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22/03/2019 | FRANCE | N°17NT01936

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 22 mars 2019, 17NT01936


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune des Ventes-de-Bourse a demandé au tribunal administratif de Caen :

1°) d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2014 par lequel le préfet de l'Orne a imposé à la Société normande de nettoiement des prescriptions complémentaires pour l'exploitation d'un centre de stockage de déchets non dangereux sur le territoire de la commune des Ventes-de-Bourse ;

2°) d'enjoindre au préfet de mettre en demeure cette société de se mettre en conformité avec l'arrêté préfectoral du 12 octobre 201

0 et de déposer une nouvelle demande d'autorisation d'exploiter une installation classée pour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune des Ventes-de-Bourse a demandé au tribunal administratif de Caen :

1°) d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2014 par lequel le préfet de l'Orne a imposé à la Société normande de nettoiement des prescriptions complémentaires pour l'exploitation d'un centre de stockage de déchets non dangereux sur le territoire de la commune des Ventes-de-Bourse ;

2°) d'enjoindre au préfet de mettre en demeure cette société de se mettre en conformité avec l'arrêté préfectoral du 12 octobre 2010 et de déposer une nouvelle demande d'autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement ou subsidiairement, d'ordonner une expertise en vue de déterminer les impacts de l'exploitation de la Société normande de nettoiement sur l'environnement et la santé.

Par un jugement n° 1502243 du 10 mai 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 26 juin 2017 et le 5 février 2019, la commune des Ventes-de-Bourse, représentée par la SELARL Laurence C...- Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 10 mai 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Orne du 18 novembre 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet de mettre en demeure la Société normande de nettoiement de se mettre en conformité avec l'arrêté préfectoral du 12 octobre 2010 et de déposer une nouvelle demande d'autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement ou, subsidiairement, d'ordonner une expertise sur le fondement de l'article R. 621-1 du code de justice administrative en vue de déterminer les impacts de l'exploitation de la Société normande de nettoiement sur l'environnement et la santé ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

­ le jugement attaqué est irrégulier pour être insuffisamment motivé en tant qu'il répond au moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté en litige en méconnaissance des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative ;

­ l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente faute pour l'administration d'établir que l'arrêté de délégation de signature a été régulièrement publié ;

­ l'arrêté querellée est insuffisamment motivé ;

­ Le préfet ne pouvait, sur le fondement des dispositions de l'article L. 181-14 du code de l'environnement, édicter, par l'arrêté contesté, des prescriptions additionnelles mais il devait imposer à la Société normande de nettoiement de déposer, en application des dispositions de l'article R. 181-46 du même code, une nouvelle demande d'autorisation compte tenu des modifications substantielles apportées à l'installation ;

­ en édictant des prescriptions complémentaires selon la procédure de l'article R. 512-31 du même code dans le but de régulariser le fonctionnement de l'installation alors qu'il aurait dû mettre la Société normande de nettoiement en demeure de respecter les prescriptions de l'arrêté initial du 12 octobre 2010, le préfet a commis une erreur de droit et un détournement de procédure.

Par un mémoire enregistré le 14 janvier 2019, la Société normande de nettoiement (SNN), représentée par la SCP Boivin et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune des Ventes-de-Bourse la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire enregistré le 13 février 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

­ le code de l'environnement,

­ la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;

­ le décret n° 2013-375 du 2 mai 2013 ;

­ le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

­ le rapport de M. A...'hirondel,

­ les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

­ et les observations de Me F...E..., substituant MeC..., pour la commune de Ventes-de-Bourse, et de MeD..., substituant MeB..., pour la Société normande de nettoiement.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 12 octobre 2010, le préfet de l'Orne a autorisé la Société normande de nettoiement (SNN) à exploiter un centre de stockage de déchets non dangereux situé au lieu-dit " Le Logis des Ventes " sur le territoire de la commune des Ventes-de-Bourse. Le 23 octobre 2013, la Société normande de nettoiement a demandé au préfet d'apporter des modifications aux conditions d'exploitation de cette installation. Suite à cette demande, le préfet, par un arrêté du 18 novembre 2014, a imposé à l'exploitant des prescriptions complémentaires. La commune des Ventes-de-Bourse relève appel du jugement du tribunal administratif de Caen du 10 mai 2017 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Selon l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Pour écarter le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée, les premiers juges ont, tout d'abord, cité le texte dont ils ont fait application. Ils ont ensuite énoncé les différentes mentions contenues dans l'arrêté contesté et sur lesquelles le préfet s'est fondé pour imposer à la Société normande de nettoiement des prescriptions complémentaires. Par ailleurs, la motivation, et par suite la régularité du jugement, ne dépend pas du bien-fondé de ses motifs. Ainsi, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de rechercher si les conditions prévues à l'article R. 512-31 du code de justice administrative étaient réunies pour justifier la décision contestée, ont suffisamment motivé leur jugement. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement pour insuffisance de motivation doit dès lors être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la compétence de l'auteur de l'acte :

