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01/02/2017 | FRANCE | N°15NT01067

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 01 février 2017, 15NT01067


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...D...ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2014 par lequel le maire de Bricqueville-sur-Mer a refusé un permis de construire une habitation à M. F...sur un terrain cadastré section BC n° 444 situé aux Salines, dont ils sont propriétaires.

Par un jugement n° 1401620 du 10 février 2015, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er avril 2015 et des mémoir

es enregistrés les 23 septembre 2015 et 19 octobre 2015, M. et MmeD..., représentés par MeC..., ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...D...ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2014 par lequel le maire de Bricqueville-sur-Mer a refusé un permis de construire une habitation à M. F...sur un terrain cadastré section BC n° 444 situé aux Salines, dont ils sont propriétaires.

Par un jugement n° 1401620 du 10 février 2015, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er avril 2015 et des mémoires enregistrés les 23 septembre 2015 et 19 octobre 2015, M. et MmeD..., représentés par MeC..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 10 février 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2014 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Bricqueville-sur-Mer une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- en ne mentionnant pas d'où il tirait la définition d'un " village " au sens du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, notion à laquelle sa décision fait référence, le maire de Bricqueville-sur-Mer a insuffisamment motivé son arrêté en droit, au regard de l'article R. 424-5 du code de l'urbanisme ;

- l'article L. 146-4 I du code de l'urbanisme n'est pas méconnu dès lors que le projet vient densifier un espace urbanisé existant, dans une dent creuse, et ne constitue pas une extension de l'urbanisation ;

- le lieu-dit Les Salines constitue, en outre, un village, dès lors qu'il a comporté autrefois deux hôtels, un café, une épicerie et un bar-tabac ;

- en toute hypothèse, il se situe à proximité immédiate et en continuité d'un espace densément urbanisé, à savoir celui se développant depuis le lieu-dit le Bourguais jusqu'à celui de la Chatellerie, en intégrant ceux de l'Isle et du Village Adam ;

- l'arrêté de non opposition à déclaration préalable délivré le 26 novembre 2012 pour le détachement d'un lot à bâtir de 572 m² a cristallisé des droits à construire pendant cinq ans en application de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme ;

- en s'estimant lié par les décisions prises par la DDTM en fonction de la cartographie établie par les services de l'Etat, le maire de Bricqueville-sur-Mer a entaché son arrêté d'incompétence négative ;

- le maire n'étant pas habilité à défendre en justice, son mémoire en défense sera écarté des débats comme non recevable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2015, et un mémoire enregistré le 12 octobre 2015, la commune de Bricqueville-sur-Mer, représentée par MeG..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme D...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son maire a été habilité à ester en justice par délibérations du conseil municipal des 3 avril et 25 septembre 2014, jointes à la procédure ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme est inopérant ;

- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Millet,

- les conclusions de Mme Piltant, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., substituant MeC..., représentant M. et MmeD..., et de MeE..., substituant MeG..., représentant la commune de Bricqueville-sur-Mer.

1. Considérant que M. et Mme D...sont propriétaires d'un terrain cadastré section BC n° 444 au lieu-dit Les Salines sur le territoire de la commune de Bricqueville-sur-Mer ; qu'ils ont signé avec M. et Mme F...un compromis de vente de ce terrain sous la condition suspensive de l'obtention d'un permis de construire une habitation ; que, par un arrêté du 3 juillet 2014, le maire de Bricqueville-sur-Mer a refusé de délivrer ce permis de construire à M. et Mme F...; que M. et Mme D...relèvent appel du jugement du 10 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la recevabilité du mémoire en défense de la commune :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une délibération prise au cours de sa séance du 3 avril 2014, le conseil municipal de la commune de Bricqueville-sur-Mer a notamment délégué au maire pour la durée de son mandat le pouvoir de défendre la commune dans les actions intentées contre elle en justice ; que, par une délibération du 25 septembre 2014, le conseil municipal a autorisé son maire à ester en justice pour les litiges opposant la commune à M.D... ; que, par suite, M. et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que, faute de délibération générale ou spéciale habilitant le maire de Bricqueville-sur-Mer à ester en justice, le mémoire en défense présenté par le maire au nom de la commune le 1er septembre 2015 serait irrecevable ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Considérant, en premier lieu, que l'article R. 424-5 du code de l'urbanisme prévoit que : " Si la décision comporte rejet de la demande, si elle est assortie de prescriptions ou s'il s'agit d'un sursis à statuer, elle doit être motivée. ( ...) " ;

