit les courriers litigieux ne peut prétendre qu'elle n'en aurait pas été destinataire ; qu'elle n'est pas davantage fondée à invoquer l'absence d'une notification au sens de l'article 2-5 du CCAG alors que l'article 34-1 ne se réfère pas à la notification par la personne responsable du marché de l'existence d'un différend mais prévoit que le délai de 30 jours court à compter de l'apparition de celui-ci ; que ses courriers ne peuvent être regardés comme faisant courir un délai au sens de l'article 2-5 du CCAG mais uniquement comme matérialisant l'apparition du différend au sens de l'article 34-1 à compter duquel devait être computé le délai de 30 jours imparti à la société Lemer Pax pour transmettre un éventuel mémoire en réclamation ;

- que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges n'ont pas indiqué les raisons du rejet du moyen d'ordre public qu'ils avaient soulevé ;

- qu'il résulte de la lecture des décisions des 22 janvier 2008 et 6 mars 2008 que ces courriers ont été adressés à la société Lemer Pax pour lui réclamer des éléments lui permettant de liquider les factures en cause, à savoir un avoir correspondant à la facture référencée n° 110058 et les éléments permettant de confirmer que les retards de livraison ne seraient pas résolus ;

- que si la société soutient que le tribunal n'a pas tiré toutes les conséquences de l'annulation qu'il a prononcée, elle ne démontre pas qu'elle aurait effectué la livraison des commandes en cause, ni qu'elle aurait fourni la preuve de l'accomplissement de ces diligences ;

- que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il n'apportait pas la preuve de la réception des bons de commande dès lors que qu'il ne fait aucun doute qu'ils ont été régulièrement notifiés à la société Lemer Pax ; que ces bons de commande sont émis à l'attention de la société Lemer Pax par télécopie grâce à un progiciel attestant de leur transmission le 4 avril 2007 ; que cette société a exécuté avec retard ces bons de commande, a émis les factures correspondantes et en a reçu le paiement ;

Vu le mémoire enregistré le 27 décembre 2013 présenté pour la société Lemer Pax, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

elle soutient en outre :

- que l'article 1er du jugement attaqué qui a annulé les pénalités de retard qui lui ont été infligées est devenu définitif ; que l'appel incident du CHRU qui consiste à remettre en cause la recevabilité de la demande de première instance et partant l'article 1er du jugement attaqué est irrecevable en ce qu'il soulève un litige différent de celui qui fait l'objet de l'appel principal ; que le tribunal ne pouvait soulever d'office le moyen tiré de la méconnaissance éventuelle du contrat ; que ce moyen n'a pas été soulevé par le CHRU dans le délai de première instance ; que le CHRU n'est pas fondé à soulever en appel ce moyen qui relève d'une cause juridique distincte de ceux invoqués dans le délai de recours ;

- que la suspension des paiements des factures est justifiée par l'application des pénalités de retard ; que les décisions suspendant le paiement des factures se trouvent dépourvues de tout fondement en raison de l'annulation des pénalités ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de fournitures courantes et de services approuvé par le décret n° 77-699 du 27 mai 1977 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2014 :

