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09/11/2018 | FRANCE | N°17NT02743

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 09 novembre 2018, 17NT02743


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...B...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du préfet du Morbihan des 6 juillet 2015 et 17 mai 2016 autorisant un système de vidéoprotection sur le territoire de la commune de Ploërmel.

Par un jugement n° 1504719 et 1604356 du 6 juillet 2017, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du préfet du Morbihan du 17 mai 2016 et rejeté le surplus de la demande de M.B....

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregi

strés le 6 septembre 2017, le 13 avril 2018 et le 9 octobre 2018, la commune de Ploërmel, représ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...B...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du préfet du Morbihan des 6 juillet 2015 et 17 mai 2016 autorisant un système de vidéoprotection sur le territoire de la commune de Ploërmel.

Par un jugement n° 1504719 et 1604356 du 6 juillet 2017, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du préfet du Morbihan du 17 mai 2016 et rejeté le surplus de la demande de M.B....

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 6 septembre 2017, le 13 avril 2018 et le 9 octobre 2018, la commune de Ploërmel, représentée par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 6 juillet 2017 en tant qu'il annule l'arrêté du préfet du Morbihan du 17 mai 2016 ;

2°) de rejeter la demande d'annulation de cet arrêté présentée devant le tribunal administratif de Rennes ;

3°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier car il n'est pas suffisamment motivé et il statue ultra petita ;

- le dispositif autorisé par l'arrêté du 17 mai 2016 était justifié au regard des dispositions de l'article L. 251-2 du code de la sécurité intérieure et proportionné aux objectifs poursuivis, de sorte que c'est à tort que le tribunal a retenu qu'il était entaché d'erreur d'appréciation ;

- les autres moyens soulevés en première instance par M. B...ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 mars et 27 septembre 2018, M. B...conclut au rejet de la requête de la commune de Ploërmel et demande que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Ploërmel au profit de Me A...en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 .

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 18 mai 2018, le ministre de l'intérieur conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 6 juillet 2017 en tant qu'il annule l'arrêté du préfet du Morbihan du 17 mai 2016.

Il soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé ;

- la demande de redéploiement et d'extension du dispositif de vidéoprotection de la commune de Ploërmel est conforme aux exigences légales et réglementaires.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lainé, président de chambre,

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant la commune de Ploermel.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 23 juin 2010, le préfet du Morbihan a autorisé, pour une durée de cinq ans, la commune de Ploërmel à mettre en oeuvre sur son territoire un système de vidéoprotection comprenant 21 caméras installées sur 7 sites. Par un arrêté du 6 juillet 2015, le préfet du Morbihan a renouvelé cette autorisation pour une durée de cinq ans et, par un nouvel arrêté du 17 mai 2016, le préfet a autorisé, pour une nouvelle durée de cinq ans, une extension du dispositif de vidéoprotection installé sur le territoire de la commune de Ploërmel, portant le nombre total de caméras à 40 et le nombre de sites concernés à 25. Par un jugement du 6 juillet 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande d'annulation formée par M. B...à l'encontre de l'arrêté du 6 juillet 2015 mais a annulé l'arrêté du 17 mai 2016. La commune de Ploërmel relève appel de ce jugement en tant qu'il annule l'arrêté du préfet du Morbihan du 17 mai 2016.

Sur la régularité du jugement :

2. D'une part, le jugement attaqué détaille les finalités du système de vidéoprotection, les sites concernés, les motifs qui ont conduit le conseil municipal à souhaiter étendre le dispositif et les raisons pour lesquelles cette extension n'est, eu égard à la taille de la commune et à son exposition aux risques d'agressions et de vol, pas justifiée. Il est ainsi suffisamment motivé et ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative.

3. D'autre part, en retenant une erreur d'appréciation, alors que le requérant soutenait que l'arrêté contesté était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, le tribunal administratif n'a fait qu'exercer le pouvoir de contrôle de la qualification juridique des faits qu'il détient pour les décisions du type de celles qui était contestée. Le tribunal n'a ainsi pas soulevé d'office un moyen qui n'aurait pas été d'ordre public, ni statué ultra petita, mais s'est borné à exercer l'office du juge.

