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27/11/2015 | FRANCE | N°15NT01172

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 27 novembre 2015, 15NT01172


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C..., ressortissant marocain, a sollicité l'acquisition de la nationalité française.

Sa demande ayant été rejetée par le préfet des Pyrénées orientales, l'intéressé a formé un recours administratif contre cette décision qui a été rejeté par le ministre de l'intérieur.

L'intéressé a alors formé un recours contentieux en vue d'obtenir, ensemble, l'annulation de ces deux décisions.

Par un jugement n° 1206403 du 13 février 2015, le tribunal administratif de Nantes a an

nulé la décision du 30 avril 2012.

Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 13 avril 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C..., ressortissant marocain, a sollicité l'acquisition de la nationalité française.

Sa demande ayant été rejetée par le préfet des Pyrénées orientales, l'intéressé a formé un recours administratif contre cette décision qui a été rejeté par le ministre de l'intérieur.

L'intéressé a alors formé un recours contentieux en vue d'obtenir, ensemble, l'annulation de ces deux décisions.

Par un jugement n° 1206403 du 13 février 2015, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 30 avril 2012.

Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 13 avril 2015, complété par un mémoire enregistré le 30 juin 2015, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

- d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 février 2015 ;

- de rejeter le recours de M.C....

Le ministre soutient que :

- le tribunal a écarté à tort le motif que M.C... avait dissimulé des informations relatives à sa situation personnelle ;

- ce motif pouvait justifier un refus de naturalisation sans être entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le tribunal a écarté à tort sa demande de substitution de motif, tirée de ce que M. C...ne justifiait pas de revenus suffisants ;

- les premiers juges se sont mépris sur l'étendue de leur office en considérant qu'un tel motif ne pouvait justifier qu'une décision d'ajournement ;

- aucun contrôle de proportionnalité n'est possible en matière de refus de naturalisation, où seul intervient un contrôle restreint;

- une insuffisance de revenus suffisants et pérennes liée à la création d'une activité commerciale récente justifie un refus de naturalisation ;

- sa demande de substitution de motif est maintenue en appel.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2015, M. B...C..., représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C...soutient que les premiers juges ont correctement apprécié sa situation personnelle et que la demande de substitution de motif présentée par le ministre n'est pas fondée.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 8 juin 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Mony.

1. Considérant que le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 février 2015 ayant annulé sa décision du 30 avril 2012 portant rejet du recours administratif formé par M. C...contre la décision du préfet des Pyrénées orientales portant rejet de sa demande de naturalisation ;

Sur le bien-fondé de la décision attaquée :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...a démarré en avril 2011 une activité d'auto-entrepreneur dans le domaine de la vente d'automobiles d'occasion ; que ses revenus pour les années 2009 et 2010, tirés d'un emploi de maçon, se sont élevés respectivement à 5 242 euros et 3 476 euros ; que de tels revenus, eu égard à leur faible montant, ne sont pas de nature à caractériser une situation d'autonomie matérielle ;

3. Considérant que la naturalisation ne constitue pas un droit mais une mesure de faveur pour laquelle le ministre de l'intérieur dispose d'un très large pouvoir d'appréciation ; que ce dernier pouvait ainsi régulièrement refuser de faire droit à la demande présentée par M. C...du fait de l'insuffisance des revenus que ce dernier tire de son activité ; qu'un tel motif était de nature à justifier indifféremment une décision d'ajournement ou de rejet d'une demande de naturalisation ; que, eu égard à l'office du juge administratif en la matière, pour laquelle il n'exerce qu'un contrôle restreint, c'est à tort que les premiers juges ont refusé d'accueillir la demande de substitution de motifs présentée par le ministre, tirée dues revenus insuffisants et sans caractère avéré de pérennité, au motif qu'une telle circonstance était seulement de nature à justifier une décision d'ajournement ; que le ministre de l'intérieur est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont, du fait de ce refus, annulé la décision litigieuse en retenant comme motif d'annulation l'erreur manifeste d'appréciation entachant une décision portant refus de naturalisation fondée sur l'absence d'indication par l'intéressé de l'existence d'un précédent mariage ;

4. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens d'annulation soulevés par M.C... ;

5. Considérant que si M. C...soutient que la décision litigieuse n'est pas suffisamment motivée en fait et en droit, en ce qu'elle ne fait pas mention de l'ensemble des éléments de son dossier, ce moyen n'est pas fondé dès lors que la décision litigieuse fait état des circonstances de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, de nature à constituer une insuffisance de motivation ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si M. C...s'est abstenu à l'occasion du dépôt de son dossier de demande de naturalisation de porter à la connaissance de l'administration son premier mariage, célébré au Maroc en 1997 et dissous par un jugement de divorce devenu définitif, en 2002, cette omission, portant sur des faits au demeurant anciens, n'a pas eu pour conséquence de priver l'administration d'informations lui permettant de statuer en toute connaissance de cause sur la situation du postulant ; que le ministre ne pouvait donc fonder sa décision de refus sur ce seul motif ;

7. Considérant que l'administration peut toutefois, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que le juge de l'excès de pouvoir peut alors, dans l'affirmative, procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas l'intéressé d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;

8. Considérant que, ainsi qu'il a été indiqué au point 3, le ministre avait présenté en première instance une demande de substitution de motif que les premiers juges ont écarté au prix d'une motivation erronée ; que cette demande de substitution de motif est expressément reprise en appel par l'administration ; qu'elle a été soumise au contradictoire et ne prive M. C...d'aucune garantie procédurale ; que M. C...ne conteste pas sérieusement la modicité des sommes qu'il tirait de son activité les deux dernières années précédent sa demande de naturalisation, se bornant à faire valoir que l'administration aurait dû prendre en considération ses revenus de 2011, au moment où il a présenté sa demande de naturalisation, sans toutefois fournir aucune démonstration de ce qu'il aurait alors fourni à l'administration des renseignements précis sur les revenus qu'il tirait alors de son activité ; que si M. C...fait valoir qu'il réside depuis en France depuis 2002 et qu'il y dispose d'une résidence stable, ces seules circonstances, de même que l'invocation des dispositions du code civil, ne sauraient suffire à faire obstacle à ce que le ministre puisse refuser de faire droit à sa demande de naturalisation, laquelle constitue, comme il a déjà été rappelé, une mesure de faveur, et le ministre pouvant, dans le cadre de l'examen d'opportunité auquel il se livre, prendre en compte les éléments relatifs au degré d'insertion professionnelle et d'autonomie matérielle du postulant ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision en date 30 avril 2012 ;

Sur les conclusions en injonction :

10. Considérant que la présente décision n'appelle aucune mesure particulière d'exécution ; que les conclusions à fin d'injonction présentées par M. C...ne peuvent ainsi qu'être rejetées ;

Sur les conclusions en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. C...la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 février 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions d'appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... C....

Délibéré après l'audience du 6 novembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Mony, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 novembre 2015.

Le rapporteur,

A. MONYLe président,

H. LENOIR

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT01172


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01172
Date de la décision : 27/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : AKDAG

Origine de la décision
Date de l'import : 10/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-11-27;15nt01172 ?
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