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05/02/2015 | FRANCE | N°13NT02217

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 05 février 2015, 13NT02217


Vu le mémoire, enregistré le 13 février 2014, présenté pour M. A...B..., demeurant..., représenté par Me Gaudillière, avocat au barreau de Paris, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

M. B...demande à la cour, à l'appui de sa requête, enregistrée sous le numéro 13NT02217, tendant à l'annulation du jugement n° 12-1052 du 27 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 novembre 2011 par laquelle la commission supérieure de la société d'encouragement à

l'élevage du cheval français a rejeté son recours formé contre la décision d...

Vu le mémoire, enregistré le 13 février 2014, présenté pour M. A...B..., demeurant..., représenté par Me Gaudillière, avocat au barreau de Paris, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

M. B...demande à la cour, à l'appui de sa requête, enregistrée sous le numéro 13NT02217, tendant à l'annulation du jugement n° 12-1052 du 27 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 novembre 2011 par laquelle la commission supérieure de la société d'encouragement à l'élevage du cheval français a rejeté son recours formé contre la décision du 24 août 2011 par laquelle la société d'encouragement à l'élevage du cheval français a disqualifié le cheval " Ranch Wood " dans la prix Lucien Lherondel couru le 2 juin 2011, a exclu ce même cheval de tous les hippodromes où le code des courses au trot est en vigueur, ce, jusqu'au 1er septembre 2011 inclus, lui a infligé une amende de 15 000 euros, et lui a retiré les autorisations d'entraîner et de monter du 15 septembre 2011 au 15 septembre 2012 inclus, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles 2 et 5 de la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux ;

il soutient que :

- ces dispositions législatives sont applicables au litige dès lors qu'elles fondent les poursuites disciplinaires exercées à son encontre ; l'article 5 en son deuxième alinéa habilite le pouvoir réglementaire à fixer les conditions de l'intervention des sociétés de courses ;

- ces dispositions, dans leur version applicable au litige, n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; par sa décision 2010-73 QPC du 3 décembre 2010, le Conseil s'est exclusivement prononcé sur la loi de 1891 dans sa rédaction antérieure au 13 mai 2010 ;

- le législateur ne peut déléguer le pouvoir répressif à une personne morale de droit privé telle que la société d'encouragement à l'élevage du cheval français ; cette même société ne peut recouvrer à son seul profit l'amende qu'elle a prononcée à titre de sanction pécuniaire ; ce faisant, le législateur méconnaît l'article 12 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

- les articles contestés sont entachés d'incompétence négative au regard des dispositions combinées de l'article 34 de la Constitution et des principes de légalité des délits et des peines, d'égalité devant la loi, du droit à un recours juridictionnel effectif et de la liberté d'entreprendre ; l'autorité administrative ne détient pas le pouvoir d'instituer une mesure d'interdiction professionnelle qui se heurte à une liberté que seul le législateur peut mettre en cause, telle la liberté d'entreprendre, consacrée par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; l'article 2 de la loi de 1891 méconnaît les articles 8 et 16 de la Déclaration de 1789 à défaut de satisfaire au principe de légalité des délits et des peines ; la commission supérieure de la société d'encouragement à l'élevage du cheval français constitue un ordre de juridiction dont la création devait ressortir à la compétence exclusive du législateur ; le législateur n'a pas institué de garanties préservant le droit à un procès équitable ;

Vu le jugement attaqué dans l'instance n° 13NT02217 susvisée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2014, présenté pour la société d'encouragement à l'élevage du cheval français, dont le siège est situé 7, rue d'Astorg à Paris (75008), représentée par son président en exercice, par Me Lévêque, avocat au barreau de Paris, qui conclut qu'il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées ;

elle fait valoir que :

- l'article 5 de la loi du 2 juin 1891 n'est pas applicable au litige ; les sanctions infligées à M. B...n'ont pas été prises en application de cette disposition ;

- dans sa décision n° 2010-605 DC du 12 mai 2010, le Conseil constitutionnel a déjà eu l'occasion de se prononcer sur la constitutionnalité dans son ensemble de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 ayant notamment modifié les articles 2 et 5 de la loi du 2 juin 1891 ; la deuxième condition du renvoi au Conseil constitutionnel n'est donc pas remplie ;

