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14/11/2014 | FRANCE | N°13NT00448

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 14 novembre 2014, 13NT00448


Vu la requête, enregistrée le 8 février 2013, présentée pour le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) Lemonnier, dont le siège est situé à la Chaude Bouvais à Villechien (50140), par Me Rousselot, avocat au barreau de Caen ; le GAEC Lemonnier demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 12-729 du 7 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 janvier 2012 de la commission régionale de recours de contrôle des structures agricoles prononçant à son encontre une sanction pécu

niaire de 750 euros par hectare de terres exploitées irrégulièrement ;

2°...

Vu la requête, enregistrée le 8 février 2013, présentée pour le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) Lemonnier, dont le siège est situé à la Chaude Bouvais à Villechien (50140), par Me Rousselot, avocat au barreau de Caen ; le GAEC Lemonnier demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 12-729 du 7 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 janvier 2012 de la commission régionale de recours de contrôle des structures agricoles prononçant à son encontre une sanction pécuniaire de 750 euros par hectare de terres exploitées irrégulièrement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de l'illégalité de la procédure préalable au seul motif que la décision de la commission régionale de recours de contrôle des structures agricoles s'était substituée à l'arrêté préfectoral du 12 juillet 2011 dans la mesure où lorsque la commission constate une irrégularité affectant la décision initiale elle doit l'annuler et ordonner la reprise de la procédure, or il n'a pas été invité à présenter ses observations écrites ou orales ;

- ni la lettre du 29 mars 2011 du directeur départemental des territoires et de la mer, ni

celle du 16 mai 2011, ne peuvent constituer la mise en demeure prévue à l'article L. 331-7 du code rural et de la pêche maritime ;

- l'exploitation des terres litigieuses n'est illégale qu'en raison du refus d'autorisation d'exploiter du 5 novembre 2010, qui est contraire au schéma directeur départemental des structures agricoles du 17 décembre 2007 et constitue une opération complexe avec la sanction administrative prononcée à son encontre ;

- le tribunal administratif ne pouvait écarter le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cet arrêté dès lors que le rejet de son recours gracieux du 11 mars 2011 indique par erreur que le recours hiérarchique interrompt le délai de recours contentieux et que le rejet de son recours du 2 mai 2011 ne comporte aucune mention des voies et délais de recours ;

- la sanction prononcée est disproportionnée au regard de la brièveté de la durée de l'exploitation litigieuse et des démarches qu'il a accomplies ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2014, présenté par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- le GAEC Lemonnier n'est pas fondé à invoquer l'illégalité de la décision du préfet de la Manche du 12 juillet 2011 dès lors que la décision de la commission de recours du 30 janvier 2012 s'est substituée à cette première décision ;

- contrairement à ce que soutient le GAEC, les décisions des 29 mars et 16 mai 2011 lui prescrivaient de cesser l'exploitation des terres pour lesquelles l'autorisation lui avait été refusée dans un délai d'un mois en application de l'article L. 331-7 du code rural et de la pêche maritime, qui en tout état de cause ne prévoit pas que la sanction soit prise à l'issue d'une période de mise en demeure ;

- une prétendue irrégularité dans la procédure précédant la décision du 16 mai 2011, qui est devenue définitive, est sans incidence sur la régularité de la décision du 12 juillet 2011 qui est fondée sur le fait que le GAEC exploitait irrégulièrement les terres litigieuses ;

- il n'appartient pas à la commission de recours d'ordonner la mise en oeuvre d'une nouvelle procédure de mise en demeure, laquelle n'a pas pour effet de permettre à l'intéressé de démontrer qu'il n'exploiterait pas illégalement les terres en cause ;

- le GAEC ayant été en mesure de faire valoir sa défense devant la commission de recours ;

- la décision contestée n'est pas prise en application de la décision de refus d'autorisation d'exploiter du 5 novembre 2010 ;

- le GAEC, qui a poursuivi, en toute connaissance de cause, l'exploitation des parcelles ensemencées en maïs au printemps 2011, n'est pas fondé à soutenir que la sanction serait disproportionnée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 octobre 2014 :

