La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/10/2017 | FRANCE | N°15NT03698

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 20 octobre 2017, 15NT03698


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M.E... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 5 septembre 2013 par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision du 14 juin 2013 par laquelle les autorités consulaires françaises à Conakry ont rejeté les demandes de visas présentées pour les enfants Rouguiatou, Diariatou, Sira, Kadiatou et IdrissaC....

Par un jugement n° 1307899 du 8 octobre 2015, le tribunal administratif de Nantes a reje

té sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enreg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M.E... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 5 septembre 2013 par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision du 14 juin 2013 par laquelle les autorités consulaires françaises à Conakry ont rejeté les demandes de visas présentées pour les enfants Rouguiatou, Diariatou, Sira, Kadiatou et IdrissaC....

Par un jugement n° 1307899 du 8 octobre 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 décembre 2015 et le 23 août 2017, M. C..., représenté par Me B...puis par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 octobre 2015 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler les décisions du 14 juin 2013 et du 5 septembre 2013 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités dans un délai d'un mois, au besoin sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

5°) à titre subsidiaire, d'ordonner qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de décisions du juge judiciaire statuant sur une demande tendant à établir les liens de filiation entre les intéressés.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, en raison d'une insuffisance de motivation attestant d'un examen particulier de chaque situation et du défaut de réponse au moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision consulaire ;

- la décision consulaire est entachée d'un vice d'incompétence ;

- la décision de la commission revêtant un caractère collectif à l'égard de ses cinq enfants, elle est entachée d'un défaut d'examen de la situation personnelle de chacun de ses enfants et d'une insuffisance de motivation ;

- la décision de la commission est entachée d'une erreur de droit, d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que chaque dossier de demande de visa comportait un jugement du tribunal de première instance de Kaloum conforme et identique à l'acte de naissance produit et que la réalité de la filiation ainsi que l'intensité et la permanence des liens entretenus entre le père, la mère et l'ensemble de la fratrie sont établis ; en outre, il ne leur a jamais été demandé de fournir des justificatifs du maintien des liens affectifs et de la contribution financière à l'éducation et à l'entretien des enfants ; les erreurs matérielles entachant certains des actes d'état civil produits, relevées par le ministre dans ses écritures en défense, ne suffisent pas à établir l'existence d'une fraude ; il n'est pas contesté que les actes de naissance fournis à l'OFII sont incomplets au regard du code civil guinéen, ces erreurs s'expliquant par des dysfonctionnements au sein des services administratifs guinéens, d'où l'édiction de jugements supplétifs ; l'examen précis de l'ensemble du dossier de chacun de ses enfants révèle notamment qu'ils disposent tous d'un acte de naissance dont le contenu est complété et/ou authentifié par un jugement supplétif conforme ;

- s'il ne peut justifier avoir transféré de l'argent à ses enfants, il démontre en revanche, par l'ensemble de ses démarches, l'existence des liens de filiation par possession d'état ;

- la décision attaquée méconnaît l'intérêt supérieur des enfants et le droit à une vie privée et familiale normale et ce, d'autant que la famille C...a vécu un terrible drame avec l'assassinat de Mariama, l'aînée de la fratrie, le 16 novembre 2011.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés et s'en remet pour le surplus à ses écritures de première instance.

M. C...a été admis au de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 ai 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bougrine a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.C..., ressortissant guinéen, relève appel du jugement du 8 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 septembre 2013, par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a confirmé le rejet des demandes de visas de long séjour, présentées pour les enfants Rouguiatou, Diariatou, Sira, Kadiatou et Idrissa C...à la suite d'une autorisation préfectorale de regroupement familial ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments exposés par M. C...dans ses écritures, ont répondu, de manière suffisamment motivée en droit et en fait, aux moyens soulevés par le requérant et notamment à ceux tirés, à l'encontre de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, de l'insuffisance de motivation, de l'erreur de fait, de l'erreur de droit, de l'erreur d'appréciation et de la méconnaissance des stipulation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; que, contrairement à ce qui est soutenu, la motivation retenue par les premiers juges atteste d'un examen particulier de chaque situation ; que le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit, en conséquence, être écarté ;

3. Considérant, en second lieu, que le tribunal n'était pas tenu de répondre au moyen, inopérant, tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision du 14 juin 2013 du consul général de France à Conakry, les conclusions à fin d'annulation dirigées contre cette décision étant irrecevables ;

4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision des autorités consulaires :

5. Considérant qu'aux termes de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier " ; qu'il résulte de ces dispositions que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France se substitue à celle qui a été prise par les autorités consulaires ; que, par suite, les conclusions du requérant tendant à l'annulation de la décision des autorités consulaires françaises à Conakry du 14 juin 2013 sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :

6. Considérant, en premier lieu, que les moyens tirés du défaut de motivation de la décision contestée et du défaut d'examen particulier, que le requérant renouvelle en appel, doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) " ; et qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité " ;