- aucune disposition constitutionnelle ne s'oppose à ce qu'un organisme de droit privé puisse exercer un pouvoir disciplinaire ; le Conseil constitutionnel a déjà jugé que les sociétés en charge de l'organisation du pari mutuel sont investies de missions participant à la sauvegarde de l'ordre public ; le pouvoir disciplinaire dévolu aux ordres professionnels illustre cette faculté offerte au législateur de prévoir que le pouvoir disciplinaire relatif à un secteur déterminé soit exercé par un organisme de droit privé ;

- le requérant n'est pas fondé à se prévaloir du moyen tiré de ce que le législateur serait resté en deçà de sa compétence en s'abstenant de prévoir que la société d'encouragement à l'élevage du cheval français puisse prononcer une interdiction d'exercice professionnel, ce, en méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines consacré par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; le législateur a souhaité permettre aux sociétés mères de contrôler et de réguler l'organisation des courses en prenant toutes les mesures nécessaires à la réalisation de leur mission ; il était loisible au pouvoir législatif de renvoyer au pouvoir exécutif le soin d'arrêter les sanctions susceptibles d'être prononcées par les instances de la société d'encouragement à l'élevage du cheval français ; l'exercice du pouvoir de sanction implique la possibilité de prononcer des mesures allant jusqu'à l'interdiction temporaire ou définitive d'exercice de l'activité ; seule la volonté d'apporter une restriction particulière aux principes d'indépendance et d'impartialité garantis par l'article 16 de la Déclaration de 1789 aurait justifié l'intervention du législateur ;

- M. B...ne peut utilement se prévaloir du moyen tiré de ce que le législateur serait resté en deçà de sa compétence en alléguant que la société d'encouragement à l'élevage du cheval français constituerait un autre de juridiction autonome que seul le législateur pouvait créer, dans la mesure où cette incompétence négative n'affecte par elle-même aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ;

- le requérant n'est pas fondé à alléguer la méconnaissance du droit au procès équitable consacré par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dès lorsqu'il n'appartient pas au législateur de déterminer les règles procédurales applicables à la discipline d'une activité professionnelle ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 17 mars 2014, présenté pour M. B...qui conclut aux mêmes fins que son mémoire par les mêmes moyens ;

il fait valoir, en outre, que :

- le législateur a seulement autorisé le contrôle des médications par les sociétés mères et ne les a aucunement autorisées à prononcer des sanctions ;

- par sa décision n° 2010-605 du 12 mai 2010 le Conseil Constitutionnel a seulement écarté les griefs dirigés contre l'ensemble de la loi relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne et décidé que cette loi n'avait pas été adoptée selon une procédure contraire à la Constitution ;

- il ne soutient pas qu'un organisme de droit privé ne pouvait être investi du pouvoir disciplinaire mais allègue que le Conseil constitutionnel exige que ce pouvoir de sanction soit strictement encadré par le législateur ;

Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2014, présenté pour la société d'encouragement à l'élevage du cheval français, qui reprend les conclusions de son précédent mémoire et les mêmes moyens ;

elle soutient, en outre, que le Conseil d'Etat a, par deux décisions des 9 février 1979 et 7 juin 1999, jugé qu'en réglementant le fonctionnement des sociétés de courses, le pouvoir réglementaire n'avait pas empiété sur les prérogatives du législateur ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 ;

Vu la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux, notamment ses articles 2 et 5 ;

Vu loi n°4010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne ;

Vu le décret n° 2010-1314 du 2 novembre 2010 relatif aux obligations de service public incombant aux sociétés de courses de chevaux et aux modalités d'intervention des sociétés mères ;

Vu le code des courses au trot, approuvé par le ministre chargé de l'agriculture ;

