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08/03/2018 | FRANCE | N°16NT00250

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 08 mars 2018, 16NT00250


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 30 octobre 2014 par laquelle la préfète de la Manche a refusé de constater l'existence d'un droit fondé en titre pour la centrale hydroélectrique de Percy et de constater la consistance fondée en titre de cet ouvrage à hauteur de 730 kilowatts (kW) et à minima de 170 kW.

Par un jugement n° 1500069 du 25 novembre 2015, le tribunal administratif de Caen a annulé la décision de la préfète de la Manche du 30 octobre 20

14 et a déclaré M. C...titulaire d'un droit de prise d'eau fondé en titre pour l'al...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 30 octobre 2014 par laquelle la préfète de la Manche a refusé de constater l'existence d'un droit fondé en titre pour la centrale hydroélectrique de Percy et de constater la consistance fondée en titre de cet ouvrage à hauteur de 730 kilowatts (kW) et à minima de 170 kW.

Par un jugement n° 1500069 du 25 novembre 2015, le tribunal administratif de Caen a annulé la décision de la préfète de la Manche du 30 octobre 2014 et a déclaré M. C...titulaire d'un droit de prise d'eau fondé en titre pour l'alimentation par les eaux de la Sienne de sa centrale hydroélectrique de Percy correspondant à une puissance maximale brute hydraulique de 34 kW.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 26 janvier 2016, 1er février 2017, 14 mars 2017 et 30 octobre 2017, M. D...C..., représenté par MeB..., demande à la cour en l'état de ses dernières écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 25 novembre 2015 en tant qu'il a fixé la consistance légale du droit fondé en titre attaché à la centrale hydroélectrique de Percy à 34 kW ;

2°) de fixer la consistance légale du droit fondé en titre de cet ouvrage hydroélectrique à 206 kW.

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les valeurs retenues par les premiers juges pour fixer la consistance légale du droit fondé en titre attachée à la centrale hydroélectrique de Percy n'ont pas été déterminées dans les conditions fixées par la jurisprudence ; que le débit maximal dérivé est en réalité de 4,04 m3/s et la chute de la dérivation de 5,18 mètres, de sorte que la consistance légale doit être fixée à 206 kW.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2017, le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire conclut à ce que la consistance légale du moulin de Sienne soit fixée à 16,50 kW, à la réformation du jugement du tribunal administratif de Caen en tant qu'il retient une consistance légale contraire et au rejet des conclusions présentées par M. C....

Il soutient que la hauteur de l'ouvrage à la date de la constitution du droit fondé en titre était de 3,44 mètres et que le débit maximal dérivé de l'ouvrage à la même date, était, ainsi qu'il ressort d'un rapport d'expertise établi le 1er septembre 2017, de 489 l/s, de sorte que la consistance légale doit être fixée à 16,5 kW

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

­ le code de l'énergie ;

­ le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

­ le rapport de M. A...'hirondel,

­ les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

­ les observations de MeB..., représentant M.C....

Une note en délibéré présentée pour M. C...a été enregistrée le 28 février 2018 et complétée le 2 mars 2018.

1. Considérant que M. C...est propriétaire d'une centrale hydroélectrique sur le territoire de la commune de Percy, qui correspond à l'ancien moulin dit " moulin de Sienne " ; que, par un jugement du 25 novembre 2015, le tribunal administratif de Caen a reconnu le caractère fondé en titre du droit d'eau afférent à cet ouvrage et a fixé à 34 kW sa consistance légale ; que M. C...conteste ce jugement en tant qu'il a fixé cette consistance légale et demande à la cour, en l'état de ses dernières écritures, de la porter à 206 kW ; que le ministre conclut à ce que cette consistance légale soit fixée à 16,5 KW ;

Sur la consistance du droit fondé en titre :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'énergie : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 511-4, nul ne peut disposer de l'énergie des marées, des lacs et des cours d'eau, quel que soit leur classement, sans une concession ou une autorisation de l'État. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Ne sont pas soumises aux dispositions du présent livre: / 1° Les usines ayant une existence légale ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 511-5 du même code : " Sont placées sous le régime de la concession les installations hydrauliques dont la puissance excède 4 500 kilowatts. / Les autres installations sont placées sous le régime de l'autorisation selon les modalités définies à l'article L. 531-1. / La puissance d'une installation hydraulique, ou puissance maximale brute, au sens du présent livre est définie comme le produit de la hauteur de chute par le débit maximum de la dérivation par l'intensité de la pesanteur. " ;

3. Considérant qu'un droit fondé en titre conserve en principe la consistance légale qui était la sienne à l'origine ; qu'à défaut de preuve contraire, cette consistance est présumée conforme à sa consistance actuelle ; que celle-ci correspond, non à la force motrice utile que l'exploitant retire de son installation, compte tenu de l'efficacité plus ou moins grande de l'usine hydroélectrique, mais à la puissance maximale dont il peut en théorie disposer ; que si, en vertu des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'énergie, les ouvrages fondés en titre ne sont pas soumis aux dispositions de son livre V " Dispositions relatives à l'utilisation de l'énergie hydraulique ", leur puissance maximale est calculée en appliquant la même formule que celle qui figure au troisième alinéa de l'article L. 511-5, c'est-à-dire en faisant le produit de la hauteur de chute par le débit maximum de la dérivation par l'intensité de la pesanteur ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'état le plus anciennement connu du " moulin de la Sienne " permettant de fixer sa consistance légale est décrit dans le rapport établi le 26 avril 1928 par l'ingénieur des travaux publics de l'Etat et sur lequel le préfet de la Manche s'est fondé pour réglementer, par son arrêté du 12 septembre 1928, l'usage de cet ouvrage ;

En ce qui concerne la hauteur de chute :