8. Considérant que lorsque la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour un motif d'ordre public ; que figure au nombre de ces motifs l'absence de caractère authentique des actes d'état-civil produits ;

9. Considérant que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour confirmer la décision de refus de visa qui avait été opposée à Rouguiatou, Diariatou, Sira, Kadiatou et IdrissaC..., sur les motifs tirés, d'une part, de ce que des actes de naissances différents de ceux présentés lors de la demande de regroupement familial concernant les enfants ont été présentés à l'appui des demandes de visas, qu'en l'absence de jugements supplétifs, ils n'étaient pas conformes à la loi locale et comportaient des anomalies leur ôtant tout caractère probant et relevant d'une intention frauduleuse, que l'identité et la filiation alléguée des enfants avec la personne présentée comme le père n'était pas établie et que, d'autre part, il n'était pas justifié ni allégué du maintien des liens affectifs ou d'une contribution effective par l'intéressé à l'éducation et l'entretien des enfants ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de visas de long séjour au bénéfice de Rouguiatou, Diariatou, Sira, Kadiatou et IdrissaC..., M. C...a produit pour chacun d'entre eux un volet n°1 d'extrait d'acte de naissance, alors qu'il avait aussi produit auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, à l'occasion de sa demande de regroupement familial, un volet n°1 d'extrait d'acte de naissance relatif à chacun des enfants, alors pourtant que ces documents présentaient des différences de par leur présentation, leur écriture, leurs tampons et leurs signatures ; qu'il n'est pas contesté qu'en application de la loi de la République de Guinée, aucun duplicata de ces documents ne pouvait être délivré, de sorte que ces documents ne peuvent être regardés comme authentiques ; que, de plus, les documents relatifs à RouguiatouC..., comportent des dates de déclaration différentes, ceux relatifs à Diariatou C...diffèrent tant par leur numéro que par les dates de déclaration, ceux relatifs à Sira C...diffèrent par leur numéro et l'un d'eux ne comporte pas de date de déclaration, l'un des deux extraits présentés pour Kadiatou C...ne comporte ni date de déclaration, ni mention de la commune et la signature de l'officier d'état civil est imitée, de même que pour les documents présentés pour IdrissaC... ; qu'ainsi, la forme de ces documents et leur contenu corroborent leur caractère apocryphe ; que les jugements supplétifs de naissance produits à l'appui de la demande en première instance, au demeurant ni transcrits sur les registres d'état civil, ni légalisés, sont dépourvus de caractère probant ; que, selon un courrier de la direction de l'état civil de la République de Guinée du 19 janvier 2016, les jugements supplétifs de naissance produits à l'appui de la requête en appel, malgré leur légalisation et leur transcription sur les registres d'état civil, ont été rendus en méconnaissance de la loi guinéenne, puisque que les naissances ayant été déclarées dans les délais légaux, seuls des jugements rectificatifs d'état civil pouvaient être rendus en application de l'article 242 du code civil guinéen ; qu'ainsi, les documents produits par le requérant ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par la commission quant au caractère apocryphe des actes de naissance produits à l'appui de la demande de visas ; que, par suite, en estimant que le lien de filiation n'était pas établi entre M. E...C...et Rouguiatou, Diariatou, Sira, Kadiatou et IdrissaC..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas commis d'erreur de fait, d'erreur d'appréciation ou d'erreur de droit ;

11. Considérant, en troisième lieu, que l'article 311-14 du code civil prévoit que la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant ou, si la mère n'est pas connue, par la loi personnelle de l'enfant ; que l'article 310-3 de ce code dispose que la filiation se prouve par l'acte de naissance de l'enfant, par l'acte de reconnaissance ou par l'acte de notoriété constatant la possession d'état ; que les articles 311-1 et 311-2 du même code énoncent que la possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir et que la possession d'état doit être continue, paisible, publique et non équivoque ; qu'il en résulte que la preuve de la filiation entre le requérant et les enfants Rouguiatou, Diariatou, Sira, Kadiatou et Idrissa au moyen de la possession d'état n'est apportée que si, d'une part, un mode de preuve de la filiation comparable à la possession d'état est admis par la loi personnelle applicable, soit, en principe, la loi de la mère au jour de la naissance des enfants et, d'autre part, cette possession d'état est continue, paisible, publique et non équivoque ;

12. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier ni même n'est allégué que la loi personnelle des enfants au jour de leur naissance, c'est-à-dire la loi de la République de Guinée, admettait un mode de preuve de la filiation comparable à la possession d'état, telle que définie par l'article 311-1 du code civil ; qu'en tout état de cause, les documents présentés ne permettent pas de regarder la possession d'état de père alléguée comme continue, publique et non équivoque ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer, que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M.E... C... et au ministre d'Etat, de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président,

- M.A...'hirondel, premier conseiller,

- Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 octobre 2017.

Le rapporteur,

K. BOUGRINELe président,

S. DEGOMMIER

Le greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT03698


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT03698
Date de la décision : 20/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : SAIEB

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-10-20;15nt03698 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award