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18/01/2017 | FRANCE | N°16NT00396

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 18 janvier 2017, 16NT00396


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 28 mars 2013 par laquelle le ministre de l'intérieur a substitué à la décision préfectorale d'irrecevabilité du 12 décembre 2012 une décision de rejet de sa demande de réintégration dans la nationalité française.

Par un jugement n° 1305191 du 2 décembre 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 févr

ier 2016, M. E..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 28 mars 2013 par laquelle le ministre de l'intérieur a substitué à la décision préfectorale d'irrecevabilité du 12 décembre 2012 une décision de rejet de sa demande de réintégration dans la nationalité française.

Par un jugement n° 1305191 du 2 décembre 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 février 2016, M. E..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 décembre 2015 ;

2°) d'annuler la décision du 28 mars 2013 ;

3°) d'enjoindre au ministre de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur de droit, dès lors qu'il ne saurait être considéré comme étant en situation de bigamie ; il est marié civilement depuis le 25 mars 1976 à Mme B...E..., qui réside avec lui en France, alors que son premier mariage avec MmeF..., qui réside au Sénégal et dont il est désormais séparé, était un mariage religieux ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où il a sa résidence en France depuis plus de quarante ans et y a fixé de manière stable le centre de ses intérêts matériels et de ses attaches familiales ; après avoir obtenu le regroupement familial en 1999 pour sa femme et ses deux enfants, il ne remplissait plus les conditions de logement et de ressources pour accueillir ses trois autres enfants ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que si, à l'occasion de sa demande de naturalisation, il n'a pas déclaré ses fils Abdou, qui a acquis la nationalité française, et Mamadou, qui est titulaire d'une carte de résident, c'est uniquement parce qu'ils étaient majeurs ; il ne saurait en résulter une intention de dissimulation de sa part ;

- le motif tiré de son comportement fiscal sujet à critiques procède d'une erreur de fait, dès lors qu'entre 2007 et 2012, date de la demande, certains de ses enfants sont devenus majeurs ;

- la décision contestée procède d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, en ce qu'elle comporte des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- il renvoie à ses écritures de première instance qu'il reprend subsidiairement.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le Rapport de M. Millet a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. E..., ressortissant sénégalais, relève appel du jugement du 2 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 mars 2013 du ministre de l'intérieur, rejetant sa demande de réintégration dans la nationalité française ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 24-1 du code civil : " La réintégration par décret peut être obtenue à tout âge et sans condition de stage. Elle est soumise, pour le surplus, aux conditions et aux règles de la naturalisation " ; qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient au postulant, s'il le juge opportun, de formuler une nouvelle demande. " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant et l'intensité des liens conservés par le postulant avec son pays d'origine ;

3. Considérant que pour rejeter la demande de réintégration dans la nationalité française de M. E..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur les motifs tirés de ce que l'intéressé ne peut être regardé comme assimilé à la communauté française dès lors que la bigamie est contraire à la loi française, de ce que sa résidence n'est pas établie en France , trois de ses enfants mineurs vivant avec leurs mères à l'étranger, de ce qu'il n'a pas mentionné dans sa demande de naturalisation l'existence des enfants Abdou et Mamadou nés en 1979 et 1981, ce comportement témoignant d'une volonté de dissimuler la réalité de sa situation et, enfin, de ce que son comportement au regard de ses obligations fiscales est sujet à critique ;

4. Considérant que si le ministre soutient que M. E...vivait en situation de bigamie de fait avec Mme F...et MmeG..., avec lesquelles il avait contracté un mariage coutumier, il ressort des pièces du dossier que le requérant n'a contracté qu'un mariage civil avec Mme E...et ne vit en France qu'avec son épouse ; que la seule circonstance qu'il a entretenu pendant plusieurs années des relations extraconjugales, dont sont issus trois de ses enfants, avec des compatriotes sénégalaises résidant dans ce pays, ne caractérise pas l'existence d'une situation de bigamie ; que, par ailleurs, l'absence de déclaration de deux des enfants majeurs de M. E...dans son dossier de demande d'acquisition de la nationalité française, dont l'aîné, Abdou, a acquis la nationalité française et le second, Mamadou, est titulaire d'une carte de résident, ne suffit pas à caractériser, dans ces conditions, une intention du requérant de dissimuler sa situation familiale ;

5. Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que trois des enfants mineurs de M. E..., Ndiaga, né le 7 octobre 2000, Bassirou, né le 14 octobre 2000 et Amath, né le 14 juin 2009, résident au Sénégal et que l'intéressé les a déclarés fiscalement à sa charge ; qu'au surplus, M. E...ne conteste pas avoir indiqué dans ses déclarations au titre des revenus perçus de 2007 à 2010, onze enfants mineurs à sa charge en 2007 et neuf enfants mineurs à partir de 2008, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il est père de sept enfants, dont deux étaient déjà âgés de plus de vingt cinq ans en 2007 ; que, par suite, eu égard au large pouvoir dont il dispose pour apprécier l'opportunité d'accorder ou non la nationalité française à l'étranger qui la sollicite, le ministre n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en rejetant pour ces deux derniers motifs la demande de réintégration dans la nationalité française de M.E...;

6. Considérant, en second lieu, que, compte tenu des effets d'une décision de rejet d'une demande de naturalisation, le requérant ne saurait utilement soutenir que la décision contestée emporte des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle et familiale ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne sauraient, par suite, être accueillies ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...E...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 3 janvier 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Millet, président assesseur,

- M.A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 janvier 2017.

Le rapporteur,

J-F. MILLETLe président,

A. PEREZ

Le greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT00396


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT00396
Date de la décision : 18/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Jean-Frédéric MILLET
Rapporteur public ?: Mme PILTANT
Avocat(s) : TRORIAL

Origine de la décision
Date de l'import : 31/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-01-18;16nt00396 ?
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