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28/11/2014 | FRANCE | N°13NT01624

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 28 novembre 2014, 13NT01624


Vu la requête, enregistrée le 6 juin 2013, présentée pour M. A... D... et Mme C... D..., demeurant..., par Me Heckmann, avocat au barreau de Paris ; les consorts D...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201711 du 19 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant, d'une part, à l'annulation de la délibération du 8 décembre 2009 par laquelle le conseil municipal de Mutrecy (Calvados) a approuvé le plan local d'urbanisme, d'autre part, à la condamnation de cette commune à leur verser la somme de 40 000 euros en réparatio

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Vu la requête, enregistrée le 6 juin 2013, présentée pour M. A... D... et Mme C... D..., demeurant..., par Me Heckmann, avocat au barreau de Paris ; les consorts D...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201711 du 19 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant, d'une part, à l'annulation de la délibération du 8 décembre 2009 par laquelle le conseil municipal de Mutrecy (Calvados) a approuvé le plan local d'urbanisme, d'autre part, à la condamnation de cette commune à leur verser la somme de 40 000 euros en réparation du préjudice résultant de ce classement, ainsi qu'une somme de 97 500 euros au cas où il ne serait pas fait droit à leur demande d'annulation ;

2°) d'annuler cette délibération en tant qu'elle classe leurs terres en zone naturelle N ;

3°) de condamner la commune de Mutrecy à leur verser la somme de 40 000 euros en réparation du préjudice économique résultant du classement de leurs parcelles en zone naturelle N, ainsi qu'une somme de 97 500 euros au titre du préjudice patrimonial au cas où ce classement ne serait pas annulé par la cour ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Mutrecy une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ils soutiennent que :

- le jugement attaqué mentionne à tort M. et Mme A... D... comme requérants, alors que Alain est le fils, et non l'époux, de Mme D... ;

- le délai de recours contre la délibération du 8 décembre 2009 approuvant le nouveau plan local d'urbanisme n'a pas couru, n'ayant pas été mentionné lors de la publication de cette délibération ; en outre, cette dernière n'a pas été notifiée à la fille de Mme D... résidant à l'étranger ;

- le plan local d'urbanisme (PLU) a été élaboré sur les bases obsolètes d'un premier projet élaboré en 2005 ; il passe sous silence l'existence d'une voie rapide et n'a pas été précédé d'une nouvelle enquête publique ;

- alors que le projet d'aménagement et de développement durable (PADD) identifie comme prioritaire le maintien de l'activité agricole, le classement en zone naturelle N de leurs parcelles est entaché d'erreur manifeste d'appréciation car elles ne présentent pas d'intérêt environnemental ;

- en outre ce classement interdit la construction du bâtiment de stockage de fourrage nécessaire à leur élevage ; le préjudice qui en résulte est justement apprécié ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2014, présenté pour la commune de Mutrecy, représentée par son maire, par Me Gorand, avocat au barreau de Caen ; la commune de Mutrecy conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... D... et de Mme C... D...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la circonstance que le jugement attaqué mentionne comme demandeurs " M. et Mme A... " D...n'est pas de nature à l'entacher d'irrégularité ;

- la demande des requérants devant le tribunal était irrecevable en tant que portant sur l'annulation du plan local d'urbanisme, en effet, la délibération du 8 décembre 2009 approuvant ce plan a été régulièrement publiée le 17 décembre 2009 ; cette délibération n'étant pas une décision individuelle, sa notification et la mention des voies et délais de recours n'étaient pas requises ; en tout état de cause, les consorts D...se sont bornés en 2012 à solliciter une indemnisation et non à demander l'annulation du PLU ;

- l'adoption du PLU a été précédée d'une enquête publique menée du 30 mars au 30 avril 2009 ; la voie rapide dont il est fait état n'intéresse pas la commune ;

- le classement en zone naturelle N des terres des intéressés s'inscrit dans l'objectif de préservation des paysages du PADD ; il a reçu l'accord du commissaire enquêteur ; ce classement, justifié par l'existence d'un bocage caractéristique et de qualité, n'interdit pas l'exercice d'activités agricoles ;

- le PLU n'étant affecté d'aucune illégalité, les appelants ne sauraient être indemnisés ; par ailleurs, les dispositions de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme prohibent l'indemnisation des servitudes d'urbanisme ;

- le préjudice invoqué n'est pas justifié ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 février 2014, présenté pour les consortsD..., qui concluent aux mêmes fins que leur requête, par les mêmes moyens ;

ils ajoutent qu'un conseiller municipal directement intéressé par le classement affectant leurs parcelles a exercé une influence sur le sens du vote de la délibération contestée et pris part à ce dernier ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 septembre 2014, présenté pour la commune de Mutrecy, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance du 23 septembre 2014 fixant la clôture d'instruction au 9 octobre 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 octobre 2014, présenté pour les consortsD..., qui concluent aux mêmes fins que leur requête, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 octobre 2014, présenté pour la commune de Mutrecy, qui persiste dans ses conclusions ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 novembre 2014 :

- le rapport de M. François, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public ;

- et les observations de Me B..., substituant Me Gorand, avocat de la commune de Mutrecy ;