4. La délégation de signature consentie par le préfet de l'Orne à M. Patrick Venant, secrétaire général de la préfecture et auteur de l'arrêté contesté, par arrêté du 19 septembre 2014, ne comportait pas, au titre des exceptions qui y sont mentionnées, les décisions prises au titre de la police spéciale des installations classées. Il résulte de l'instruction que cet arrêté a été régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture " Spécial n°52 - septembre 2014 ", lequel a été diffusé, ainsi que le précise la couverture de ce recueil, sur le site internet de la préfecture à l'adresse http://www.basse-normandie.territorial.gouv.fr/actes3/web. Si la commune des Ventes-de-Bourse soutient que l'arrêté n'aurait fait l'objet d'aucune publication au motif que le recueil n'est désormais plus disponible sur le site internet de la préfecture, cette circonstance n'est pas de nature à établir, à elle seule, qu'il n'aurait pas fait l'objet à la date de son édiction de la diffusion à l'adresse Internet mentionnée dans le recueil. Cette circonstance n'est pas, par suite, de nature à remettre en cause les mentions factuelles précises du recueil. Dans ces conditions, faute d'assortir ses allégations d'élément circonstancié quant à l'absence totale de toute diffusion du recueil des actes administratifs antérieurement à la décision contestée, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la motivation de l'arrêté contesté :

5. Aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public alors en vigueur : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) - subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; (...) ". Aux termes de l'article 3 de cette même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

6. L'arrêté contesté du 18 novembre 2014, pris au titre de la police spéciale des installations classées, qui énonce les éléments de fait et de droit sur lesquels il se fonde, est suffisamment motivé au regard des exigences résultant des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979. La commune des Ventes-de-Bourse ne saurait, par ailleurs, utilement alléguer que les motifs retenus par le préfet comprendraient des incohérences dès lors que la motivation d'une décision ne dépend pas du bien-fondé de ses motifs. De même, à supposer que les manquements de la Société normande de nettoiement imposaient qu'une mise en demeure de respecter les prescriptions initiales de l'autorisation d'exploiter du 12 octobre 2010 soit adressée à l'exploitant en lieu et place de l'arrêté complémentaire contesté, cette circonstance concerne également le bien-fondé de l'arrêté et ne peut, par suite, être utilement invoquée pour en critiquer l'insuffisante motivation.

En ce qui concerne l'obligation de solliciter une nouvelle demande d'autorisation :

7. D'une part, aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement : " I. - Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : / 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année ; / 2° La protection des eaux et la lutte contre toute pollution par déversements, écoulements, rejets, dépôts directs ou indirects de matières de toute nature et plus généralement par tout fait susceptible de provoquer ou d'accroître la dégradation des eaux en modifiant leurs caractéristiques physiques, chimiques, biologiques ou bactériologiques, qu'il s'agisse des eaux superficielles, souterraines ou des eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales ; / 3° La restauration de la qualité de ces eaux et leur régénération ; / 4° Le développement, la mobilisation, la création et la protection de la ressource en eau ; / 5° La valorisation de l'eau comme ressource économique et, en particulier, pour le développement de la production d'électricité d'origine renouvelable ainsi que la répartition de cette ressource ; / 6° La promotion d'une utilisation efficace, économe et durable de la ressource en eau ; / 7° Le rétablissement de la continuité écologique au sein des bassins hydrographiques. / Un décret en Conseil d'Etat précise les critères retenus pour l'application du 1°. / II. - La gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population. Elle doit également permettre de satisfaire ou concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences : / 1° De la vie biologique du milieu récepteur, et spécialement de la faune piscicole et conchylicole ; / 2° De la conservation et du libre écoulement des eaux et de la protection contre les inondations ; / 3° De l'agriculture, des pêches et des cultures marines, de la pêche en eau douce, de l'industrie, de la production d'énergie, en particulier pour assurer la sécurité du système électrique, des transports, du tourisme, de la protection des sites, des loisirs et des sports nautiques ainsi que de toutes autres activités humaines légalement exercées. ". Selon l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) ".

