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13/04/2018 | FRANCE | N°17NT00853

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 13 avril 2018, 17NT00853


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...E...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2016 par lequel le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 1603658 du 7 février 2016, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requêt

e et un mémoire, enregistrés le 9 mars 2017 et le 19 mars 2018, MmeE..., représentée par MeC..., deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...E...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2016 par lequel le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 1603658 du 7 février 2016, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 mars 2017 et le 19 mars 2018, MmeE..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 7 février 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2016 ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet du Loiret de lui délivrer un titre de séjour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

Elle soutient que :

­ l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

­ la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions du 2° bis de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile puisqu'elle remplit toutes les conditions pour obtenir un titre de séjour sur ce fondement, qu'elle n'a plus de famille dans son pays d'origine, que son handicap et son niveau scolaire ne lui permettent pas de trouver un emploi et que l'académie ne lui a pas trouvé d'affectation scolaire ;

­ cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu des liens amicaux, sociaux et scolaires qu'elle a tissés depuis son arrivée en France ;

­ la décision fixant son pays d'origine comme pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle sera rejetée de la communauté de son pays du fait de son handicap, qu'elle ne pourra y vivre décemment et qu'elle doit suivre des soins en France l'obligeant à être régulièrement hospitalisée.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 mai 2017, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.

Le préfet s'en remet à ses écritures produites en première instance.

Mme E...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mars 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

­ la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

­ le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

­ le code civil ;

­ le code des relations entre le public et l'administration ;

­ la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

­ le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que Mme E...relève appel du jugement du 7 février 2017 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Loiret du 10 octobre 2016 refusant de lui délivrer un titre de séjour et assortissant sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel elle sera renvoyée à défaut d'exécution volontaire dans le délai de trente jours ;

Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) " ; que selon l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. "

3. Considérant que la décision refusant de délivrer un titre de séjour à Mme E...vise les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquels le préfet s'est fondé ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle indique la date et les conditions de l'entrée en France de Mme E...ainsi que différents éléments de sa situation personnelle et familiale, notamment le fait qu'elle est entrée en France alors qu'elle était mineure, qu'elle a été confiée durant sa minorité au service de l'aide sociale à l'enfance et qu'elle a été ensuite reconnue travailleur handicapé ; que la décision mentionne qu'elle ne justifie pas suivre de formation ou avoir effectué des démarches en vue de s'orienter sur le marché du travail, que l'intéressée n'établit pas que sa mère serait décédée et que son père l'aurait abandonnée, ni qu'elle serait dépourvue de toute attache dans son pays d'origine ; qu'elle précise également que Mme E...est célibataire et sans enfant, qu'elle est arrivée récemment en France et qu'elle n'établit pas y avoir développé une vie privée et familiale, ni être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'ainsi, la décision, qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant sa situation, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, dès lors, la décision est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée ; (...) " ;

5. Considérant que, lorsqu'il examine une demande de titre de séjour de plein droit portant la mention " vie privée et familiale ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entre dans les prévisions de l'article L. 311-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance ; que, si ces conditions sont remplies, il ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française ; que le juge de l'excès de pouvoir exerce sur cette appréciation un entier contrôle ;

6. Considérant qu'il ressort des pièce du dossier que Mme B...E..., née le 25 décembre 1997 à Kinshasa (République démocratique du Congo) et de nationalité congolaise, est entrée en France le 2 janvier 2013 à l'âge de quinze ans et un mois ; que, par une ordonnance du tribunal de grande instance du 8 janvier 2014, elle a été confiée au service de l'aide sociale à l'enfance ; qu'elle a sollicité à sa majorité, le 23 mars 2016, un titre de séjour ; que, toutefois, il n'est pas sérieusement contesté qu'elle ne justifie pas suivre une formation ; que selon l'avis du référent spécialisé mineurs isolés étrangers et la note sociale établie le 9 novembre 2016 par l'assistante sociale du service d'hébergement d'urgence, il apparaît que, lors de sa prise en charge, Mme E... a été placée au foyer des jeunes travailleurs (FJT) " Le Colombier " afin d'assurer sa sécurité, eu égard à une suspicion de faits de prostitution,; qu'intégrée en février 2013 puis en septembre 2014 en classe d'accueil du collège Jeanne d'Arc d'Orléans, elle y a connu d'importants problèmes de compréhension et a eu de nombreuses absences et des " difficultés de concentration " ; qu'elle n'a pu trouver à compter de septembre 2014, aucune affectation scolaire en raison d'un dossier scolaire " fragile " et du nombre limité de places disponibles ; que si par une décision du 25 avril 2016, la maison départementale des personnes handicapées du Loiret a reconnu à Mme E...la qualité de travailleur handicapé, il résulte de cette même décision que l'intéressée était invitée à entrer en relation avec " Pôle emploi " pour bénéficier d'un accompagnement par la Mission Locale dans le cadre d'une orientation vers le marché du travail ; que la requérante n'établit pas avoir effectué à la date de la décision contestée de telles démarches ; qu'ainsi, elle ne justifie ni du suivi d'une formation, ni d'une insertion réussie dans la société française ; que si la requérante allègue que sa mère est décédée et que son père l'a abandonnée, elle n'apporte au soutien de son allégation aucun élément de nature à en établir le bien-fondé, le seul certificat de décès établi par une mission évangélique ne présentant pas de caractère probant ; qu'il n'est pas établi qu'elle serait dépourvue de toute attache familiale en République démocratique du Congo, pays qu'elle a quitté récemment en 2013 ; que dans ces conditions, le préfet a fait une exacte application des dispositions précitées du 2 bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant à Mme E...la délivrance d'un titre de séjour ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

8. Considérant que Mme E...est célibataire et sans enfant et n'établit pas ne plus avoir d'attaches familiales dans son pays d'origine ; qu'elle est arrivée récemment en France et ne justifie, ainsi qu'il a été dit au point 7, d'aucune insertion réussie en France,; que, dans ces conditions, la décision refusant un titre de séjour à Mme E...ne peut être regardée comme portant une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale ; qu'elle ne méconnaît ainsi pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

10. Considérant que si MmeE... fait valoir qu'en raison de son handicap, elle sera rejetée par la communauté congolaise, elle n'apporte au soutien de son allégation, alors qu'elle a quitté récemment ce pays dans lequel elle a toujours vécu jusqu'à son arrivée en France, aucun élément de nature à démonter l'existence de risques actuels, sérieux et personnels auxquels elle serait exposée en cas de retour dans son pays d'origine, ni qu'elle ne serait pas en mesure, le cas échéant, d'obtenir la protection des autorités congolaises ; que, pour l'application de ces stipulations, la requérante ne peut utilement faire valoir qu'elle sera dans l'impossibilité d'y trouver un emploi, ni d'y vivre décemment ; qu'il ne ressort pas, enfin, des certificats médicaux présentés par l'intéressée, qui concernent au demeurant des faits postérieurs à la décision contestée, que son état de santé nécessiterait une prise en charge médicale qui ne pourrait être assurée dans son pays d'origine et dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, par suite, en désignant la République démocratique du Congo comme pays de renvoi, le préfet du Loiret n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par MmeE..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet du Loiret de lui délivrer une titre de séjour doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...E...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Une copie sera transmise au préfet du Loiret.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président,

- M. A...'hirondel, premier conseiller,

- Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 avril 2018.

Le rapporteur,

M. D...Le président,

S. DEGOMMIER

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°17NT00853


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT00853
Date de la décision : 13/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : CABINET MARIGARD MIGNON

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-04-13;17nt00853 ?
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