1. Considérant que les consorts D...relèvent appel du jugement du 19 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant, d'une part, à l'annulation de la délibération du 8 décembre 2009 par laquelle le conseil municipal de Mutrecy (Calvados) a approuvé le plan local d'urbanisme, d'autre part, à la condamnation de cette commune à leur verser la somme de 40 000 euros en réparation du préjudice résultant de ce classement, ainsi que la somme de 97 500 euros au cas où il ne serait pas fait droit à leur demande d'annulation ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que la circonstance que le jugement attaqué mentionne comme requérants M. et Mme A... D..., sans préciser que la demande de première instance était introduite par M. A... D... et par sa mère Mme C... D..., n'est pas de nature à l'entacher d'irrégularité dès lors qu'il n'est pas établi que le tribunal se serait mépris sur l'identité des parties ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la délibération du 8 décembre 2009 :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. " ; qu'aux termes de l'article R. 123-24 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable: " Font l'objet des mesures de publicité et d'information édictées à l'article R. 123-25 : (...) b) La délibération qui approuve (...) un plan local d'urbanisme, en application de l'article L. 123-13 (...) " ; que l'article R. 123-25 de ce même code, dans sa rédaction alors en vigueur, dispose que : " Tout acte mentionné à l'article R. 123-24 est affiché pendant un mois en mairie (...) Mention de cet affichage est insérée en caractères apparents dans un journal diffusé dans le département. " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la délibération contestée qui, en raison de son caractère réglementaire n'avait ni à mentionner les voies et délais de recours, ni à donner lieu à notification individuelle, a été affichée en mairie de Mutrecy du 14 décembre 2009 au 26 janvier 2010 et que cet affichage a été mentionné, le 17 décembre 2009, dans les journaux " Ouest-France " et " Liberté le bonhomme libre " ; que, par suite et alors même que par lettre recommandée parvenue à la mairie le 17 février 2010, l'avocat des requérants a demandé au maire de saisir le conseil municipal en vue de " l'annulation " de cette délibération et qu'une décision implicite de rejet est née le 17 avril suivant du silence gardé par le maire sur cette demande, le délai de recours contentieux à l'encontre de cette délibération était expiré le 31 août 2012,date à laquelle la demande tendant à son annulation a été enregistrée au greffe du tribunal ; que les requérants ne sauraient utilement de prévaloir de la circonstance que la lettre adressée au maire n'ait pas donné lieu à la délivrance de l'accusé de réception prévu par les dispositions de l'article 19 de la loi du 12 avril 2000 dès lors que cet article n'a entendu viser que les recours formés par des personnes contestant une décision prise à leur égard par une autorité administrative ; que les conclusions à fin d'annulation de la délibération du 8 décembre 2009 présentées devant le tribunal administratif étaient dès lors tardives et, par suite, irrecevables ;

Sur les conclusions indemnitaires :

5. Considérant, qu'aux termes de l'article R. 123-1 du code de l'urbanisme : " Le plan local d'urbanisme comprend un rapport de présentation (...) " et que l'article R. 123-8 du code de ce code dispose que : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, (...) c) Soit de leur caractère d'espaces naturels. En zone N, peuvent seules être autorisées : - les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole et forestière. (...) " ;

6. Considérant, en premier lieu, que si les requérants allèguent que les données démographiques du rapport de présentation seraient obsolètes, ils ne l'établissent pas ; que, par ailleurs, contrairement à ce qu'ils soutiennent, ce rapport mentionne l'existence de la route départementale 562 ; qu'il n'est pas démontré que la création de cette voie rapide aurait un impact sur l'évolution démographique de la commune ;

7. Considérant, en deuxième lieu que les modifications mineures apportées au projet de plan local d'urbanisme à la suite de l'enquête publique et qui procèdent de cette dernière n'étaient pas de nature à remettre en cause l'économie générale du plan ;

8. Considérant, en troisième lieu, que si les parcelles cadastrées ZD nos 52 et 57 appartenant aux consorts D...ont été classées en zone N par la délibération du 8 décembre 2009, il résulte de l'instruction que, dans ce secteur partie intégrante de la " Suisse Normande ", elles recouvrent un bocage de qualité que le plan local d'urbanisme a entendu préserver, le projet d'aménagement et de développement durable indiquant à cet égard que la commune a pour objectif simultané de veiller au maintien de l'activité agricole et de protéger la pérennité des paysages en préservant l'armature bocagère ; que, par suite, le classement contesté, compatible avec la poursuite de l'activité agricole et avec l'édification de bâtiments à usage agricole ne créant pas plus de 50 m² de surface de plancher autorisés par l'article N2 du règlement de zone, n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

9. Considérant, enfin, que si les requérants allèguent qu'un conseiller municipal aurait, par intérêt personnel, exercé une influence déterminante sur le classement affectant leur parcelle, ils ne l'établissent pas ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la délibération litigieuse du 8 décembre 2009 n'étant entachée d'aucune illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de la commune de Mutrecy, les conclusions indemnitaires des consorts D...ne peuvent qu'être rejetées ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les consorts D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Mutrecy, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. A... D... et à Mme C... D... de la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge respective de M. A... D...et de Mme C... D... une somme de 1 000 euros au titre des frais de même nature que la commune de Mutrecy a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... D...et de Mme C... D...est rejetée.

Article 2 : M. A... D... et Mme C... D... verseront chacun à la commune de Mutrecy une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Mme C... D...et à la commune de Mutrecy.

Délibéré après l'audience du 4 novembre 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- M. François, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 novembre 2014.

Le rapporteur,

E. FRANÇOIS Le président,

A. PÉREZ

Le greffier,

S. BOYÈRE

La République mande et ordonne au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT01624


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT01624
Date de la décision : 28/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Eric FRANCOIS
Rapporteur public ?: M. DELESALLE
Avocat(s) : HECKMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-11-28;13nt01624 ?
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