Vu le code de justice administrative ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article " ; qu'aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique susvisée du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'État (...) le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office " ; qu'aux termes de l'article 23-2 de la même ordonnance : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° / Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3°/La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux " ; qu'aux termes de l'article R. 771-7 du code de justice administrative résultant de l'article 1er du décret n° 2010-148 du 16 février 2010 : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours ou les magistrats désignés à cet effet par le chef de juridiction peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité " ; qu'aux termes de l'article R. 771-11 du même code : " La question prioritaire de constitutionnalité soulevée pour la première fois devant les cours administratives d'appel est soumise aux mêmes règles qu'en première instance. " ;

2. Considérant qu'à l'issue du prix Lucien Lherondel, couru le 2 juin 2011 sur l'hippodrome de Dozulé (14), le cheval " ranch Wood ", arrivé deuxième et entraîné par M. A...B..., a été soumis à des prélèvements biologiques qui ont révélé la présence de Béthamétasone, substance prohibée au sens du paragraphe IA de l'article 77 du code des courses au trot ; que, par une décision du 24 août 2011, les commissaires de la société d'encouragement à l'élevage du cheval français ont alors disqualifié le cheval " Ranch Wood " dans la prix couru, exclu jusqu'au 1er septembre 2011 inclus ce même cheval de tous les hippodromes où le code des courses au trot est en vigueur, a infligé à son entraîneur driver M. B...une amende de 15 000 euros et lui a retiré les autorisations d'entraîner et de monter du 15 septembre 2011 au 15 septembre 2012 inclus ; que le recours formé par ce dernier contre la décision du 24 août 2011 a été rejeté par une décision du 4 novembre 2011 de la commission supérieure de la société d'encouragement à l'élevage du cheval français ; que M. B...a relevé appel du jugement du 27 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision précitée du 4 novembre 2011 ; que, par un mémoire distinct, M. B...a demandé à la cour de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles 2 et 5 de la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux ;

Sur les questions prioritaires de constitutionnalité relatives aux dispositions de l'article 2 de la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux :

3. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 2 de la loi du 2 juin 1891,telle que modifiée par la loi susvisée du 12 mai 2010, qui n'ont pas été déclarées conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel : " Sont seules autorisées les courses de chevaux ayant pour but exclusif l'amélioration de la race chevaline et organisées par des sociétés dont les statuts sociaux auront été approuvés par le ministre de l'agriculture. Ces sociétés participent, notamment au moyen de l'organisation des courses de chevaux, au service public d'amélioration de l'espèce équine et de promotion de l'élevage, à la formation dans le secteur des courses et de l'élevage chevalin ainsi qu'au développement rural. Dans chacune des deux spécialités, course au galop et course au trot, une de ces sociétés de courses de chevaux est agréée comme société mère. Chaque société mère exerce sa responsabilité sur l'ensemble de la filière dépendant de la spécialité dont elle a la charge. Elle propose notamment à l'approbation de l'autorité administrative le code des courses de sa spécialité, délivre les autorisations qu'il prévoit, veille à la régularité des courses par le contrôle des médications, tant à l'élevage qu'à l'entraînement, et attribue des primes à l'élevage. Les obligations de service public incombant aux sociétés mères et les modalités de leur intervention sont définies par décret. " ; que le décret n° 2010-1314 du 2 novembre 2010 relatif aux obligations de service public incombant aux sociétés de courses de chevaux et aux modalités d'intervention des sociétés mères prévoit en son article 1er que : " Les sociétés mères de courses de chevaux sont chargées des missions de service public mentionnées dans le cahier des charges annexé au présent décret. Elles publient à leur bulletin officiel respectif les codes, calendriers, programmes et résultats des courses ainsi que les sanctions prises en application des codes des courses et les listes de personnes bénéficiant d'un agrément dans les différents secteurs d'activité qu'elles régissent. Elles rendent compte annuellement au ministre chargé de l'agriculture de l'exécution des missions de service public qui leur sont confiées. " ; qu'au point 1 du cahier des charges relatif à l'élaboration et tenue des codes des courses, annexé au décret précité : " Les sociétés de courses de chevaux agréées comme sociétés mères sont chargées de réglementer les courses par l'élaboration d'un code des courses pour chaque spécialité qui encadre l'ensemble des épreuves, précise les caractéristiques des personnes et des chevaux autorisés à prendre part aux courses, les règles selon lesquelles les épreuves doivent se dérouler ainsi que les sanctions à appliquer aux contrevenants et les recours possibles. Les codes sont soumis pour approbation au ministre chargé de l'agriculture. Les sociétés mères sont chargées de leur donner une publicité suffisante. Les sociétés de courses de chevaux s'engagent à respecter le code régissant la spécialité des courses qu'elles organisent. " ; que le point 4 de ce cahier des charges prévoit que : " Les sociétés mères délivrent les autorisations de faire courir, d'entraîner, de monter et de driver, ainsi que de percevoir des primes à l'élevage. Elles assurent le contrôle de la régularité des courses en veillant au respect des prescriptions des codes et en organisant les recours contre les décisions prises en application de celles-ci. Elles disposent d'un pouvoir de sanctions disciplinaire et pécuniaire. " ; que l'article 31 du code des courses au trot dans sa rédaction alors applicable, précise que : " I. Les sanctions applicables à un entraîneur sont : - l'avertissement, - l'amende, - le retrait temporaire ou définitif de l'autorisation d'entraîner, - la radiation de la liste des personnes munies d'une autorisation d'entraîner, - l'exclusion, jusqu'à nouvelle décision, des locaux affectés au pesage, ainsi que des terrains d'entraînement appartenant aux sociétés de courses. L'intéressé est toujours appelé à fournir ses explications. II. Tant qu'un entraîneur n'a pas payé l'amende qui lui est infligée, il ne peut faire courir un cheval entraîné par lui dans une course régie par le présent Code, sous peine de l'application d'une des sanctions énumérées au paragraphe précédent. III. Tout cheval entraîné par un entraîneur frappé d'interdiction ou d'exclusion est disqualifié. Toute réclamation au titre de cette disposition doit être faite, à peine d'irrecevabilité, avant le départ de la course ou dans un délai de quinze jours francs à compter du jour de cette course. La réclamation ainsi visée qui ne serait pas jugée avant la course concernée ne peut l'être qu'à partir du lendemain de la course. " ; qu'aux termes de l'article 34 du même code : " (...) Les sanctions applicables à toute personne autorisée à monter en vertu des dispositions de l'article 32 § II, III, IV et V du présent Code sont : - l'avertissement ; - l'amende ; - l'interdiction de monter pendant une durée déterminée sur un hippodrome ou sur tous les hippodromes ; - l'interdiction de monter en course, sur un ou plusieurs hippodromes, ou sur tous les hippodromes, pour une durée déterminée, un ou plusieurs chevaux nommément désignés ; - le retrait de l'autorisation de monter ; - la radiation de la liste des personnes munies de l'autorisation de monter ; - l'exclusion, jusqu'à nouvelle décision, des locaux affectés au pesage, ainsi que des terrains d'entraînement appartenant aux sociétés de courses. L'intéressé est toujours appelé à fournir ses explications (...) " ; que l'article 77 du code des courses au trot précise que : " (...) I. A - Aucun cheval déclaré partant dans une épreuve régie par le présent Code ne doit faire l'objet, entre la clôture de son engagement dans ladite épreuve et l'épreuve concernée, de l'administration d'une substance prohibée (...) En outre, le cheval concerné peut être exclu de tous les hippodromes pour une durée de six mois. L'entraîneur est dans l'obligation de protéger le cheval dont il a la garde et de le garantir comme il convient contre les administrations de substances prohibées (...) Il lui appartient, en conséquence, avant d'entraîner ou de faire courir un cheval qui vient de rentrer à son effectif d'entraînement, de s'assurer par tous contrôles et analyses biologiques qu'il juge nécessaires que ce cheval ne recèle pas une substance prohibée dans ses tissus, fluides corporels, excrétions ou toute partie de son corps (...) II. A - Les Commissaires des courses peuvent procéder ou faire procéder par une ou plusieurs personnes qualifiées de leur choix, sur l'hippodrome avant ou après toute épreuve régie par le présent Code, à l'examen de tout cheval déclaré partant dans ladite épreuve et à prendre telles mesures qu'ils jugent utiles, notamment faire effectuer et analyser des prélèvements biologiques sur ses tissus, fluides corporels, excrétions ou dans toute partie de son corps dans les conditions prévues par un Règlement particulier publié en annexe au présent Code (Annexe I) (...) VI. Les Commissaires de la SECF doivent ouvrir une enquête avant d'appliquer les pénalités prévues à l'article 78 du présent Code : - pour un cheval déclaré partant aux termes des dispositions de l'article 49 § I, soumis à l'examen prévu à l'article 77 § II et dont l'analyse prévue à l'article 77 § V révèle la présence dans les prélèvements biologiques effectués sur ledit cheval, soit d'une substance prohibée telle que définie à l'article 3 § XXXIV, soit d'une substance dont l'origine ou la concentration ne peut être rattachée à la nourriture normale et habituelle (...) " ; qu'aux termes de l'article 78 du même code : " Sanctions pour infraction aux dispositions de l'article 77 II. Lorsque l'analyse du prélèvement biologique effectué sur un cheval déclaré partant révèle une présomption d'infraction aux dispositions du § I de l'article 77 (...) les Commissaires de la SECF doivent ouvrir une enquête (...) b) A l'issue de l'enquête des Commissaires de la SECF : - est disqualifié et doit, en outre, être exclu de tous les hippodromes pour une durée qui ne peut être inférieure à douze mois, tout cheval déclaré partant, pour lequel le prélèvement effectué révèle la présence d'une substance prohibée de catégorie II telle que définie à l'article 3 § XXXIV ou tout cheval ayant fait l'objet de manipulations sanguines / - est disqualifié et peut, en outre, être exclu de tous les hippodromes pour une durée n'excédant pas quatre mois, tout cheval déclaré partant, pour lequel le prélèvement effectué révèle la présence de toute autre substance prohibée de catégorie I (...) IV. En sa qualité de gardien du cheval, est toujours tenu pour responsable et passible d'une amende de cent mille euros au plus, son autorisation d'entraîner et de monter pouvant, en outre être suspendue temporairement ou lui être retirée, l'entraîneur de tout cheval : - déclaré partant dans une épreuve régie par le présent Code, même s'il n'a pas couru, pour lequel le prélèvement effectué révèle la présence d'une substance prohibée, ou de tout cheval ayant fait l'objet de manipulations sanguines (...) IX. Doit être privée du droit d'engager, de faire courir, d'entraîner ou de monter tout cheval, et être exclue des locaux affectés au pesage ainsi que des terrains d'entraînement appartenant aux sociétés de courses : - toute personne convaincue d'avoir contrevenu aux dispositions concernant la vérification de l'absence de substance prohibée dans le prélèvement effectué sur un cheval (...) X. Les sanctions prévues au présent article seront appliquées dans les formes et conditions déterminées par les articles 88 à 104. " ;

