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10/07/2015 | FRANCE | N°14NT03291

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 10 juillet 2015, 14NT03291


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant son recours hiérarchique dirigé contre la décision du 24 avril 2014 par laquelle le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande de naturalisation.

Par une ordonnance n° 14-4876 du 16 décembre 2014, le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le

20 décembre 2014, MmeB..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ord...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant son recours hiérarchique dirigé contre la décision du 24 avril 2014 par laquelle le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande de naturalisation.

Par une ordonnance n° 14-4876 du 16 décembre 2014, le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 décembre 2014, MmeB..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 16 décembre 2014 ;

2°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur rejetant sa demande de naturalisation ;

3°) d'enjoindre à l'administration de réexaminer sa demande de naturalisation, au besoin sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision expresse du ministre du 10 septembre 2014 s'étant substituée à la décision implicite antérieure, le premier juge devait regarder son recours comme dirigé contre cette seconde décision ; le non-lieu à statuer prononcé après l'expiration du délai de recours contre cette décision aboutit à un déni de justice ;

- la décision est entachée d'erreurs de fait ; ainsi, elle a effectué sa scolarité en France, ce qui suppose nécessairement une connaissance des valeurs et symboles républicains ; elle a été recrutée par la mairie de Créteil en qualité d'agent spécialisé en école maternelle, et apporte la preuve de son civisme et de son insertion ;

- eu égard à son jeune âge et à sa prise en charge par ses parents durant sa formation, il ne peut lui être reproché un défaut de revenus et d'insertion professionnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le motif tiré du défaut d'insertion professionnelle n'ayant pas été repris par la décision du 10 septembre 2014, l'argumentation de la requérante y afférente est inopérante ;

- pour le surplus, les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pouget.

1. Considérant que Mme B...relève appel de l'ordonnance du 16 décembre 2014 par laquelle le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 4 avril 2014 du préfet du Val-de-Marne rejetant sa demande de naturalisation ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 45 du décret du 30 décembre 1993 : " Dans les deux mois suivant leur notification, les décisions prises en application des articles 43 et 44 peuvent faire l'objet d'un recours auprès du ministre chargé des naturalisations, à l'exclusion de tout autre recours administratif. / Ce recours, pour lequel le demandeur peut se faire assister ou être représenté par toute personne de son choix, doit exposer les raisons pour lesquelles le réexamen de la demande est sollicité. Il constitue un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 24 avril 2013, le préfet du Val-de-Marne a rejeté la demande d'acquisition de la nationalité française présentée par MmeB... ; que, par une lettre du 4 juin 2013, cette dernière a exercé devant le ministre chargé des naturalisations le recours prévu à l'article 45 du décret du 30 décembre 1993 ; que ce recours a fait l'objet d'une décision implicite de rejet née le 4 octobre 2013 ; qu'après avoir sollicité en vain du ministre la communication des motifs de sa décision, Mme B...a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à l'annulation de cette décision implicite de rejet ; qu'en cours d'instance, par une décision explicite du 10 septembre 2014, le ministre a de nouveau rejeté le recours hiérarchique présenté par MmeB... ; que cette décision expresse du ministre s'est substituée à la précédente, et les conclusions d'excès de pouvoir présentées devant le tribunal par Mme B...devaient être regardées comme dirigées contre cette dernière ; que c'est par suite à tort que le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Nantes a estimé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur ces conclusions ; qu'il suit de là que la requérante est fondée à soutenir que l'ordonnance attaquée est entaché d'irrégularité ; qu'il y a lieu de l'annuler et de statuer par la voie de l'évocation sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte le degré d'assimilation du postulant ;

5. Considérant que, pour rejeter la demande de naturalisation présentée par Mme B..., le ministre s'est fondé sur la circonstance que les entretiens d'assimilation menés les 11 et 23 janvier 2013 ont révélé que l'intéressée ignorait les droits et devoirs du citoyen français, la devise républicaine et le principe républicain de laïcité, et qu'elle ne faisait pas montre d'une réelle volonté d'accéder à la communauté nationale, fondée sur une adhésion à ses valeurs ;

6. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré par Mme B...de ce qu'il ne peut lui être opposé une insuffisance d'insertion professionnelle et de revenus est inopérant dès lors que la décision du 10 septembre 2014 n'est pas fondée sur un tel motif ;

7. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des procès-verbaux des entretiens d'assimilation susmentionnés, que la demande d'acquisition de la nationalité française de Mme B... n'est motivée que par des raisons professionnelles et ne repose pas sur une adhésion réelle aux principes et valeurs de la République, qu'elle ne connaît que très imparfaitement, alors même qu'elle a effectué sa scolarité en France, et qu'elle ne semble pas désireuse d'appliquer ou de respecter ; que, dans ces conditions, et même si l'intéressée démontre une volonté d'insertion professionnelle, le ministre de l'intérieur a pu sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation rejeter par la décision contestée la demande de naturalisation présentée par Mme B...;

9. Considérant que, dès lors que les conclusions de la requête tendant à l'annulation de la décision litigieuse sont rejetées, les conclusions présentées par Mme B...à fin d'injonction ne peuvent qu'être également rejetées, de même que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance du président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Nantes du 16 décembre 2014 est annulée.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif par Mme B...et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Millet, président,

- M. François, premier conseiller,

- M. Pouget, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 juillet 2015.

Le rapporteur,

L. POUGET Le président,

J-F. MILLET

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT03291


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT03291
Date de la décision : 10/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MILLET
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: M. DELESALLE
Avocat(s) : BOUDJELTI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-07-10;14nt03291 ?
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