La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/03/2015 | FRANCE | N°14NT00866

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 12 mars 2015, 14NT00866


Vu la requête, enregistrée le 3 avril 2014, complétée le 12 décembre 2014, présentée pour M. C... B... aliasE... F... A..., domicilié..., par Me Leudet, avocat au barreau de Nantes ; M. B... alias M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1304947 du 26 décembre 2013 par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 décembre 2013 du préfet de la Loire-Atlantique l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays à destination duquel il pourra être

reconduit d'office et de la décision du même jour le plaçant en rétention ;

2...

Vu la requête, enregistrée le 3 avril 2014, complétée le 12 décembre 2014, présentée pour M. C... B... aliasE... F... A..., domicilié..., par Me Leudet, avocat au barreau de Nantes ; M. B... alias M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1304947 du 26 décembre 2013 par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 décembre 2013 du préfet de la Loire-Atlantique l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et de la décision du même jour le plaçant en rétention ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la première de ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de prendre une nouvelle décision sur sa situation dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle ;

il soutient que :

- l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé ;

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions du 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile puisqu'en tant que mineur il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; le préfet de Loire-Atlantique n'a pas apporté la preuve par la seule vérification effectuée dans le fichier Visabio de ce que son acte de naissance aurait été falsifié ; le jugement supplétif qu'il a fourni postérieurement indique sa date réelle de naissance, à savoir le 5 avril 1997 ;

- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il entend soulever un moyen nouveau en appel et tiré de ce que le préfet était tenu de l'admettre provisoirement au séjour et de statuer en priorité sur cette demande avant de prononcer la mesure d'éloignement contestée ; en effet, il a sollicité le bénéfice de l'asile alors qu'il était en centre de rétention ;

- suite à l'obtention du jugement supplétif d'acte de naissance rendu le 27 janvier 2014 et de l'acte de naissance établi sur la base de celui-ci, il a saisi le juge des enfants du tribunal de grande instance de Nantes qui a fait authentifier son acte de naissance par la police aux frontières ; le juge des enfants a ainsi constaté son état de mineur et l'a confié au service départemental d'aide à l'enfance après avoir ordonné une mesure d'assistance éducative le 10 juin 2014 ; le juge aux affaires familiales du même tribunal a ensuite confirmé, le 8 décembre 2014, sa minorité et ordonné l'ouverture de sa tutelle qu'il a confiée au conseil général de Loire-Atlantique ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée le 28 juillet 2014 au préfet de la Loire-Atlantique qui n'a pas produit de mémoire ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 janvier 2015 pour M. A... qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; il soutient en outre que les services de la préfecture de la Loire-Atlantique ont admis son identité et sa date de naissance au 5 avril 1997 ;

Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 3 mars 2014, accordant le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. A... et désignant Me Leudet pour le représenter dans la présente instance ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 février 2015 :

- le rapport de M. Lemoine, premier conseiller,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public ;

- et les observations de Me Leudet, avocat de M. B... alias M. A... ;

1. Considérant que M. A..., ressortissant de République démocratique du Congo, relève appel du jugement du 26 décembre 2013 par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 décembre 2013 du préfet de la Loire-Atlantique l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 1° L'étranger mineur de dix huit ans ; (....) " ;

3. Considérant que M. B..., ressortissant congolais, entré en France irrégulièrement le 23 décembre 2013 selon ses déclarations, qui a été présenté aux services de police par les travailleurs sociaux de l'association AIDA a, de manière constante, déclaré se prénommer M. C... B..., être né le 5 avril 1997 à Kinshasa (République démocratique du Congo) et être mineur ; que l'administration, à laquelle il appartient d'établir le cas échéant que l'intéressé est majeur et, en conséquence, ne peut bénéficier de la protection prévue au 1° de l'article L. 511-4 précité, a cependant estimé, sur la base des informations collectées auprès du système Visabio, que M. B... alias M. A... était majeur à la date à laquelle la décision contestée a été prise, les empreintes digitales relevées pouvant correspondre aux empreintes digitales d'un ressortissant angolais nommé Alexandre F... A..., né le 5 avril 1994 à Benguela (Angola) et âgé de 19 ans ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'arrêté contesté, M. B... alias M. A... a produit un jugement supplétif d'acte de naissance rendu le 27 janvier 2014 par le tribunal de grande instance de Kinshasa, ainsi qu'un acte de naissance établi sur la base de ce jugement au nom de ClémentB... ; que le juge des enfants du tribunal de grande instance de Nantes, qui a fait authentifier l'acte de naissance de l'intéressé par la police aux frontières, a en conséquence ordonné une mesure d'assistance éducative le 10 juin 2014 après avoir constaté que l'intéressé, né le 5 avril 1997 à Kinshasa, était mineur ; que le juge aux affaires familiales du même tribunal, après avoir estimé que le détournement d'empreintes du jeune étranger par les autorités de son pays d'origine était crédible et que les constatations effectuées par le service éducatif sur l'évaluation scolaire de celui-ci étaient cohérentes avec le bulletin scolaire de juin 2008 faisant état d'une date de naissance du 5 avril 1997 d'un enfant scolarisé en classe de 4ème, a confirmé la minorité du requérant et ordonné, le 8 décembre 2014, sa mise sous la tutelle du conseil général de Loire-Atlantique au titre de sa situation de mineur étranger isolé sur le territoire français ; qu'ainsi, dans ces circonstances particulières et au vu des déclarations constantes du requérant, des documents produits après l'intervention de l'arrêté litigieux, et en l'absence de production du relevé d'empreintes de nature à les remettre en cause, la preuve que M. B... alias M. A... était majeur à la date de l'arrêté contesté ne peut, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, être regardée comme apportée ; que, par suite, M. B... alias M. A... est fondé à soutenir qu'étant mineur à la date de l'arrêté contesté, le préfet de la Loire-Atlantique, par l'arrêté contesté du 24 décembre 2013, a méconnu les dispositions précitées du 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... alias M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

5. Considérant que le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Loire-Atlantique procède au réexamen de la situation administrative du requérant et lui délivre une autorisation provisoire de séjour et ce, dans un délai de deux mois à compter de sa notification ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :

6. Considérant que M. B... alias M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; qu'ainsi, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relatives à l'aide juridique ; que, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Leudet renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, il y a lieu de mettre à la charge de ce dernier le versement à cet avocat de la somme de 1 000 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1304947 du magistrat délégué du tribunal administratif de Rennes du 26 décembre 2013 et l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 24 décembre 2013 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de procéder au réexamen de la situation administrative du requérant dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'État versera à Me Leudet, avocat de M. B... alias M. A..., la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...alias M. E... F...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 19 février 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Specht, premier conseiller,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 mars 2015.

Le rapporteur,

F. LEMOINELe président,

I. PERROT

Le greffier,

M. D...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

2

N° 14NT00866


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00866
Date de la décision : 12/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. François LEMOINE
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : LEUDET

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-03-12;14nt00866 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award