- le rapport de Mme Gélard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de Me Rousselot, avocat du GAEC Lemonnier ;

1. Considérant que le GAEC Lemonnier a déposé le 20 mai 2010 une demande d'autorisation d'exploiter une surface de terres agricoles de 18 hectares 27 ares située sur les communes de Sainte-Marie du Bois et Le Teilleul ; que par un arrêté du 5 novembre 2010, le préfet de la Manche a rejeté cette demande ; que le 3 décembre 2010, le GAEC a formé un recours gracieux contre cette décision, lequel a été rejeté le 11 mars 2011 ; que le 29 mars 2011, le préfet, (directeur départemental des territoires et de la mer -DDTM), a adressé un courrier au GAEC lui rappelant le refus d'autorisation dont il faisait l'objet et l'éventualité d'une sanction pécuniaire en cas de mise en valeur irrégulière des parcelles ; que le 2 mai 2011, le GAEC a présenté un recours hiérarchique contre l'arrêté du 5 novembre 2010 ; que le 16 mai 2011, le préfet (DDTM) l'a expressément mis en demeure de cesser l'exploitation des parcelles litigieuses ; que le recours hiérarchique du GAEC a été rejeté par le ministre chargé de l'agriculture le 29 juin 2011 ; que cette décision n'a pas été contestée ; que le 12 juillet 2011, le préfet de la Manche a pris à l'encontre du GAEC Lemonnier un arrêté prononçant une sanction pécuniaire de 900 euros par hectare exploité sans autorisation (soit 16 443 euros) ; que le 30 janvier 2012, cette décision a été annulée par la commission régionale de recours de contrôle des structures agricoles qui lui a substitué une sanction de 750 euros par hectare de terre exploité irrégulièrement (soit 13 702,50 euros) ; que le 10 avril 2012, le GAEC Lemonnier a saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant à l'annulation de cette décision, qui lui a été notifiée deux mois plus tôt ; que par un jugement du 7 décembre 2012, le tribunal administratif a rejeté sa demande ; que le GAEC Lemonnier relève appel de ce jugement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 331-7 du code rural et de la pêche maritime : " Lorsqu'elle constate qu'un fonds est exploité contrairement aux dispositions du présent chapitre, l'autorité administrative met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine et qui ne saurait être inférieur à un mois. / La mise en demeure mentionnée à l'alinéa précédent prescrit à l'intéressé soit de présenter une demande d'autorisation, soit, si une décision de refus d'autorisation est intervenue, de cesser l'exploitation des terres concernées. / Lorsque l'intéressé, tenu de présenter une demande d'autorisation, ne l'a pas formée dans le délai mentionné ci-dessus, l'autorité administrative lui notifie une mise en demeure de cesser d'exploiter dans un délai de même durée. / Lorsque la cessation de l'exploitation est ordonnée, l'intéressé est mis à même, pendant le délai qui lui est imparti, de présenter ses observations écrites ou orales devant toute instance ayant à connaître de l'affaire. / Si, à l'expiration du délai imparti pour cesser l'exploitation des terres concernées, l'autorité administrative constate que l'exploitation se poursuit dans des conditions irrégulières, elle peut prononcer à l'encontre de l'intéressé une sanction pécuniaire d'un montant compris entre 304,90 et 914,70 euros par hectare. La surface prise en compte correspond à la surface de polyculture-élevage faisant l'objet de l'exploitation illégale, ou son équivalent, après, le cas échéant, application des coefficients d'équivalence résultant, pour chaque nature de culture, de l'application de l'article L. 312-6. / Cette mesure pourra être reconduite chaque année s'il est constaté que l'intéressé poursuit l'exploitation en cause. " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 331-8 du même code : " La décision prononçant la sanction pécuniaire mentionnée à l'article L. 331-7 est notifiée à l'exploitant concerné, qui peut la contester, avant tout recours contentieux, dans le mois de sa réception, devant une commission des recours dont la composition et les règles de fonctionnement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. / Les recours devant cette commission sont suspensifs. Leur instruction est contradictoire. / La commission, qui statue par décision motivée, peut soit confirmer la sanction, soit décider qu'en raison d'éléments tirés de la situation de la personne concernée il y a lieu de ramener la pénalité prononcée à un montant qu'elle détermine dans les limites fixées à l'article L. 331-7, soit décider qu'en l'absence de violation établie des dispositions du présent chapitre il n'y a pas lieu à sanction. Dans les deux premiers cas, la pénalité devient recouvrable dès notification de sa décision. / La décision de la commission peut faire l'objet, de la part de l'autorité administrative ou de l'intéressé, d'un recours de pleine juridiction devant le tribunal administratif. " ;

4. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 331-7 du code rural et de la pêche maritime que la mise en demeure qu'elles prévoient lorsqu'elle fait suite à un refus d'autorisation d'exploiter a pour objet de prescrire à l'exploitant de cesser l'exploitation irrégulière des terres en cause dans un délai qui ne saurait être inférieur à un mois ; que ces dispositions ont pour effet de prémunir l'exploitant, qui donne suite à cette mise en demeure dans le délai qui lui a été imparti, de l'application de la sanction prévue à l'article L. 331-8 du même code ;

5. Considérant, en premier lieu, que dans sa lettre du 29 mars 2011, le préfet de la Manche (DDTM) se borne à demander au GAEC Lemonnier de lui faire savoir, dans le délai d'un mois à compter de la date de ce courrier, s'il exploite les terres litigieuses en ajoutant que s'il s'avère qu'il poursuit la mise en valeur de ces parcelles en dépit du refus d'autorisation qui lui a été opposé le 5 novembre 2010, il sera dans l'obligation de déclencher la procédure prévue par l'article L. 331-7 du code rural et de la pêche maritime, à savoir l'application d'une sanction pécuniaire pouvant aller de 300 à 900 euros par hectare mis en valeur de manière irrégulière ; que, compte tenu de l'imprécision de ces termes, cette lettre ne peut être regardée comme constituant la mise en demeure de cesser l'exploitation des parcelles concernées prévue par cet article L. 331-7 ;

6. Considérant, en second lieu, que, si la lettre du 16 mai 2011 adressée par le préfet (DDTM) au GAEC Lemonnier constitue une mise en demeure de cesser l'exploitation des terres en litige, il est constant qu'elle ne laisse au GAEC aucun délai pour procéder à la régularisation de sa situation ; qu'ainsi, en ne respectant pas la procédure prévue par les dispositions précitées de l'article L. 331-7 du code rural et de la pêche maritime, le préfet de la Manche a privé le GAEC Lemonnier d'une garantie ;

7. Considérant que si la décision du 30 janvier 2012 de la commission régionale de

recours de contrôle des structures agricoles s'est substituée à celle prise le 12 juillet 2011 par le préfet de la Manche, elle n'a pas eu pour effet de remédier à la privation de la garantie à laquelle le GAEC était en droit de prétendre ; que par suite, le GAEC Lemonnier est fondé à soutenir que la sanction qui lui a été infligée a été prise au terme d'une procédure irrégulière qui n'était pas régularisable devant cette commission et que, par suite, la décision contestée doit être annulée à raison de cette illégalité ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le GAEC Lemonnier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement au GAEC Lemonnier de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen en date du 7 décembre 2012 ainsi que la décision du 30 janvier 2012 de la commission régionale de recours de contrôle des structures agricoles prononçant à l'encontre du GAEC Lemonnier une sanction pécuniaire de 750 euros par hectare de terres exploitées irrégulièrement sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du GAEC Lemonnier est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au GAEC Lemonnier et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

Délibéré après l'audience du 21 octobre 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Bachelier, président de la cour,

- Mme Specht, premier conseiller,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 novembre 2014.

Le rapporteur,

V. GÉLARDLe président,

G. BACHELIER

Le greffier,

A. MAUGENDRE

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT00448


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT00448
Date de la décision : 14/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Agriculture et forêts - Exploitations agricoles - Cumuls et contrôle des structures.

Procédure - Introduction de l'instance - Liaison de l'instance - Recours administratif préalable.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BACHELIER
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : ROUSSELOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-11-14;13nt00448 ?
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