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02/11/2016 | FRANCE | N°15NT00696

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 02 novembre 2016, 15NT00696


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler, d'une part l'arrêté du 23 janvier 2015 par lequel le préfet de la Vendée a décidé de le remettre aux autorités norvégiennes, et d'autre part l'arrêté du 27 janvier 2015 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine l'a placé en rétention administrative.

Par un jugement n° 1500361 du 30 janvier 2015, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 27 janvier 2015, a mis

à la charge de l'Etat la somme de 800 euros au titre des dispositions combinées des artic...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler, d'une part l'arrêté du 23 janvier 2015 par lequel le préfet de la Vendée a décidé de le remettre aux autorités norvégiennes, et d'autre part l'arrêté du 27 janvier 2015 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine l'a placé en rétention administrative.

Par un jugement n° 1500361 du 30 janvier 2015, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 27 janvier 2015, a mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M.D....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 février 2015, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 30 janvier 2015 en tant qu'il a annulé son arrêté du 27 janvier 2015 et qu'il a mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

2°) de rejeter l'ensemble des demandes présentées par M. D...devant le tribunal administratif de Rennes.

Il soutient que :

- le jugement fait une lecture erronée de l'alinéa 3 de l'article 28 du règlement européen du 26 juin 2013, puisque le délai de six semaines à compter de l'acceptation de reprise en charge par les autorités polonaises ne trouvait pas à s'appliquer ; le délai ne courait qu'à compter de la décision juridictionnelle ;

- cet arrêté est motivé par des circonstances de fait et de droit.

Une mise en demeure a été adressée le 11 mai 2015 à M.D..., en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rimeu, premier conseiller.

1. Considérant que, par un arrêté du 15 octobre 2014, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé l'admission provisoire au séjour en qualité de demandeur d'asile de M.D..., au motif que l'examen de sa demande d'asile relevait des autorités norvégiennes ; que, ces dernières ayant accepté la reprise en charge de l'intéressé le 23 octobre 2014, par un arrêté du 23 janvier 2015 le préfet de la Vendée a ordonné la remise de M. D...aux autorités norvégiennes ; qu'enfin, par un arrêté du 27 janvier 2015, le préfet d'Ille-et-Vilaine a ordonné son placement en centre de rétention aux fins d'exécution de la décision de remise ; que le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour d'annuler l'article 1er du jugement du 30 janvier 2015 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de M.D..., sa décision du 27 janvier 2015 plaçant l'intéressé en rétention, en retenant que cette décision était intervenue en méconnaissance du délai de six semaines prévu par le 3 de l'article 28 du règlement UE n°604/2013 du 26 juin 2013 ; que le préfet d'Ille-et-Vilaine demande également l'annulation de l'article 2 de ce même jugement du 30 janvier 2015 qui met à la charge de l'Etat la somme de 800 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 28 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Placement en rétention 1. Les États membres ne peuvent placer une personne en rétention au seul motif qu'elle fait l'objet de la procédure établie par le présent règlement. / 2. Les États membres peuvent placer les personnes concernées en rétention en vue de garantir les procédures de transfert conformément au présent règlement lorsqu'il existe un risque non négligeable de fuite de ces personnes, sur la base d'une évaluation individuelle et uniquement dans la mesure où le placement en rétention est proportionnel et si d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être effectivement appliquées. / 3. Le placement en rétention est d'une durée aussi brève que possible et ne se prolonge pas au-delà du délai raisonnablement nécessaire pour accomplir les procédures administratives requises avec toute la diligence voulue jusqu'à l'exécution du transfert au titre du présent règlement. / Lorsqu'une personne est placée en rétention en vertu du présent article, le délai de présentation d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge ne dépasse pas un mois à compter de l'introduction de la demande. L'État membre qui mène la procédure conformément au présent règlement demande dans ce cas une réponse urgente. Cette réponse est donnée dans un délai de deux semaines à partir de la réception de la requête. L'absence de réponse à l'expiration de ce délai de deux semaines équivaut à l'acceptation de la requête et entraîne l'obligation de prendre ou de reprendre en charge la personne, y compris l'obligation d'assurer la bonne organisation de son arrivée. / Lorsqu'une personne est placée en rétention en vertu du présent article, son transfert de l'État membre requérant vers l'État membre responsable est effectué dès qu'il est matériellement possible et au plus tard dans un délai de six semaines à compter de l'acceptation implicite ou explicite par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou à compter du moment où le recours ou la révision n'a plus d'effet suspensif conformément à l'article 27, paragraphe 3. / Lorsque l'État membre requérant ne respecte pas les délais de présentation d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge ou lorsque le transfert n'intervient pas dans le délai de six semaines visé au troisième alinéa, la personne n'est plus placée en rétention. Les articles 21, 23, 24 et 29 continuent de s'appliquer en conséquence " ;

