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12/06/2014 | FRANCE | N°13NT00938

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 12 juin 2014, 13NT00938


Vu la requête, enregistrée le 30 mars 2013, présentée pour M. B... D..., demeurant "..., par Me Courant, avocat au barreau du Val-de-Marne ; M. D... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 12-224 du 7 février 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision implicite du préfet d'Eure-et-Loir lui accordant l'autorisation d'exploiter 5 hectares 90 ares 50 centiares de terres appartenant à M. E... -C... du Tillet sur le territoire de la commune de Digny (28) et cadastrées K128, K154 et K156 ;

2°) de rejeter la demande présentée par

les consorts du Tillet devant le tribunal administratif d'Orléans ;

3°) de ...

Vu la requête, enregistrée le 30 mars 2013, présentée pour M. B... D..., demeurant "..., par Me Courant, avocat au barreau du Val-de-Marne ; M. D... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 12-224 du 7 février 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision implicite du préfet d'Eure-et-Loir lui accordant l'autorisation d'exploiter 5 hectares 90 ares 50 centiares de terres appartenant à M. E... -C... du Tillet sur le territoire de la commune de Digny (28) et cadastrées K128, K154 et K156 ;

2°) de rejeter la demande présentée par les consorts du Tillet devant le tribunal administratif d'Orléans ;

3°) de mettre à la charge des consorts du Tillet la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient :

- que la décision implicite par laquelle le préfet d'Eure-et-Loir lui a accordé l'autorisation d'exploiter les parcelles en litige était superfétatoire puisque la superficie de son exploitation se situe en dessous du seuil d'agrandissement fixé par le schéma directeur des structures agricoles d'Eure-et-Loir ; qu'ainsi, faute que cet acte fasse grief aux consorts du Tillet, la demande présentée par ces derniers n'était pas recevable ;

- que cette décision est distincte de celle du 27 juillet 2010 portant refus d'autorisation d'exploiter la surface de 98 hectares 82 ares 7 centiares ; qu'ainsi, le tribunal administratif d'Orléans ne pouvait annuler cette décision implicite ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2013, présenté pour M. E... -C... du Tillet et M. C... du Tillet, demeurant " ..., par Me Sarkissian, avocat au barreau de Chartres, lesquels concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de

3 000 euros soit mise à la charge de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ils font valoir :

- que la commission départementale d'orientation de l'agriculture n'ayant pas été consultée sur la demande d'autorisation d'exploiter déposée par M. D..., l'autorisation d'exploiter donnée implicitement a été délivrée à l'issue d'une procédure irrégulière ;

- que la demande d'autorisation d'exploiter déposée le 2 juillet 2010 par M. D... relevait d'un rang de priorité inférieur à celui de leur propre demande d'autorisation d'exploiter, car elle portait sur une surface de plus de 104 hectares ; qu'en application de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime et des priorités définies par le schéma directeur des structures agricoles d'Eure-et-Loir, le préfet d'Eure-et-Loir était tenu de refuser l'autorisation d'exploiter déposée par M. D... ; qu'ainsi, leur demande de première instance était parfaitement fondée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2013, présenté par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt qui indique s'en remettre à la sagesse de la cour ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 février 2014, présenté pour présenté pour M. E... -C... du Tillet et M. C... du Tillet qui concluent aux mêmes fins que dans leurs précédentes écritures, par les mêmes moyens ;

ils font valoir en outre que M. D..., par ses procédures dilatoires, ne vise qu'à faire obstruction à la reprise des terres ; qu'à titre de preuve, ils versent au débat le jugement du 3 décembre 2013 du tribunal des baux ruraux de Dreux rejetant le recours dilatoire formé par M. D... suite à la résiliation de son bail portant sur les terres en litige ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu l'arrêté préfectoral du 15 avril 2009 fixant le schéma directeur des structures agricoles pour le département d'Eure-et- Loir ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mai 2014 :

- le rapport de M. Lemoine, premier conseiller,

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public,

- et les observations de Me Sarkissian, avocat des consorts du Tillet ;

1. Considérant que, le 27 janvier 2010, M. B... D...a sollicité du préfet d'Eure-et-Loir l'autorisation d'exploiter 98 hectares 82 ares 7 centiares sur la commune de Digny, demande qu'il a complétée le 2 juillet 2010 par une demande d'autorisation d'exploiter 5 hectares 90 ares 50 centiares supplémentaires, soit un total de 104 hectares 72 ares 57 centiares ; que M. C... du Tillet a, pour sa part, déposé une demande d'autorisation d'exploiter concurrente portant sur les mêmes 104 hectares 72 ares 57 centiares, enregistrée le 26 mai 2010 ; qu'après avis de la commission départementale d'orientation agricole du 24 juin 2010, le préfet d'Eure-et-Loir a, par deux arrêtés du 27 juillet 2010, d'une part, autorisé M. C... du Tillet à exploiter la totalité des terres d'une surface de 104 hectares 72 ares 57 centiares, et d'autre part, refusé d'accorder cette autorisation à M. B... D... en tant qu'elle portait sur les 98 hectares 82 ares 7 centiares, objets de la demande enregistrée le 27 janvier 2010 ; que, par un jugement du 28 avril 2011, devenu définitif, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté les demandes formées par MM. A... etB... D... tendant à l'annulation de ces deux arrêtés du 27 juillet 2010 ; que M. C... du Tillet et son père ont, quant à eux, formé un recours contre la décision implicite du préfet d'Eure-et-Loir intervenue à la suite du complément de demande formulé par M. B... D... le 2 juillet 2010 et qui a eu pour effet de l'autoriser à exploiter 5 hectares 90 ares 50 centiares de terres leur appartenant ; que M. D... relève appel du jugement du 7 février 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé cette décision implicite ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime : " I. - Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : 1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 331-6 du même code : " I. - Le préfet dispose d'un délai de quatre mois à compter de la date d'enregistrement du dossier complet mentionnée dans l'accusé de réception pour statuer sur la demande (...) III. - (...) A défaut de notification d'une décision dans le délai de quatre mois à compter de la date d'enregistrement du dossier ou, en cas de prorogation de ce délai, dans les six mois à compter de cette date, l'autorisation est réputée accordée. En cas d'autorisation tacite, une copie de l'accusé de réception mentionné à l'article R. 331-4 est affichée et publiée dans les mêmes conditions que l'autorisation expresse " ; qu'enfin aux termes de l'article 1er c) du schéma directeur des structures agricoles d'Eure-et-Loir du 15 avril 2009 : " Les seuils visés à l'article L. 331-2 du code rural sont respectivement fixés à : seuil d'agrandissement : 159 hectares (...) " ;