8. D'autre part, aux termes de l'article L. 512-15 du code de l'environnement : " L'exploitant (...) doit renouveler sa demande d'autorisation (...) soit en cas de transfert, soit en cas d'extension ou de transformation de ses installations, ou de changement dans ses procédés de fabrication, entraînant des dangers ou inconvénients mentionnés à l'article L. 511-1. ". Aux termes du II de l'article R. 512-33 du même code : " II. - Toute modification apportée par l'exploitant à l'installation, à son mode d'utilisation ou à son voisinage entraînant un changement notable des éléments du dossier de demande d'autorisation doit être portée, avant sa réalisation, à la connaissance du préfet avec tous les éléments d'appréciation. / S'il estime, après avis de l'inspection des installations classées, que la modification est substantielle, le préfet invite l'exploitant à déposer une nouvelle demande d'autorisation. / Une modification est considérée comme substantielle, outre les cas où sont atteints des seuils quantitatifs et des critères fixés par arrêté du ministre chargé des installations classées, dès lors qu'elle est de nature à entraîner des dangers ou inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1. / S'il estime que la modification n'est pas substantielle, le préfet : (...) / 2° Fixe, s'il y a lieu, des prescriptions complémentaires dans les formes prévues à l'article R. 512-31.". Aux termes de l'article R. 512-31 dudit code : " Des arrêtés complémentaires peuvent être pris sur proposition de l'inspection des installations classées et après avis du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques. Ils peuvent fixer toutes les prescriptions additionnelles que la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 rend nécessaires (...) ".

9. Il résulte de ces dernières dispositions qu'il appartient au titulaire d'une autorisation d'informer le préfet en cas de modification de nature à entraîner un changement notable des éléments du dossier de demande d'autorisation, que la modification concerne l'installation elle-même, son mode d'utilisation ou ses effets sur le voisinage. Le préfet n'est tenu d'inviter le titulaire à déposer une nouvelle demande d'autorisation que si la modification dont il est informé a pour effet d'atteindre les seuils quantitatifs et les critères fixés par arrêté du ministre chargé des installations classées ou si elle accroît de manière significative les dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement. Si ni l'une ou l'autre de ces conditions n'est remplie, il appartient seulement au préfet de prendre les mesures complémentaires prévues par l'article R. 512-31 du code de l'environnement.

10. En l'espèce, la Société normande de nettoiement a informé le préfet de l'Orne, par courrier du 23 octobre 2013, complété le 25 avril 2014, d'une modification de la gestion et du traitement des lixiviats ainsi que des émissions atmosphériques liées à ce traitement conformément à l'article 1.7.2. de l'arrêté préfectoral du 12 octobre 2010 relatif à la mise à jour des études des dangers et d'impact et selon lequel " les évolutions en termes de traitement ou de valorisation des lixiviats et du biogaz produits par les installations de stockage de déchets doivent faire l'objet d'une information au préfet, qui fera usage des dispositions de l'article R.512-33 du code de l'environnement. ". L'arrêté préfectoral du 18 novembre 2014 en litige constitue ainsi un arrêté complémentaire pris sur le fondement de l'article R. 512-31 précité du code de l'environnement en réponse à cette demande. La commune des Ventes-de-Bourse soutient que le préfet ne pouvait prendre un tel arrêté dès lors que des modifications substantielles ont été apportées à l'activité de l'installation.

11. Selon l'arrêté initial du préfet de l'Orne du 12 octobre 2010, la Société normande de nettoiement a été autorisée à exploiter une installation de stockage de déchets non dangereux pour un volume maximal de 120 000 tonnes par an ainsi qu'une unité de traitement mécano-biologique (TMB) d'une capacité maximale de 35 000 tonnes par an destinée à la production de compost et de métaux ferreux, les refus (18 000 t/an) étant destinés à l'installation de stockage. Elle a également été autorisée à procéder au traitement des lixiviats produits par les installations de stockage des déchets sur une zone comprenant un bassin de pré-traitement biologique de 1 000 m3 minimum, un bassin de secours, également de 1 000 m3, une plate-forme pouvant accueillir une unité mobile de traitement des lixiviats, un bassin d'écrêtage de 2 000 m3 et une zone de taillis à très courte rotation (TTCR) servant d'exutoire interne pour les eaux issues de l'installation de traitement.

