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03/12/2015 | FRANCE | N°14NT02036

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 03 décembre 2015, 14NT02036


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Sarl B...et Fils a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision n° 320/2013 du 30 avril 2013 du préfet de la région Haute-Normandie suspendant sa licence de pêche pour un durée de quinze jours à compter de la date d'ouverture de la campagne 2013-2014 de la pêche à la coquille Saint-Jacques sur le gisement " Baie de Seine ".

Par un jugement n° 1301224 du 26 juin 2014, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une req

uête enregistrée le 30 juillet 2014, la Sarl B...et Fils, représentée par Me C..., demande à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Sarl B...et Fils a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision n° 320/2013 du 30 avril 2013 du préfet de la région Haute-Normandie suspendant sa licence de pêche pour un durée de quinze jours à compter de la date d'ouverture de la campagne 2013-2014 de la pêche à la coquille Saint-Jacques sur le gisement " Baie de Seine ".

Par un jugement n° 1301224 du 26 juin 2014, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 juillet 2014, la Sarl B...et Fils, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 26 juin 2014 ;

2°) d'annuler la décision contestée du 30 avril 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision contestée a été prise en application de l'arrêté n° 161/2012 du 6 novembre 2012 et de la décision 65/2013 du 29 janvier 2013, lesquels précisent le régime des zones de pêche sur le fondement de résultats d'analyses effectuées sur des échantillons de coquilles Saint-Jacques dans des conditions qui sont irrégulières et méconnaissent les dispositions du règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 ainsi que du règlement (CE) n° 882/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ; en effet les prélèvements sont réalisés par des pêcheurs sous-traitants de l'IFREMER, qui se trouvent en situation de conflit d'intérêts, ne disposent pas de compétences scientifiques ni d'une assermentation, sont insuffisamment contrôlés en ce qui concerne les échantillons prélevés et utilisent des matériels, notamment pour le stockage des échantillons, dont la provenance est indéterminée ;

- l'administration, qui n'a pu vérifier la provenance des coquilles présentes sur le navire, n'a pas fait réaliser d'analyses sur des échantillons du produit de la pêche en litige afin de détecter la présence éventuelle de phycotoxines avant de les faire détruire ou de les remettre à l'eau alors qu'elles étaient sa propriété, et ne démontre pas que les coquilles étaient impropres à la consommation.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 août 2015, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la Sarl B...et Fils ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires ;

- le règlement (CE) n° 854/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 fixant les règles spécifiques d'organisation des contrôles officiels concernant les produits d'origine animale destinés à la consommation humaine ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 404/2011 de la Commission du 8 avril 2011 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 1224/2009 du Conseil instituant un régime communautaire de contrôle afin d'assurer le respect des règles de la politique commune de la pêche ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Specht,

- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.

1. Considérant que, le 7 février 2013, M. A...B..., patron et co-armateur du navire de pêche Black Pearl I, a été entendu par les services de la gendarmerie maritime de Caen pour des faits de pêche dans la zone n°5 d'accès restreint dans laquelle le navire n'était pas autorisé à pêcher, en raison d'une contamination des mollusques par une phycotoxine amnésiante dénommée ASP, commis le 30 janvier 2013 ; qu'un procès-verbal d'audition a été établi et qu'une procédure de sanction administrative a été engagée à l'encontre de M. A... B...et de Mme D... B..., gérante de la Sarl B...et Fils, à l'issue de laquelle, par une décision n°320/2013 du 30 avril 2013, le préfet de la région Haute-Normandie a infligé à M. A... B...la sanction de suspension de sa licence de pêche pour une durée de quinze jours à compter de la date d'ouverture de la campagne 2013-2014 de la pêche à la coquille Saint-Jacques sur le gisement " Baie de Seine " ; que la Sarl B...et Fils relève appel du jugement du 26 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur la légalité de la décision du 30 avril 2013 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 17 du règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 relatif notamment aux principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire : " Responsabilités - 1. Les exploitants du secteur alimentaire et du secteur de l'alimentation animale veillent, à toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution dans les entreprises placées sous leur contrôle, à ce que les denrées alimentaires ou les aliments pour animaux répondent aux prescriptions de la législation alimentaire applicables à leurs activités et vérifient le respect de ces prescriptions. / 2. Les États membres assurent l'application de la législation alimentaire; ils contrôlent et vérifient le respect par les exploitants du secteur alimentaire et du secteur de l'alimentation animale des prescriptions applicables de la législation alimentaire à toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution. / A cette fin, ils maintiennent un système de contrôles officiels et d'autres activités appropriées selon les circonstances (...) " ;