4. Considérant que l'arrêté contesté cite, en l'espèce, le I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme sur lequel le maire de Bricqueville-sur-Mer s'est fondé pour refuser le permis de construire en litige ; qu'il indique l'objet de la demande, et précise que le lieu-dit Les Salines est une zone d'urbanisation diffuse et que toute construction sur le terrain litigieux constituerait une extension de l'urbanisation ne s'inscrivant pas en continuité du " village existant au sens de la loi littoral " ; qu'ainsi, l'arrêté contesté comporte les considérations de fait et de droit en constituant le fondement ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cet arrêté serait insuffisamment motivé au regard de l'article R. 424-5 du code de l'urbanisme doit être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que si le maire de Bricqueville-sur-Mer a indiqué dans son courrier du 22 août 2014 qu'il " valide les décisions prises par la direction départementale des territoires et de la mer en fonction de la cartographie établie par les services de l'Etat ", il a également indiqué prendre ses décisions en application de la loi et de la jurisprudence existante au regard des cartographies mises à sa disposition ; qu'ainsi, il n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence en matière d'urbanisme ; qu'en outre, il ne ressort pas de la décision elle-même, qui avait au demeurant été prise antérieurement au courrier litigieux, que le maire se serait cru lié par l'avis des services de l'Etat ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté du maire de Bricqueville-sur-Mer serait entaché d'incompétence négative doit, en tout état de cause, être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du premier alinéa du I de l'article

L. 146-4 du code de l'urbanisme : " L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement " ; qu'il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les zones déjà urbanisées, caractérisées par une densité significative des constructions, mais qu'aucune construction ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d'autres constructions, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées des agglomérations ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des plans et photographies qui y sont joints, que la parcelle d'assiette du projet de construction, cadastrée section BC n° 444, dont sont propriétaires M. et MmeD..., est située à environ 1 850 mètres du bourg de Bricqueville-sur-Mer, dont elle est séparée par des coupures d'urbanisation formant des prairies ou des terres cultivées comprenant quelques lieux-dits ou hameaux dispersés ; que les quelques maisons d'habitation ou autres bâtiments situés au lieu-dit " Les Salines ", le long de la route du Havre de la Vanlée au sud, et le long de la route départementale 442 à l'ouest, sont implantés de manière éparse et ne présentent pas une densité significative de constructions ; qu'ainsi, le secteur dans lequel est situé le terrain d'assiette de la construction projetée se caractérise par une urbanisation diffuse, limitée à une vingtaine de constructions, sans continuité avec la partie urbanisée du lieu-dit " le Bourguais ", compte tenu de la coupure d'urbanisation que forme à l'est l'ensemble des parcelles naturelles ou agricoles constitué par les parcelles n° 74, n° 269 et n° 270 ; que, dès lors, même si des commerces ou services y auraient autrefois existé, ce lieu-dit ne saurait être regardé comme une agglomération ou un village existant, ni même, en tout état de cause, comme un hameau nouveau intégré à l'environnement, au sens du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ; que, dans ces conditions, et alors même que le projet serait localisé à l'intérieur d'une enveloppe bâtie et ne porterait que sur l'édification d'une seule maison, toute nouvelle construction dans ce secteur d'habitat diffus ne constituerait pas une simple opération de construction, mais une extension de l'urbanisation exclue par les dispositions précitées, faute de se réaliser en continuité avec les agglomérations ou villages existants ; que, par suite, c'est à bon droit que le maire de cette commune s'est fondé sur les dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme pour rejeter la demande de permis de construire présentée par le pétitionnaire ;

8. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme : " dans les cinq ans suivant l'achèvement d'un lotissement, constaté dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à l'autorisation du lotissement " ; que M. et Mme D...ne sont, toutefois, pas fondés à se prévaloir des droits acquis à construire qui résulteraient de l'arrêté de non opposition à déclaration préalable délivré le 26 novembre 2012 pour le détachement d'un lot à bâtir de 572 m², dès lors que le refus de permis de construire en litige est motivé par l'application des dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, entrées en vigueur antérieurement à cette autorisation de lotir ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bricqueville-sur- Mer, qui, dans la présente instance, n'est pas la partie perdante, la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à leur charge la somme de 1 000 euros à verser à la commune de Bricqueville-sur-Mer au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme D...est rejetée.

Article 2 : M. et Mme D...verseront la somme de 1 000 euros à la commune de Bricqueville-sur-Mer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...D...et à la commune de Bricqueville-sur-Mer.

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- Mme Buffet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er février 2017.

Le rapporteur,

J-F. MILLET

Le président,

A. PÉREZLe greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre du logement et de l'habitat durable, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT01067

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01067
Date de la décision : 01/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Jean-Frédéric MILLET
Rapporteur public ?: Mme PILTANT
Avocat(s) : SELARL JURIADIS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-02-01;15nt01067 ?
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