4. Considérant, en premier lieu, que, selon M.B..., en déléguant à la société d'encouragement à l'élevage du cheval français, en sa qualité de personne morale de droit privé, l'exercice d'un pouvoir disciplinaire et en l'autorisant à recouvrer directement à son profit le produit des amendes qu'elle inflige, l'article 2 de la loi de 1891 méconnaitrait l'article 12 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 aux termes duquel : " La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique ; cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux à qui elle est confiée. " ; que, toutefois, les dispositions précitées de l'article 2 de la loi du 2 juin 1891 n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de permettre la délégation à la société d'encouragement à l'élevage du cheval français des compétences de police administrative générale inhérentes à l'exercice de la " force publique " nécessaire à la garantie des droits ; que, par suite, la question soulevée étrangère au champ d'application de l'article 12 invoqué, ne présente pas un caractère sérieux ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que, selon M.B..., en s'abstenant, d'une part, de prévoir que la société d'encouragement à l'élevage du cheval français peut prononcer une interdiction d'exercice professionnel, et d'autre part, de garantir le respect des principes d'indépendance et d'impartialité au sein des instances disciplinaires, le législateur aurait par l'article 2 de la loi de 1891 méconnu l'étendue de la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution et ainsi porté atteinte aux principes garantis par les articles 8 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : " Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution. " et qu'aux termes de son article 8: " La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée " ; que les principes énoncés par ces dernières dispositions ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s'étendent à toute sanction ayant le caractère d'une punition ; que la détermination des sanctions disciplinaires applicables à une profession ne relève cependant ni du droit pénal ni de la procédure pénale au sens de l'article 34 de la Constitution mais ressortit à la compétence du pouvoir réglementaire dès lors que ne sont mis en cause aucune des règles ni aucun des principes fondamentaux placés par la Constitution dans le domaine de la loi ;

7. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 2 de la loi du 2 juin 1891 rappelées au point 3. que les sociétés de courses de chevaux sont investies d'une mission de service public d'amélioration de l'espèce équine et de promotion de l'élevage chevalin ; que le troisième alinéa de cet article confie notamment aux sociétés mères, aux rang desquelles figure la société d'encouragement à l'élevage du cheval français agréée en cette qualité par le ministre de l'agriculture pour la spécialité des courses au trot, le soin de proposer à l'approbation de l'autorité administrative le code des courses de sa spécialité et de veiller à la régularité des courses au trot par la lutte anti-dopage ; que le législateur confie ensuite expressément, par ces mêmes dispositions, au pouvoir réglementaire le soin de définir les obligations de service public incombant aux sociétés mères ainsi que les modalités de leur intervention ; que le décret susvisé du 2 novembre 2010 intervenu à cette fin renvoie à la publication des sanctions prises en application du code des courses ; que ce code définit précisément, notamment en ses articles 31, 34 et 78, la nature des sanctions applicables en cas d'irrégularités en matière d'autorisation d'entraîner et de monter et d'administration de substances prohibées à un cheval partant ; qu'il résulte du cahier des charges relatif aux missions de service public dont sont chargées les sociétés mères de courses de chevaux, annexé au décret d'application du 2 novembre 2010 susvisé, que les sociétés mères se voient ainsi confier l'exercice d'un pouvoir de sanction, dans le cadre de la mission de contrôle de la régularité des courses que le législateur leur a expressément confié par l'article 2 critiqué ; que, dès lors, en renvoyant au décret le soin de définir les obligations de service public incombant aux sociétés mères et les modalités de leur intervention, parmi lesquelles l'exercice du pouvoir d'infliger des sanctions qui, par leur objet et leur nature sont en rapport avec l'objectif assigné aux sociétés mères de préserver le déroulement régulier des courses, le législateur n'a pas délégué au pouvoir réglementaire la fixation de règles ou de principes que la Constitution aurait placés dans le domaine de la loi ; que, par suite, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence ni porté atteinte aux articles 8 et 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; que la question soulevée à ces différents titres ne présente pas dès lors un caractère sérieux ;

8. Considérant, en troisième lieu, que si M. B...soutient que l'article 2 de la loi du 2 juin 1891 n'est pas conforme au principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, il n'assortit en tout état de cause ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que, dans ces conditions, la question soulevée ne présente pas un caractère sérieux ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que M. B...soutient que la commission supérieure de la société d'encouragement à l'élevage du cheval français créée par voie réglementaire constituerait un " ordre de juridiction " autonome que seul le législateur était, en vertu de l'article 34 de la Constitution, en mesure d'instituer ; que, toutefois, les dispositions législatives rappelées au point 3. n'ont pas pour objet ni pour effet de créer un nouvel ordre de juridiction au sens des dispositions de l'article 34 de la Constitution ; qu'ainsi, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa propre compétence et, ce faisant, affecté un droit ou une liberté garantis par la Constitution ; que, dans ces conditions, la question soulevée ne présente pas un caractère sérieux ;

