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16/12/2016 | FRANCE | N°16NT00249

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 16 décembre 2016, 16NT00249


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du préfet de la Sarthe du 8 avril 2015 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1505139 du 22 septembre 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 janvier 2016, MmeC..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annul

er ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 septembre 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du préfet de la Sarthe du 8 avril 2015 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1505139 du 22 septembre 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 janvier 2016, MmeC..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 septembre 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Sarthe du 8 avril 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé, en méconnaissance de la loi du 11 juillet 1979 et de la circulaire du 28 septembre 1987 relative à la motivation des actes administratifs ;

- il méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est contraire à l'article 3 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

- elle est contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- son retour forcé en République Démocratique du Congo aurait pour elle des conséquences s'apparentant à un traitement inhumain.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2016, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'en l'absence de moyens nouveaux, il s'en remet à ses écritures de première instance.

Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 décembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Aubert.

1. Considérant que Mme C..., ressortissante de la République Démocratique du Congo, relève appel du jugement du 22 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Sarthe du 8 avril 2015 portant refus de titre de séjour en qualité d'étranger malade et obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. Considérant que le refus de titre de séjour, qui précise les éléments de fait et de droit qui en constituent le fondement, est suffisamment motivé, alors même qu'il n'indique pas les informations sur lesquelles le médecin de l'agence régionale de santé et le préfet se sont successivement fondés pour estimer que la requérante pourra bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en République Démocratique du Congo ; que Mme C... ne se prévaut pas utilement de la circulaire du 28 septembre 1987 relative à la motivation des actes administratifs, qui est dépourvue de valeur réglementaire ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé : " (...) le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé. Celui-ci, s'il estime, sur la base des informations dont il dispose, qu'il y a lieu de prendre en compte des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, transmet au préfet un avis complémentaire motivé. / Par ailleurs, dès lors que l'intéressé porterait à la connaissance du préfet des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, le préfet saisit pour avis le directeur général de l'agence régionale de santé, qui lui communique son avis motivé dans un délai d'un mois " ;

4. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;

5. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d 'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

6. Considérant que, par un avis rendu le 18 novembre 2014, le médecin de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire a estimé que l'état de santé de Mme C...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle pourra bénéficier en République Démocratique du Congo d'un traitement approprié à cet état de santé ; que, se fondant sur cet avis, le préfet de la Sarthe, a refusé de délivrer le titre de séjour demandé ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C...souffre de troubles psychiatriques nécessitant un traitement médical ; qu'elle se prévaut de la fiche sanitaire de la République Démocratique du Congo mise à jour le 25 octobre 2006 selon laquelle il existe une offre de soins pour les troubles mentaux et du comportement et la délivrance des médicaments que leur traitement nécessite sauf pour les antidépresseurs pour lesquels l'offre de soins est très insuffisante ; qu'elle fait également valoir qu'il est de notoriété publique que l'insécurité dans certaines zones du territoire de ce pays rend l'accès aux soins difficiles ; que, toutefois, le préfet avait produit en première instance un courriel de l'ambassade de France en République Démocratique du Congo, envoyé le 13 janvier 2014, selon lequel les pathologies psychiatriques sont prises en charge dans les grandes villes du pays et les médicaments inscrits aux pharmacopées belge et française sont disponibles ; que, dans ces conditions, la requérante n'établit pas qu'elle ne pourra pas bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement médical adapté à son état de santé ; qu'il suit de là que le préfet n'a pas méconnu le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 7 du présent arrêt, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas le 10° de l'article L. 510-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

9. Considérant que Mme C... fait valoir qu'entrée en France en janvier 2013, elle y séjourne avec sa fille, aujourd'hui âgée de onze ans et qu'un enfant est né, le 20 août 2015 de sa relation avec un ressortissant français ; que, toutefois, cette naissance qui est postérieure à la décision contestée, n'est pas utilement invoquée ; qu'en outre, Mme C...n'est pas dépourvue d'attaches familiales en République Démocratique du Congo où résident ses deux autres filles mineures et où elle a elle-même vécu jusqu'à l'âge de trente-trois ans ; que, dans ces conditions, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, elle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant que si Mme C...soutient que l'intérêt supérieur de sa fille, née le 20 août 2015 de sa relation avec un ressortissant français, exige de ne pas séparer cette dernière de son père, les stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ne sont pas applicables à un enfant qui n'était pas encore né à la date de la décision contestée, prise le 8 avril 2015 ;

11. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas utilement invoqué à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

12. Considérant que si Mme C...se prévaut de violences dont elle aurait été victime en République Démocratique du Congo, il ressort des pièces du dossier que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office de protection des réfugiés et apatrides du 29 avril 2014 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 13 novembre 2014 ; qu'en se bornant à soutenir que les troubles psychologiques qu'elle présente l'ont empêchée d'exposer les motifs de sa demande d'asile devant ces instances, elle n'établit pas que son retour dans son pays d'origine provoquerait une aggravation de sa pathologie s'apparentant à un traitement inhumain au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur le surplus des conclusions :

14. Considérant que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- Mme Bougrine, conseiller.

Lu en audience publique, le 16 décembre 2016.

Le rapporteur

S. AubertLe président

F. Bataille

Le greffier

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 16NT00249 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16NT00249
Date de la décision : 16/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Sylvie AUBERT
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : CABINET FABIENNE GIROLDI

Origine de la décision
Date de l'import : 03/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-12-16;16nt00249 ?
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