Sur le bien fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article L. 251-2 du code de la sécurité intérieure : " La transmission et l'enregistrement d'images prises sur la voie publique par le moyen de la vidéoprotection peuvent être mis en oeuvre par les autorités publiques compétentes aux fins d'assurer : / 1° La protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords ;(...) / 3° La régulation des flux de transport ; / 4° La constatation des infractions aux règles de la circulation ; / 5° La prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés à des risques d'agression, de vol ou de trafic de stupéfiants (...) ; / 6° La prévention d'actes de terrorisme, dans les conditions prévues au chapitre III du titre II du présent livre ; / 7° La prévention des risques naturels ou technologiques ; / 8° Le secours aux personnes et la défense contre l'incendie ; (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 252-1 du même code : " L'installation d'un système de vidéoprotection dans le cadre du présent titre est subordonnée à une autorisation du représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, du préfet de police donnée, sauf en matière de défense nationale, après avis de la commission départementale de vidéoprotection.(...) ".

5. D'une part, l'arrêté par lequel le préfet autorise l'installation d'un système de vidéoprotection en application des dispositions précitées du code de la sécurité intérieure constitue une mesure de police administrative. Ces autorisations peuvent être délivrées, notamment, pour des opérations de vidéosurveillance dans des lieux et établissements ouverts au public particulièrement exposés à des dangers d'agression, de vol ou de dégradation afin d'y assurer la sécurité des personnes et des biens. Toutefois, la mise en oeuvre de tels systèmes de surveillance doit être assortie de garanties de nature à sauvegarder l'exercice des libertés individuelles. Dès lors leur autorisation suppose qu'une telle mesure soit nécessaire et proportionnée à la préservation de l'ordre public.

6. D'autre part, l'arrêté préfectoral du 17 mai 2016, qui autorise le maire de la commune de Ploërmel à installer un système de vidéoprotection comprenant 40 caméras extérieures réparties dans 25 lieux, se fixe les finalités suivantes " - prévention des atteintes aux biens - sécurité des personnes, - secours à personnes, - protection des bâtiments publics, - régulation du trafic routier, prévention d'actes terroristes, - prévention du trafic de stupéfiants. ". Or, il ressort des pièces du dossier que si les caméras implantées dans certains sites particuliers, tels la gare ou le bâtiment " Les Carmes ", aux abords de la " chapelle bleue " et de l'entrée de la médiathèque, peuvent être regardées comme obéissant aux finalités de protection des bâtiments publics et de leurs abords ou de régulation des flux de circulation, d'autres caméras, notamment installées aux abords des écoles ou à proximité des commerces, bars ou autres établissements recevant du public, sans qu'il soit établi, par les statistiques relatives à la délinquance dans la commune, que ces lieux seraient particulièrement exposés à des risques d'agression, de vol ou de trafic de stupéfiants, n'apparaissent pas justifiées par les finalités auxquelles elles doivent correspondre en vertu des dispositions précitées. Si la commune de Ploërmel fait valoir qu'il est nécessaire d'augmenter le nombre de caméras et le nombre de sites concernés afin de mieux permettre l'identification d'auteurs de dégradations, vols ou autres infractions, ces finalités de police judiciaire n'entrent pas dans le champ d'application de l'article L. 251-2 du code de la sécurité intérieure. Par suite, même si l'arrêté prévoit que le public sera informé par une signalétique claire et appropriée de la présence d'une caméra et que les enregistrements seront détruits dans un délai maximal de trente jours, hormis enquête de flagrant délit, enquête préliminaire ou ouverture d'une information judiciaire, le dispositif autorisé, qui s'étend sans justification légale à presque tous les principaux lieux de vie de la commune, apparaît disproportionné au regard des nécessités de l'ordre public.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Ploërmel n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du préfet du Morbihan du 17 mai 2016.

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.B..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la commune de Ploërmel demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

9. M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Ploërmel le versement de la somme de 1 500 euros à Me A...dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Ploërmel est rejetée.

Article 2 : Le versement de la somme de 1 500 euros à Me A...est mis à la charge de la commune de Ploërmel dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Ploërmel, à M. E...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 16 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente-assesseure,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 novembre 2018.

Le président de chambre, rapporteur,

L. LAINÉ

L'assesseur le plus ancien dans le grade le plus élevé,

N. TIGER-WINTERHALTER

Le greffier,

M. D...

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT02743


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT02743
Date de la décision : 09/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Laurent LAINE
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : FLYNN

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-11-09;17nt02743 ?
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