La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/06/2014 | FRANCE | N°13NT02635

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 12 juin 2014, 13NT02635


Vu la requête, enregistrée le 13 septembre 2013, présentée pour Mme C...A..., demeurant au... ; Mme A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301597 en date du 4 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 novembre 2012 du préfet de la Mayenne portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de la Guinée ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Mayenne de lui délivrer un

titre de séjour ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à c...

Vu la requête, enregistrée le 13 septembre 2013, présentée pour Mme C...A..., demeurant au... ; Mme A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301597 en date du 4 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 novembre 2012 du préfet de la Mayenne portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de la Guinée ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Mayenne de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

elle soutient que :

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité affectant le décision portant refus de titre de séjour ;

- le préfet a méconnu l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ainsi que le principe général du droit de l'Union européenne relatif au respect des droits de la défense ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2013, présenté par le préfet de la Mayenne qui conclut au rejet de la requête ; le préfet soutient que :

- la décision attaquée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle ne méconnaît pas non plus les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la requérante ne peut pas se prévaloir d'une illégalité affectant le refus de titre de séjour pour contester sa décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne n'a pas été méconnu ;

- la décision fixant le pays de renvoi est régulière ;

Vu la décision de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes du 19 août 2013 admettant Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et désignant Me B... pour la représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale des droits de l'enfant ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 10 septembre 2013, dans l'affaire C 383/13 PPU ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mai 2014 :

- le rapport de M. Lenoir, président ;

- les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A..., ressortissante guinéenne, est entrée irrégulièrement en France le 20 décembre 2010 et a sollicité, le 28 décembre 2010, le statut de demandeur l'asile ; que cette demande a été rejetée par le directeur de l'Office de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 28 novembre 2011, cette décision étant confirmée par un arrêt de la Cour nationale du droit d'asile du 8 octobre 2012 ; que, par un arrêté en date du 5 novembre 2012, le préfet de la Mayenne a rejeté la demande de titre de séjour portant la mention " demandeur d'asile " présentée par la requérante et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays d'origine ou tout autre pays où elle pourrait légalement être admissible comme pays à destination duquel elle serait reconduite ; que Mme A... relève appel du jugement en date du 4 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, que Mme A... fait valoir que la décision de refus de titre de séjour que lui a opposé le préfet aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, toutefois, et ainsi qu'il l'a été précisé au point 1, sa demande de reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée ; que le préfet de la Mayenne était, dès lors, tenu de refuser à l'intéressée le titre de séjour qu'elle sollicitait sur le fondement des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet, se trouvant ainsi en situation de compétence liée pour refuser le titre de séjour sollicité, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, qui sont inopérants, doivent être écartés ; que par ailleurs, Mme A... ne justifiant pas, à la date de la décision contestée, avoir fait valoir au préfet d'autres circonstances que celles afférentes à sa demande d'asile, n'est, en conséquence, pas fondée à se prévaloir de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5 de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; / 4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration de ce titre ; / 5° Si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l'autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l'étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé. / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office " ; que le II de l'article L. 511-1 prévoit que l'étranger dispose en principe d'un délai de trente jours pour satisfaire à l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français, ce délai pouvant toutefois être supprimé par décision de l'autorité administrative dans des cas limitativement énumérés ou être exceptionnellement prorogé eu égard à la situation personnelle de l'étranger ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 512-3 du même code : " L'obligation de quitter le territoire français ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration du délai de départ volontaire ou, si aucun délai n'a été accordé, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, ni avant que le tribunal administratif n'ait statué s'il a été saisi (...) " ;

4. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) " ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. (...) " ;

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables au présent litige, sont issues de dispositions de la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité qui ont procédé à la transposition, dans l'ordre juridique interne, des objectifs de la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

6. Considérant, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans les motifs de son arrêt du 10 septembre 2013 visé ci-dessus, que les auteurs de la directive du 16 décembre 2008, s'ils ont encadré de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des Etats tiers concernés par les décisions d'éloignement ou de rétention, n'ont pas précisé si et dans quelles conditions devait être assuré le respect du droit de ces ressortissants d'être entendus, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne et consacrés par la Charte des droits fondamentaux ; que si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu ;

7. Considérant que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

8. Considérant que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'en ne l'ayant pas expressément informée, avant de prendre à son encontre une décision d'éloignement, qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, elle serait susceptible d'être contrainte de quitter le territoire français et en ne l'ayant pas invitée à formuler ses observations sur cette éventualité, le préfet l'aurait privée de son droit à être entendue énoncé notamment au paragraphe 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'écarter ce moyen ;

10. Considérant, en troisième lieu, que Mme A... se borne à reprendre devant la Cour, sans les assortir d'aucun élément nouveau, les moyens qu'elle avait invoqués à l'appui de sa demande de première instance et tirés de la méconnaissance, s'agissant des décisions du préfet lui faisant obligation de quitter le territoire français et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite, des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3.1 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'illégalité entachant les décisions portant obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence de l'illégalité entachant le refus de titre de séjour qui lui a été opposé ; que le tribunal a suffisamment et justement répondu à ces moyens ; qu'il y a lieu, dès lors, de les rejeter par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera transmise au préfet de la Mayenne.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Bachelier, président de la Cour,

- M. Lenoir, président-rapporteur,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,

Lu en audience publique le 12 juin 2014.

Le rapporteur,

H. LENOIRLe président,

G. BACHELIER

Le greffier,

C. CROIGER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

2

N° 13NT02635


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02635
Date de la décision : 12/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Textes applicables - Conventions internationales.

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BACHELIER
Rapporteur ?: M. Hubert LENOIR
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : POULARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-06-12;13nt02635 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award