10. Considérant, en cinquième lieu, que le requérant soutient que les dispositions législatives litigieuses méconnaitraient le droit à un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable ainsi que les principes d'indépendance et d'impartialité découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dont les termes ont été rappelés au point 6. en ce que ces principes impliquent, notamment, de séparer, au sein d'une autorité exerçant un pouvoir de sanction, les fonctions de poursuite et d'instruction,; qu'il résulte des dispositions rappelées au point 3. que la commission supérieure de la société d'encouragement à l'élevage du cheval français qui est un organisme doté de pouvoirs disciplinaires et ne saurait être assimilée à une juridiction ni même à une autorité administrative indépendante ; que, par ailleurs, en renvoyant au décret le soin de définir les obligations de service public incombant aux sociétés mères et les modalités de leur intervention, et notamment la régulation des courses de leur filière, les dispositions en cause, n'ont ni pour objet ni pour effet de priver le justiciable d'un accès effectif à un tribunal, dans le l'hypothèse où celui-ci souhaiterait contester une sanction disciplinaire ou de caractère pécuniaire prise à son encontre ; que, par suite, la question soulevée ne présente pas dans ses différentes branches un caractère sérieux ;

11. Considérant, enfin, que selon M.B..., l'article 2 de la loi de 1891 méconnaîtrait la liberté d'entreprendre garantie par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dans la mesure où le pouvoir réglementaire ne saurait instituer une mesure d'interdiction professionnelle qui se heurte à cette même liberté que seul le législateur peut mettre en cause ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi. " ; qu'il est ainsi loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ; que les dispositions législatives contestées ont notamment pour objet de veiller à la régularité des courses par le contrôle des médications ; qu'en renvoyant au décret le soin de définir les obligations de service public incombant aux sociétés mères et les modalités de leur intervention, et notamment les modalités de régulation des courses, le législateur n'a pas porté au principe de la liberté d'entreprendre une atteinte qui ne serait pas justifiée par les objectifs de préservation du déroulement régulier des courses de chevaux et proportionnée à cette fin ; que, dans ces conditions, la question soulevée ne présente pas un caractère sérieux ;

Sur les questions prioritaires de constitutionnalité relatives aux dispositions de l'article 5 de la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux :

13. Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 2 juin 1891 : " Toutefois, les sociétés remplissant les conditions prescrites par l'article 2 peuvent, en vertu d'une autorisation spéciale et toujours révocable du ministre chargé de l'agriculture et moyennant le versement des prélèvements légaux, organiser le pari mutuel, mais sans que cette autorisation puisse infirmer les autres dispositions de l'article 4. Les sociétés visées au troisième alinéa de l'article 2 et leurs groupements constitués à cette fin peuvent, en complément de leur objet principal, étendre celui-ci à l'organisation et à la prise de paris en ligne, dans les conditions prévues par la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, portant sur toute compétition sportive ouverte à la prise de paris ainsi qu'à tous les jeux de cercle autorisés par la même loi. " ;

14. Considérant que l'article 5 de la loi du 2 juin 1891 porte sur la possibilité offerte aux sociétés de courses de chevaux participant, notamment au moyen de l'organisation des courses de chevaux, au service public d'amélioration de l'espèce équine et de promotion de élevage, à la formation dans le secteur des courses et de l'élevage chevalin ainsi qu'au développement rural, d'organiser le pari mutuel, y compris en ligne, en vertu d'une autorisation spéciale et toujours révocable du ministre de l'agriculture et moyennant le versement de prélèvements légaux, ce, par dérogation au principe d'interdiction générale des paris sur les courses de chevaux ; que le litige soumis au tribunal administratif puis à la cour ne concerne pas la mise en oeuvre de ces dispositions qui sont étrangères aux sanctions prononcées et ne leur servent pas de fondement ; que, par suite, l'article 5 de la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux n'est pas applicable au présent litige au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ; que la question posée sur ce point ne peut ainsi qu'être écartée ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat les questions prioritaires de constitutionnalité relatives aux dispositions des articles 2 et 5 de la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux ;

ORDONNE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil d'Etat les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par M.B....

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A...B...et à la société d'encouragement à l'élevage du cheval français.

Fait à Nantes, le 7 juillet 2014.

O. COIFFET

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N° 13NT022172

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N°3

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02217
Date de la décision : 05/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

63-045 Sports et jeux. Courses de chevaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Frédérique SPECHT
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : LEVEQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-02-05;13nt02217 ?
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