- le rapport de Mme Gélard, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

1. Considérant que le 8 janvier 2005 le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nantes a passé un marché à bons de commandes sur appel d'offres ouvert pour la fourniture des consommables utilisés par son laboratoire de radiologie ; que le lot n° 12 portant sur les équipements individuels de radioprotection a été attribué à la SA Lemer Pax par un acte d'engagement du 3 mars 2006 ; que cette société a été informée le 24 décembre 2007 par le CHRU que des pénalités de retard à concurrence de la somme de 15 611,30 euros TTC lui seraient appliquées en raison de la livraison tardive des produits commandés ; que, par deux autres décisions des 22 janvier et 6 mars 2008, des pénalités complémentaires lui étaient infligées à hauteur de 1 691,31 euros et de 4 240,52 euros et le paiement des factures nos 110058 et 1100249 émises les 17 janvier et 27 février 2008 par la même société pour des montants respectifs de 628,64 et 3 028,99 euros était suspendu ; que la SA Lemer Pax a présenté le 4 septembre 2008 une réclamation préalable auprès du CHRU de Nantes, lequel l'a implicitement rejeté ; que la société Lemer Pax a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à l'annulation des trois décisions des 24 décembre 2007, 22 janvier et 6 mars 2008 précitées ; que, par un jugement du 15 juin 2012, le tribunal administratif a partiellement fait droit à cette demande en déchargeant la société Lemer Pax des pénalités de retard à hauteur des sommes susmentionnées de 15 611,30 euros, 1 691,31 euros et 4 240,52 euros mais a rejeté ses conclusions tendant à ce que le CHRU soit condamné à lui payer les factures litigieuses ; que la société fait appel du jugement en tant qu'il a rejeté ces dernières conclusions ; que le CHRU de Nantes conteste par la voie de l'appel incident le jugement attaqué en tant qu'il a annulé les pénalités de retard infligées à la société Lemer Pax ; que les conclusions d'appel principal de la société requérante sont recevables ; que les conclusions d'appel incident du CHRU de Nantes, qui ne constituent pas un litige distinct de celui introduit par la société requérante, le sont également ; que par suite, il y a lieu de statuer sur l'ensemble de ces conclusions ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 2 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de fournitures courantes et de services approuvé par décret n° 77-699 du 27 mai 1977 modifié, alors applicable : " (...) 2.5. Forme des notifications et communications : 2.51. Lorsque la notification d'une décision ou communication de la personne publique ou de la personne responsable du marché doit faire courir un délai, ce document est notifié au titulaire soit à son adresse indiquée dans le contrat par lettre recommandée ou télégramme avec demande d'avis de réception postal, soit directement à lui-même ou à son représentant qualifié. Dans le cas d'une remise directe, la notification est constatée par un reçu ou un émargement donné par l'intéressé. 2.52. Les communications du titulaire avec la personne publique auxquelles il entend donner date certaine sont, soit adressées par lettre recommandée ou télégramme, avec demande d'avis de réception postal, soit remises contre récépissé à la personne responsable du marché. 2.53. L'avis de réception ou bien le reçu ou l'émargement donné par le destinataire font foi de la notification. La date de l'avis de réception postal ou du récépissé est retenue comme date de remise de la décision ou de la communication. " ; qu'aux termes de l'article 34 du même CCAG : " Différend avec la personne responsable du marché : 34.1. Tout différend entre le titulaire et la personne responsable du marché doit faire l'objet de la part du titulaire d'un mémoire de réclamation qui doit être communiqué à la personne responsable du marché dans le délai de trente jours compté à partir du jour où le différend est apparu. 34.2. La personne publique dispose d'un délai de deux mois compté à partir de la réception du mémoire de réclamation pour notifier sa décision. L'absence de décision dans ce délai vaut rejet de la réclamation. " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des pièces communiquées par le CHRU de Nantes le 3 septembre 2013 que les courriers en date des 24 décembre 2007, 22 janvier 2008 et 6 mars 2008 par lesquels il indiquait à la société Lemer Pax le montant des pénalités de retard qui lui seraient appliquées et la suspension du paiement des factures que celle-ci avait émises les 17 janvier et 27 février 2008 en exécution du marché litigieux ont été reçus par cette dernière respectivement les 3 janvier 2008, 23 janvier 2008 et 7 mars 2008 ; que la réception par la société Lemar Pax de ces trois décisions doit être regardée comme faisant apparaître pour chacune d'entre elles un différend au sens de l'article 34.1 précité du CCAG fournitures et services faisant courir le délai de trente jours imparti au titulaire du marché pour faire parvenir sa réclamation à la personne responsable du marché ; qu'il est constant que le mémoire de réclamation présenté par la société Lemer Pax contre ces trois décisions des 24 décembre 2007, 22 janvier et 6 mars 2008 a été reçu par le CHRU de Nantes le 8 septembre 2008, soit au-delà du délai de trente jours prévu à l'article 34.1 du CCAG ; que dans ces conditions, la réclamation de la société Lemer Pax, qui ne peut utilement se prévaloir des stipulations précitées de l'article 2.5 du même CCAG relatives à la forme des notifications et communications auquel ne renvoie pas l'article 34, était tardive ainsi que le soutient à juste titre le CHRU de Nantes ; que dès lors, ce dernier est fondé à soutenir que la demande introduite devant le tribunal administratif de Nantes par la société Lemer Pax était également tardive et par suite irrecevable ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Lemer Pax n'est pas fondée à se plaindre de ce que le jugement attaqué a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions des 24 décembre 2007, 22 janvier et 6 mars 2008 précitées en tant qu'elles ont suspendu le paiement des factures litigieuses ; qu'en revanche, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, le CHRU de Nantes est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué les premiers juges ont annulé les décisions susvisées en tant qu'elles infligeaient des pénalités de retard à la société Lemer Pax ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CHRU de Nantes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le paiement à la société Lemer Pax de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le paiement au CHRU de Nantes de la somme de 2 000 euros au titre des frais de même nature qu'il a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Lemer Pax est rejetée.

Article 2 : Le jugement n° 09-122 du 15 juin 2012 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a annulé les décisions du CHRU de Nantes des 24 décembre 2007, 22 janvier et 6 mars 2008 infligeant des pénalités de retard à la société Lemer Pax est annulé.

Article 3 : La société Lemer Pax versera au CHRU de Nantes une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Lemer Pax et au centre hospitalier régional universitaire de Nantes.

Délibéré après l'audience du 6 janvier 2014, où siégeaient :

- M. Coiffet, président,

- Mme Specht, premier conseiller,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 janvier 2014.

Le rapporteur,

V. GÉLARDLe président,

O. COIFFET

Le greffier,

C. GUÉZO

La République mande et ordonne au ministre de la santé et des affaires sociales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT02451


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT02451
Date de la décision : 30/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : BERBARI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-01-30;12nt02451 ?
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