3. Considérant que l'arrêté du 27 juillet 2010 par lequel le préfet d'Eure-et-Loir a rejeté la demande d'autorisation d'exploiter déposée par M. D... concernait une surface de 98 hectares 82 ares 7 centiares mais ne statuait pas sur la demande complémentaire déposée le 2 juillet 2010 par l'intéressé et qui, en ajoutant aux surfaces déjà citées 5 hectares 90 ares 50 centiares supplémentaires, portait la totalité des surfaces destinées à agrandir l'exploitation de

M. D... à 104 hectares 72 ares 57 centiares et la totalité de l'exploitation envisagée à 173 hectares 42 ares 53 centiares ; que cette seconde demande relevait également, contrairement à ce que soutient M. D..., du régime des autorisations d'exploiter au titre des agrandissements des exploitations d'une surface supérieure au seuil de 159 hectares en application des dispositions combinées de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime et de l'article 1er c) du schéma directeur des structures agricoles d'Eure-et-Loir reprises au point 2 ; que, le préfet ayant accusé réception de cette demande le 5 juillet 2010, une autorisation tacite d'exploiter les 5 hectares 90 ares 50 centiares est réputée avoir été accordée à M. D... à compter du 5 novembre 2010 ; que cette autorisation constituait une décision faisant grief et susceptible d'un recours pour excès de pouvoir ; qu'il suit de là que la demande présentée par les consorts du Tillet devant le tribunal administratif d'Orléans était recevable ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 2 de l'arrêté susvisé relatif au schéma directeur des structures agricoles d'Eure-et-Loir : " Bénéficient de la priorité de la politique d'aménagement des structures d'exploitation, dans la limite des surfaces ci-dessus : 1°/ les installations, y compris progressives, d'agriculteurs avec un projet viable ; et prioritairement les installations de jeunes qui répondent aux conditions prévues pour l'octroi des aides à l'installation (notamment de formation et de capacité professionnelle) ; 2° / les agrandissements améliorant la viabilité d'une exploitation ainsi que les réinstallations des agriculteurs expropriés ou évincés en application de l'article L. 123-24 du code rural ou à la suite d'une reprise du bailleur jusqu'à une superficie comparable à celle qu'ils mettaient en valeur ; Pour chacun des niveaux de priorité (installation, agrandissement), la priorité sera donnée au candidat reprenant l'exploitation de biens de famille détenus en propriété (y compris nue propriété et/ou usufruit) par le demandeur lui-même depuis 5 ans au moins ou par un membre de sa famille jusqu'au troisième degré. " ;

5. Considérant que le préfet, saisi de plusieurs demandes concurrentes portant sur les mêmes terres, ne peut légalement accorder successivement à deux agriculteurs l'autorisation d'exploiter les mêmes parcelles qu'à condition que sa seconde décision soit prise au bénéfice d'un agriculteur dont la demande relève soit du même rang de priorité, soit d'un rang de priorité supérieur en vertu des dispositions du schéma directeur départemental des structures applicable ; qu'ainsi que l'a jugé le tribunal administratif d'Orléans le 28 avril 2011, il résulte de l'instruction que le projet d'installation de M. C... du Tillet sur des terres familiales relevait du rang de priorité n° 1 du schéma directeur départemental des structures agricoles ; que la demande concurrente portant sur 98 hectares 82 ares 7 centiares déposée par M. D..., installé comme exploitant agricole depuis le 12 août 2004, complétée le 2 juillet 2010 pour une surface de 5 hectares 90 ares 50 centiares supplémentaires, consistait en un agrandissement de son exploitation relevant du rang de priorité n° 2 du même schéma directeur ; que, par suite, aucune autorisation implicite ne pouvait légalement naître de ce complément de demande tel qu'il avait été formulé le 2 juillet 2010 ; que, dans ces conditions, M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision implicite par laquelle le préfet d'Eure-et-Loir lui avait accordé l'autorisation d'exploiter 5 hectares 90 ares 50 centiares de terres cadastrées K128, K154 et K156 sur le territoire de la commune de Digny ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge des consorts du Tillet, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que M. D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. D... une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par les consorts du Tillet et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : M. D... versera aux consorts du Tillet une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à M. E... -C... du Tillet, à M. C... du Tillet et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte parole du Gouvernement.

Copie en sera adressée au préfet d'Eure-et-Loir.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2014, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 juin 2014.

Le rapporteur,

F. LEMOINELe président,

I. PERROT

Le greffier,

C. GUÉZO

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte parole du Gouvernement en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT00938


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT00938
Date de la décision : 12/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. François LEMOINE
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : COURANT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-06-12;13nt00938 ?
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