3. Considérant, par ailleurs, que l'article 6 du règlement (CE) n° 854/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 fixant les règles spécifiques d'organisation des contrôles officiels concernant les produits d'origine animale destinés à la consommation humaine, prévoit que les Etats membres veillent à ce que la production et la mise sur le marché des mollusques bivalves vivants, catégorie à laquelle appartient la coquille Saint-Jacques, soient soumises à des contrôles officiels, détaillés à l'annexe II du règlement ; que cette annexe, dont les dispositions ont été transposées notamment aux articles R. 231-35 et suivants du code rural et de la pêche maritime, prévoit la délimitation des zones de production des coquillages vivants, classées selon les résultats d'une étude sanitaire préalable, en zones de classe A, B ou C selon la qualité sanitaire permettant une récolte pour la consommation humaine soit directement, soit après un traitement complémentaire ; que, par ailleurs, les points C et D du chapitre II de l'annexe II au règlement précité du 29 avril 2004 prévoient que lorsque les normes sanitaires ne sont pas respectées ou que la santé humaine est en péril, l'autorité compétente doit fermer la zone de production concernée ou peut reclasser la zone de production concernée en zone B ou C et qu'elle doit assurer la surveillance des zones de production classées où elle a interdit la récolte de mollusques bivalves ou l'a soumise à des conditions spéciales afin d'éviter la commercialisation de produits dangereux pour la santé humaine ; que le point B du chapitre II de l'annexe II au même règlement prévoit enfin que les zones de production classées doivent faire l'objet de contrôles réguliers notamment afin de vérifier la qualité microbiologique des mollusques bivalves vivants en fonction des zones de production et la présence possible de biotoxines, selon une fréquence en règle générale hebdomadaire ; qu'enfin, aux termes du point F de cette annexe, un autocontrôle est effectué par les exploitants du secteur dans les conditions suivantes : " En vue de se prononcer sur le classement, l'ouverture ou la fermeture des zones de production, l'autorité compétente peut prendre en compte les résultats des contrôles réalisés par les exploitants du secteur alimentaire ou par les organisations qui les représentent. Si tel est le cas, l'autorité compétente doit avoir désigné le laboratoire qui procédera à l'analyse et, le cas échéant, l'échantillonnage et l'analyse doivent avoir été réalisés conformément à un protocole convenu entre l'autorité compétente et les exploitants ou l'organisation concernés du secteur alimentaire. " ;

4. Considérant qu'en application de la décision n°65/2013 du 29 janvier 2013 du préfet de la région Haute-Normandie précisant le régime de pêche de la coquille Saint-Jacques dans le secteur " Hors Baie de Seine " et sur le gisement " Baie de Seine " pour la semaine n° 5 de l'année 2013, soit du 29 janvier au 3 février 2013, les zones de pêche n°5 et 7, telles que délimitées par l'arrêté n° 136/2012 du 27 septembre 2012 pris par la même autorité, n'ont été ouvertes à la pêche qu'aux seuls navires disposant d'une autorisation spécifique et ayant conclu un accord avec une entreprise agréée pour l'éviscération des coquilles ; qu'en vertu des dispositions précitées du point F du chapitre II de l'annexe II au règlement n° 854/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, l'autorité administrative était en droit de prendre en compte les résultats des contrôles réalisés par les professionnels du secteur, lesquels ne sont soumis par aucun texte à une obligation d'assermentation ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du " cahier de procédures " du réseau de surveillance du phytoplancton et des phycotoxines (REPHY) de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER), établissement public à caractère industriel et commercial, que, pour des raisons pratiques, notamment en ce qui concerne les gisements au large, les prélèvements des échantillons de coquilles Saint-Jacques sont réalisés par des professionnels de la pêche dans le cadre d'une convention conclue entre les organisations professionnelles du secteur et l'IFREMER selon un protocole précisant le ou les navires désignés, titulaires d'une autorisation à cette fin, les points de prélèvements définis ainsi que les modalités d'indentification, de conservation et d'acheminement du prélèvement ; que le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie fait valoir sans être contredit qu'une telle convention a été signée le 15 octobre 2012 entre les administrations concernées et les comités régionaux des pêches maritimes et des élevages marins (CRPEM) des régions Nord-Pas-de-Calais, Haute-Normandie et Basse-Normandie ; que le centre national de surveillance des pêches assure le contrôle des positions des navires effectuant les prélèvements ; que, par ailleurs, il n'est pas sérieusement contesté que les pêcheurs professionnels désignés ont bénéficié d'une formation pour la réalisation de ces prélèvements ; qu'il résulte également de l'instruction que, conformément aux dispositions du point B-5 du chapitre II de l'annexe II au règlement (CE) n° 854/2004 du 29 avril 2004, les prélèvements dans les zones concernées avaient lieu chaque semaine ; qu'enfin le moyen tiré de la situation de conflit d'intérêts dans laquelle seraient placés les professionnels qui réalisent ces prélèvements ne peut qu'être écarté dès lors que les pêcheurs professionnels désignés ne disposent pas d'autorisation de pêche en zone restreinte et sont directement concernés par la préservation des intérêts économiques de l'ensemble de la filière ; que, par suite, la Sarl B...et Fils n'est pas fondée à soutenir que les conditions de réalisation des prélèvements d'échantillons de coquilles Saint-Jacques dans le secteur " Hors Baie de Seine " et sur le gisement " Baie de Seine " destinés aux analyses biochimiques dans le cadre de la surveillance de la présence de la phycotoxine ASP ne seraient pas conformes à la règlementation communautaire ; qu'il suit de là que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'arrêté n° 65/2013 du 29 janvier 2013 du préfet de la région Haute-Normandie qui règlemente les zones de pêches sur la base de ces prélèvements ne peut qu'être écarté ;

