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04/10/2019 | FRANCE | N°19NT01410

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 04 octobre 2019, 19NT01410


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... E... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 14 septembre 2018 par laquelle le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1804910 du 25 février 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête et des mémoires enregistrés les 10 avril, 26 juin et 30 juin 2019 sous le n° 19NT01410 M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour

:

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 25 février 2019 ;

2°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... E... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 14 septembre 2018 par laquelle le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1804910 du 25 février 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête et des mémoires enregistrés les 10 avril, 26 juin et 30 juin 2019 sous le n° 19NT01410 M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 25 février 2019 ;

2°) d'annuler la décision du préfet d'Ille-et-Vilaine du 14 septembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai d'un mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé et révèle un défaut d'examen de sa situation particulière ;

- c'est à tort que le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité au motif que la validité des pièces d'état civil produites à l'appui de sa demande n'était pas établie ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par des mémoires en défense enregistrés les 26 juin et 13 septembre 2019 le préfet d'Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

II - Par une requête et des mémoires enregistrés les 11 avril et 30 juin 2019 sous le n° 19NT01426 M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 1804910 du 25 février 2019 du tribunal administratif de Rennes.

Il soulève les mêmes moyens que dans l'instance n°19NT01410.

Par des mémoires en défense enregistrés les 26 juin et 13 septembre 2019 le préfet d'Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. E... ne sont pas fondés.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 2 mai 2019.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les observations de M. E....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant guinéen, est entré en France le 24 septembre 2006 sous couvert d'un visa étudiant. Il a bénéficié jusqu'en 2011 d'une carte de séjour en qualité d'étudiant. Il a demandé, le 30 juin 2016, un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français. Par une décision du 14 septembre 2018, le préfet d'Ille-et-Vilaine a rejeté sa demande au motif qu'il ne justifiait pas de son état civil par des documents probants. Sous le n° 19NT01410, M. E... relève appel du jugement du 25 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sous le n° 19NT01426, il sollicite le sursis à exécution de ce jugement. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes.

Sur la légalité de la décision du préfet d'Ille-et-Vilaine :

2. Aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". Selon l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de ce dernier article : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".

3. La force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

4. Il ressort des pièces du dossier que, par la décision contestée, et alors même que M. E... avait bénéficié pendant cinq ans d'une carte de séjour portant la mention " étudiant " pour laquelle il avait déjà justifié de son état civil, le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé toute force probante aux documents produits par l'intéressé à l'appui de sa demande de titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français, à savoir un jugement supplétif du 15 septembre 2016 et sa transcription sur le registre de l'état civil guinéen. Le préfet a en effet estimé que ces documents n'avaient pas été légalisés par le ministère des affaires étrangères guinéen, ainsi que le recommande une note des autorités guinéenne à la France de 2013, qu'ils portaient des dates rédigées en chiffres alors que le code civil guinéen prévoit une transcription des dates en lettres, et que le délai d'appel de dix jours n'avait pas été respecté entre le jugement supplétif et sa transcription sur le registre de l'état civil guinéen.

5. Toutefois, d'une part, il ressort d'une note des services de la police aux frontière du 1er décembre 2017 produite par le préfet d'Ille-et-Vilaine lui-même que la délivrance des documents d'état civil guinéens, qui ne sont ni centralisés ni numérisés, reste manuelle, " ce qui est source d'innombrables erreurs ", et que le délai d'appel de 10 jours " ne serait guère respecté par les autorités elles-mêmes ". Il en résulte que les irrégularités relevées par le préfet en ce qui concerne la transcription des dates et le non-respect du délai d'appel ne sauraient suffire à écarter la force probante des documents produits par M. E....

6. D'autre part, M. E... a produit en cours d'instance un nouveau jugement supplétif du 22 mai 2019 et sa transcription en date du 20 juin 2019 sur le registre de l'état civil guinéen. Ces documents, qui confirment les données de son état civil figurant sur son ancienne carte de séjour et sur les documents produits en 2016, ont été légalisés par le ministère des affaires étrangères de la République de Guinée selon les modalités prévues par la note diplomatique de 2013 évoquée au point 4 et par un diplomate de l'ambassade de la République de Guinée en France lequel, contrairement à ce que soutient le préfet, était habilité à les légaliser, ainsi qu'il ressort d'une attestation de cette ambassade établie à la demande de M. E... et dont l'authenticité n'est pas contestée. Par suite, et alors même que le jugement supplétif du 22 mai 2019 contiendrait des erreurs matérielles relatives à l'âge des témoins et ne mentionnerait pas le nom du représentant du Ministère public, ces nouvelles pièces doivent être regardées comme établissant et confirmant avec une force probante suffisante l'état civil de M. E.... C'est donc irrégulièrement que, par la décision contestée du 14 septembre 2018, le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé d'instruire la demande de titre de séjour de M. E... au motif qu'il ne justifiait pas de son état civil par des documents probants.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Eu égard au motif d'annulation retenu, et après avoir vérifié qu'aucun autre moyen opérant et fondé n'était susceptible d'être accueilli et d'avoir une influence sur la portée de l'injonction à prononcer, le présent arrêt implique seulement que, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, le préfet d'Ille-et-Vilaine réexamine la demande de titre de séjour présentée par M. E... et délivre à celui-ci un récépissé de demande de carte de séjour l'autorisant à travailler en application des dispositions des articles R. 311-4 à R. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'adresser au préfet d'Ille-et-Vilaine une injonction en ce sens et de fixer à deux mois le délai imparti pour son exécution.

Sur la requête n°19NT01426 :

9. Le présent arrêt statue sur la requête par laquelle M. E... a demandé l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 25 février 2019. Les conclusions de M. E... tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont donc devenues sans objet. Par conséquent, il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur les frais de l'instance :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser au conseil de M. E... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1804910 du tribunal administratif de Rennes en date du 25 février 2019 est annulé, ainsi que la décision du préfet d'Ille-et-Vilaine du 14 septembre 2018 refusant à M. E... la délivrance d'un titre de séjour.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 19NT01426.

Article 3 : Il est enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de réexaminer dans un délai de deux mois la demande de titre de séjour présentée par M. E... et de lui délivrer un récépissé de demande de carte de séjour.

Article 4 : L'Etat versera à Me D... la somme de 1 500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête n° 19NT01410 est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Mony, premier conseiller,

- M. B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 octobre 2019.

Le rapporteur

E. B...Le président

I. Perrot

Le greffier

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 19NT01410, 19NT01426


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01410
Date de la décision : 04/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SEMLALI NAWAL

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-10-04;19nt01410 ?
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