5. Considérant que si dans le rapport du 26 avril 1928, la chute d'eau a été estimée à 3,44 mètres, il est constant qu'elle a été calculée au niveau de l'usine alors que pour le calcul de la puissance maximale, la hauteur de cette chute doit être appréciée au regard des caractéristiques de l'ouvrage au niveau de la cote normale de la prise d'eau et de celle de la restitution ;

6. Considérant, d'une part, qu'il ressort du rapport du 26 avril 1928, notamment des plans qui y sont joints, que le niveau légal de la retenue a été fixé à la cote de 9,10 mètres ; que M. C...ne peut utilement se prévaloir du rehaussement de cette hauteur par des dés en pierre prévus pour des hausses mobiles qui sont installés sur un déversoir, dès lors que la hauteur de l'ouvrage ne s'apprécie pas au niveau de cette installation ; que le rapport fait, par ailleurs, état de ce que la cote d'eau dans le bief d'amenée est limitée par la crête du déversoir de décharge situé près de l'usine fixée à la cote (8.90) et que pour utiliser le niveau de retenue légal (9.10), il convient de procéder à un rehaussement de cette crête en la fixant à la cote de (8,99), ce qui représente une surélévation de neuf centimètres ; que dans ces conditions, la puissance théorique dont disposait l'exploitant était limitée par la hauteur de ce déversoir alors qu'il ne peut être tenu compte des modifications apportées à l'ouvrage auquel est attaché le droit fondé en titre et qui auraient pour effet d'accroître la force motrice théoriquement disponible ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la hauteur au niveau de la cote normale de la prise d'eau doit être fixée à 8,90 mètres ; que, pour le même motif, M. C...ne peut se prévaloir de ce que le rapport mentionne que la hauteur de la chute d'eau pourrait être portée sans difficulté à 4,20 mètres dès lors que l'approfondissement du canal de fuite porterait atteinte aux caractéristiques originelles du moulin, entraînant, par voie de conséquence, une modification dans la consistance légale qui lui était attachée à l'origine ;

7. Considérant, d'autre part, qu'il n'est pas contesté que, selon les mêmes plans, la cote au niveau de la restitution à la rivière de la Sienne est à 4,21 mètres ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la hauteur de chute d'eau doit être fixée à 4,69 mètres (8,90 - 4,21), laquelle correspond au demeurant à la hauteur de chute maximum mentionnée dans un des plans contenus dans le rapport de 1928 qui la fixe, au niveau de la restitution dans la rivière de Sienne, à 4,78 mètres si l'on retranche les neuf centimètres nécessaires pour le rehaussement du déversoir ;

En ce qui concerne le débit maximal dérivé :

9. Considérant que ce débit doit être apprécié au niveau du vannage d'entrée ; qu'il s'agit, en conséquence, du débit au sein de la dérivation, ou du canal d'amenée, immédiatement avant l'entrée dans le vannage d'entrée qui alimente l'usine ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le propriétaire du droit fondé en titre a demandé, par courrier du 25 avril 1928, à pouvoir bénéficier du " débit maximum " qu'il a indiqué être de mille litres à la seconde (1 m3/s) ; que l'administration n'a pas, à l'époque, contesté cette estimation qui a été reprise dans l'arrêté du préfet de la Manche du 12 septembre 1928 et dont il ne ressort pas du rapport du 26 avril 1928 qu'elle ne correspondrait effectivement pas au débit maximal attaché au moulin ; qu'il résulte, par ailleurs, de ce qui a été dit au point précédent, que le débit maximal de la dérivation doit s'évaluer en fonction des caractéristiques physiques du canal d'amenée et non pas en fonction des caractéristiques des vannes motrices, de sorte que M. C...et le ministre ne sauraient utilement s'en remettre aux études qu'ils ont eux-mêmes commandées, lesquelles se fondent sur les caractéristiques des vannes utilisées en 1928 et, pour les données non connues, sur des extrapolations, pour remettre en cause le débit maximal tel que mentionné dans l'arrêté préfectoral et le rapport précités ;

11. Considérant, par ailleurs, et ainsi qu'il a été dit, que le droit fondé en titre étant déterminé par la puissance maximale dont l'usinier peut théoriquement disposer calculée selon la formule définie au point 3 et non par la force motrice utile, M. C... ne peut, dans ces conditions, soutenir que le débit maximal dérivé aurait été minoré en 1928 au motif que le moulin ne disposait plus que de trois de ses quatre roues hydroélectriques ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le débit maximal dérivé doit être fixé à 1 m3/s ;

En ce qui concerne le droit fondé en titre attaché au " moulin de Sienne " ;

13. Considérant que le droit fondé en titre attaché au " moulin de Sienne ", devenu la centrale hydroélectrique de Percy, étant le résultat du produit de la hauteur de la chute par le débit maximum de la dérivation par l'intensité de la pesanteur, soit en l'espèce 4,69 m x 1 m3 par seconde x 9,81, doit par suite être fixé à 46 kW ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a limité la consistance légale du " moulin de Sienne ", devenu la centrale hydroélectrique de Percy, à 34 kW ;

Sur les frais liés au litige :

15. Considérant que, pour l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions susmentionnées de M. C...;

DÉCIDE :

Article 1er : Le " moulin de Sienne ", devenu la centrale hydroélectrique de Percy, bénéficie d'un droit fondé en titre pour l'usage des eaux de la Sienne fixé à hauteur de la puissance maximale de 46 kW.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 25 novembre 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions de M. C...tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C...et au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.

Délibéré après l'audience du 13 février 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Degommier, président-assesseur,

- M.A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 mars 2018.

Le rapporteur,

M. E...Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°16NT00250


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT00250
Date de la décision : 08/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : CABINET JEAN-FRANCOIS REMY

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-03-08;16nt00250 ?
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