12. Il résulte de l'instruction, notamment du " dossier de porter à connaissance " adressé au préfet par l'exploitant, que la modification sollicitée consiste en un changement du traitement des lixiviats par la mise en place d'une unité d'évapo-concentration, exclusivement alimentée par les biogaz de l'installation de stockage de déchets. Selon ce document, " l'unité mobile de traitement des lixiviats ESV est un procédé de traitement par évaporation sous vide à compression mécanique. Il n'y a donc aucun rejet gazeux lors de cette phase de traitement. Les lixiviats sont d'abord évaporés puis condensés. Cette partie recondensée est ensuite traitée sur un étage d'osmose inverse de finition ". Le rapport de l'inspecteur des installations classées du 1er octobre 2014 mentionne que " Les nouvelles modalités de traitement des lixiviats sur site, telles que présentées par l'exploitant, permettent de prévenir d'éventuelles nuisances, notamment en limitant le transport vers une autre installation externe au site des Ventes de Bourse. De plus, le traitement consiste à réduire le volume des lixiviats, par évapo-concentration (augmentation de la siccité), limitant de fait la quantité de déchets produits. Toutefois, ces modalités de traitement nécessitent d'être encadrées par des prescriptions complémentaires, pour prévenir les intérêts visés à l'article L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement. C'est l'objet du projet d'arrêté. ". Enfin, ainsi que le faisait valoir en première instance le préfet de l'Orne, sans être utilement contesté, le nouveau traitement assurera non seulement la collecte de biogaz, mais également sa valorisation en atténuant les effets du réchauffement climatique par captation à la source des gaz à effet de serre (GES). En outre, la cogénération permettra de réduire le volume de lixiviats, par extraction de la fraction liquide constituée à plus de 90 % d'eau. Par suite, la seule circonstance que les lixiviats soient désormais recueillis dans trois bassins dont le volume est désormais strictement limité à 1700, 1600 et 1600 m3, au lieu de deux initialement prévus, dont le volume maximal était laissé à la discrétion de l'exploitant, n'a pas porté une modification substantielle aux conditions de l'exploitation de l'installation. De même, le nouveau procédé de traitement des lixiviats mis en place, alors même que l'exploitant a précisé dans le " dossier de porter à connaissance " les mesures qu'il entendait mettre en oeuvre pour maîtriser le risque des rejets atmosphériques, n'est pas de nature à accroître de manière significative les dangers ou inconvénients présentés par l'installation pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement.

13. Par ailleurs, si le préfet a décidé, de sa propre initiative, de procéder à une mise à jour de la nomenclature visée dans l'arrêté initial pour tenir compte de la parution du décret du 2 mai 2013, publié au journal officiel du 4 mai suivant, modifiant la colonne A de l'annexe à l'article R. 511-9 du code de l'environnement, cette mise à jour n'a pas eu, en tout état de cause, pour effet de modifier les autorisations déjà accordées à l'exploitant. Ainsi, deux nouvelles rubriques 3540 et 3532 ont été ajoutées, la première intitulée " Installation de stockage de déchets autre que celles mentionnées à la rubrique 2720 et celles relevant des dispositions de l'article L. 541-30-1 du code de l'environnement, recevant plus de 10 tonnes de déchets par jour ou d'une capacité totale supérieure à 25 000 tonnes " et la seconde " Valorisation ou mélange de valorisation et d'élimination de déchets non dangereux non inertes avec une capacité supérieure à 75 tonnes par jour et entraînant une ou plusieurs des activités suivantes, à l'exclusion des activités relevant de la directive 91/271/ CEE : - traitement biologique ; - prétraitement des déchets destinés à l'incinération ou à la coïncinération, - traitement du laitier et des cendres ; - traitement en broyeur de déchets métalliques, notamment déchets d'équipements électriques et électroniques et véhicules hors d'usage ainsi que leurs composants ". Ces deux activités étaient toutefois déjà autorisées, pour des volumes similaires, aux rubriques 2760 et 2782, lesquelles ont été, au demeurant reprises, dans l'arrêté contesté. En outre, la mise en place de l'unité d'évapo-concentration autorisée par l'arrêté contesté en son article 5.2 concerne une installation qui s'insère dans le traitement des lixiviats et ne relève pas, par suite, de ces deux nouvelles rubriques alors que, de plus, ainsi qu'il a été dit au point précédent, elle n'est pas de nature à accroître de manière significative les dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement. Il suit de là que la modification sollicitée par l'exploitant n'a pas pour effet, contrairement à ce que soutient la commune, de modifier la rubrique de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement applicable à l'installation dont il s'agit afin de l'autoriser à exercer de nouvelles activités.