5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 946-1 du code rural et de la pêche maritime : " Indépendamment des sanctions pénales qui peuvent être prononcées et sous réserve de l'article L. 946-2, les manquements à la réglementation prévue par les dispositions du présent livre, les règlements de l'Union européenne pris au titre de la politique commune de la pêche et les textes pris pour leur application, y compris les manquements aux obligations déclaratives et de surveillance par satellite qu'ils prévoient, et par les engagements internationaux de la France peuvent donner lieu à l'application par l'autorité administrative d'une ou plusieurs des sanctions suivantes :/ (...) 2°La suspension ou le retrait de toute licence ou autorisation de pêche ou titre permettant l'exercice du commandement d'un navire délivré en application de la réglementation ou du permis de mise en exploitation; / (...)" ; qu'aux termes de l'article L. 946-2 du même code : "Les manquements aux mesures prises par l'autorité administrative en application de l'article L. 921-2-1, du second alinéa de l'article L. 921-2-2 et aux" délibérations rendues obligatoires en application des articles L. 912-10 et L. 921-2-1 et du second alinéa de l'article L. 921-2-2 peuvent donner lieu au prononcé par l'autorité administrative d'une amende administrative dont le montant unitaire ne peut dépasser le maximum prévu pour la contravention de la 5e classe. (...)/En outre peut être prononcée la sanction prévue au 2o de l'article L. 946-1. La suspension ou le retrait du titre permettant l'exercice du commandement d'un navire ne peut excéder trois ans. " ;

6. Considérant que la sanction prononcée à l'encontre de M. B...est fondée sur des faits d'activité de pêche dans une zone soumise à restriction pour laquelle il ne détenait pas d'autorisation lui permettant de pratiquer la pêche ; que les faits reprochés, et en particulier les lieux précis de la pêche illicite, ont été déterminés à partir des relevés des positions du navire recueillis par le centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS) qui font apparaître que le navire Black Pearl I était présent dans la zone 5 soumise à restriction de pêche du fait du taux de contamination par la toxine ASP, sans disposer de l'autorisation spéciale lui permettant de pêcher, et que sa faible vitesse moyenne révélait une action de pêche dans cette zone ; que, du fait de ces seules constatations, le préfet de la région Haute-Normandie était fondé à prendre la sanction contestée, sans que le requérant puisse utilement invoquer la circonstance que l'administration n'avait pas été en mesure de vérifier d'une autre manière les lieux de pêche concernés ou qu'elle aurait dû procéder au préalable à l'analyse de la toxicité réelle des mollusques pêchés ; qu'enfin, la sanction litigieuse, qui ne tend ni à l'appréhension, ni à la saisie, à la remise à l'eau ou à la destruction des produits de la pêche, ne porte pas, en tout état de cause, atteinte au droit de propriété de la requérante ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Sarl B...et Fils n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la Sarl B...et Fils demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la Sarl B...et Fils est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Sarl B...et Fils, au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

Copie en sera adressée au préfet de la région Haute-Normandie.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Specht, premier conseiller,

- Mme Gélard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 3 décembre 2015.

Le rapporteur,

F. SPECHTLe président,

I. PERROT

Le greffier,

A. MAUGENDRE

La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT02036


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT02036
Date de la décision : 03/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Frédérique SPECHT
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : LECLERC

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-12-03;14nt02036 ?
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