3. Considérant que les dispositions de l'article 28 précitées trouvent à s'appliquer à la situation des personnes, demandant à bénéficier de la protection internationale, qui ne sont pas admises à séjourner provisoirement sur le territoire d'un Etat membre au motif que l'examen de leur demande de protection relève de la responsabilité d'un autre Etat membre et qui sont placées en rétention en vue de garantir la bonne fin des procédures de transfert ; qu'elles encadrent le recours à cette mesure de rétention en instituant des procédures et des délais visant à limiter la durée de la rétention, dont le non respect a pour conséquence la cessation de la rétention ; que ces dispositions n'ont pas vocation à s'appliquer au cas des personnes pour lesquelles une décision de remise aux autorités d'un autre Etat membre est déjà intervenue, et pour lesquelles le placement en rétention a pour objet d'assurer la bonne exécution de cette mesure de remise ; que, dans ce cas, la circonstance qu'un délai supérieur à six semaines se soit écoulé depuis la date de l'acceptation implicite ou explicite par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ne s'oppose pas à ce qu'elle puisse faire l'objet d'un placement en rétention ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D...est entré en France le 8 septembre 2014 ; que les contrôles effectués lors du dépôt de sa demande de protection internationale ont révélé qu'il avait sollicité l'asile en Norvège les 27 août 2012 et 12 juin 2013, ainsi qu'au Danemark le 6 février 2014 ; que le préfet de la Loire Atlantique a, alors, par arrêté du 15 octobre 2014 refusé de l'admettre provisoirement au séjour ; que les autorités norvégiennes ont accepté de reprendre en charge l'intéressé le 23 octobre 2014, de sorte que le préfet de la Vendée a, par arrêté du 23 janvier 2015, décidé sa remise aux autorités norvégiennes ; que, l'intéressé ayant fait l'objet d'une interpellation à bord d'un TER et ne disposant pas de résidence permanente et effective en France, le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé par la décision critiquée son placement en rétention sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dans ces conditions, contrairement à ce que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a retenu, la circonstance que la décision du 27 janvier 2015 a été prise, alors qu'un délai de six semaines à compter de l'acceptation de la reprise en charge de l'intéressé par les autorités norvégiennes était expiré, n'est pas de nature à entacher d'illégalité la décision contestée ; que, par suite, c'est à tort que, pour annuler la décision du 27 janvier 2015 portant placement en rétention de M.D..., le premier juge s'est fondé sur ce motif ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. D...devant le tribunal administratif ;

6. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...A..., directeur, par intérim, de la réglementation et des libertés publiques de la préfecture d'Ille-et-Vilaine, bénéficiait d'une délégation de signature du préfet d'Ille-et-Vilaine du 19 janvier 2015, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs, afin de signer notamment les décisions de mise en rétention administrative ; que dés lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée manque en fait ;

7. Considérant, d'autre part, que la décision litigieuse vise les dispositions conventionnelles, législatives ou réglementaires qui la fondent en droit ; qu'elle mentionne que M. D...fait l'objet d'une mesure de réadmission en Norvège, qu'il ne dispose ni d'un document transfrontière en cours de validité ni d'une résidence permanente et effective en France, qu'il ne s'est jamais présenté à l'heure aux convocations de la préfecture, qu'il a été déclaré en fuite par les autorités danoises le 24 avril 2014 et qu'il existe un risque qu'il se soustraie à une mesure d'assignation à résidence ; que par suite, la décision du 27 janvier 2015 litigieuse est suffisamment motivée en droit et en fait ; que cette motivation ne révèle aucun défaut d'examen complet de sa situation personnelle ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé sa décision du 27 janvier 2015 prononçant le placement en rétention de M. D...;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1500361 du 30 janvier 2015 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D...devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C...D....

Une copie en sera transmise au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Loirat, président,

- Mme Rimeu, premier conseiller,

- et.Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 novembre 2016.

Le rapporteur,

S. RIMEULe président,

C. LOIRAT

Le greffier,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT00696


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT00696
Date de la décision : 02/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme LOIRAT
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : CABINET MAIA EL BOREI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-11-02;15nt00696 ?
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