14. Enfin, si la commune requérante fait grief à l'exploitant de ne pas avoir mis en place l'installation de traitement mécano-biologique (TMB) qu'il avait pourtant présentée comme la meilleure technique disponible pour l'acceptation de sa demande d'autorisation initiale, ce procédé est sans lien avec le traitement des lixiviats et, par suite, avec la demande formée auprès du préfet.

15. Il résulte de ce qui précède que le projet de la Société normande de nettoiement n'est pas au nombre des cas visés à l'article L. 512-15 précité du code de l'environnement obligeant cette dernière à déposer une nouvelle demande d'autorisation. Il n'entraîne, par ailleurs, aucun danger ou inconvénient significatifs pour l'environnement imposant à la société de déposer une demande d'autorisation, alors même que l'arrêté fait état d'une modification " substantielle " des conditions d'exploitation.

16. Par suite, et alors même qu'il n'est établi, ni même allégué que la demande présentée par la Société normande de nettoiement aurait pour effet de modifier les seuils quantitatifs et les critères fixés par arrêté du ministre chargé des installations classées, le préfet de l'Orne a pu régulièrement satisfaire à cette demande en prenant un simple arrêté complémentaire, sur le fondement de l'article R. 512-31 du code de l'environnement, sans exiger de la société qu'elle dépose une nouvelle demande d'autorisation.

En ce qui concerne la mise en demeure et le détournement de procédure :

17. La commune des Ventes-de-Bourse soutient que les manquements de l'exploitant aux prescriptions contenues dans l'arrêté initial interdisaient au préfet de prendre l'arrêté contesté qui impose de nouvelles prescriptions, qu'il était tenu de le mettre en demeure de les respecter en application du I. de l'article L. 171-8 du code de l'environnement et qu'il a dès lors entaché sa décision d'un détournement de procédure.

18. Il résulte des dispositions des articles R. 512-31 et R. 512-33 du code de l'environnement précité, que le préfet peut, postérieurement à la délivrance de l'autorisation, et à tout moment, imposer, par arrêté complémentaire, des prescriptions nouvelles. Si, en outre, en vertu de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, en cas d'inobservation des prescriptions qui lui ont été imposées, le préfet met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai déterminé et si, à l'expiration du délai imparti, il n'a pas été déféré à la mise en demeure, le préfet peut arrêter une ou plusieurs des sanctions administratives définies par cette disposition, les procédures prévues, d'une part, aux articles R. 512-31 et R. 512-33 et d'autre part, à l'article L. 171-8, ne sont pas exclusives l'une de l'autre. Par suite, la commune requérante n'est pas fondée à soutenir que les manquements supposés de l'exploitant à ses obligations empêchaient le préfet de prendre l'arrêté contesté. Par voie de conséquence, le moyen tiré du détournement de procédure doit également être écarté.

19. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que la commune des Ventes-de-Bourse n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

20. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de la requête à fin d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions de la commune des Ventes-de-Bourse à fin d'injonction ne peuvent donc qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

21. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la commune des Ventes-de-Bourse la somme que la Société normande de nettoiement demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par la commune des Ventes-de-Bourse soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune des Ventes-de-Bourse est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Société normande de nettoiement tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune des Ventes-de-Bourse, au ministre de la transition écologique et solidaire et à la Société normande de nettoiement.

Délibéré après l'audience du 5 mars 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Brisson, président-assesseur,

- M.A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 mars 2019.

Le rapporteur,

M. G...Le président,

A. PEREZ Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT01936


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01936
Date de la décision : 22/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : LANOY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-03-22;17nt01936 ?
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