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18/10/2019 | FRANCE | N°18NT04068

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 18 octobre 2019, 18NT04068


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre les décisions du 26 septembre 2017 du consul de France à Addis-Abeba (Ethiopie) refusant la délivrance d'un visa de long séjour en qualité de membres de famille de réfugié à Mme D... et aux enfants, Yersalem, Betiel, Natnael et Merhawi.

Par un jugement n° 1804362 du 20 septembre 2018

, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision en tant qu'elle conc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre les décisions du 26 septembre 2017 du consul de France à Addis-Abeba (Ethiopie) refusant la délivrance d'un visa de long séjour en qualité de membres de famille de réfugié à Mme D... et aux enfants, Yersalem, Betiel, Natnael et Merhawi.

Par un jugement n° 1804362 du 20 septembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision en tant qu'elle concerne Mme D..., son épouse, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 novembre 2018, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté le

surplus des conclusions de sa demande concernant les enfants Yersalem, Betiel, Natnael et Merhaw.

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle concerne Yersalem, Betiel, Natnael et Merhaw ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur, à titre principal, de délivrer les visas sollicités, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen des demandes de visa, dans un délai d'un mois à compter de de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 800 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que le lien de filiation avec les enfants est établi et qu'il justifie de l'existence d'une situation de possession d'état.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que le moyen soulevé par M. C... n'est pas fondé.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 novembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant érythréen, s'est vu reconnaître, le 15 juillet 2016, la qualité de réfugié. Par des décisions du 26 septembre 2017, le consul de France à Addis-Abeba (Ethiopie) a refusé la délivrance d'un visa de long séjour en qualité de membres de famille de réfugié à Mme D... et aux enfants Yersalem, Betiel, Natnael et Merhawi. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours de M. C... contre les décisions du 26 septembre 2017. Par un jugement du 20 septembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. C..., la décision implicite de la commission de recours en tant qu'elle concerne Mme D..., et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. M. C... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande concernant les enfants Yersalem, Betiel, Natnael et Merhaw.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I.- Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / (...) 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. (...) II.- (...). Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil (...) peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. (...). ". Aux termes de l'article 311-1 du code civil : " La possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir./ Les principaux de ces faits sont : 1° Que cette personne a été traitée par celui ou ceux dont on la dit issue comme leur enfant et qu'elle-même les a traités comme son ou ses parents ; 2° Que ceux-ci ont, en cette qualité, pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation ; 3° Que cette personne est reconnue comme leur enfant, dans la société et par la famille (...); 5° Qu'elle porte le nom de celui ou ceux dont on la dit issue. ".

3. Pour justifier du lien de filiation avec les enfants Natnael, né le 19 juillet 2004, Merhawi, né le 27 mai 2007, et Yersalem et Betiel, nées le 10 septembre 2010, M. C... produit les certificats de baptême, portant le sceau de l'église orthodoxe Tewahedo, de chacun d'eux, qui permettent d'identifier la mère et le père de ces enfants. Il produit, également, une attestation du Haut-Commissariat aux réfugiés du 23 février 2017, établie au camp de réfugiés de Hitsats (Ethiopie). Cette attestation identifie la composition de la cellule familiale et comporte les photographies, les noms et dates de naissance des quatre enfants de Mme D..., ces enfants portant le nom de M. C.... L'authenticité de cette attestation n'est pas contestée par le ministre. En outre, l'intéressé, qui est entré en France le 29 mars 2016 et avait mentionné, dès 2016, dans sa déclaration à l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, être le père de ces enfants, verse au dossier les récépissés de quatre transferts d'argent effectués en 2017, antérieurement à la date de la décision contestée, et des captures d'écran d'un service de messagerie instantanée faisant état d'échanges antérieurs à cette même date. L'ensemble de ces éléments permet d'établir l'existence d'une situation de possession d'état. Par suite, en rejetant la demande de visas au motif que l'identité et le lien de filiation des enfants avec M. C... n'étaient pas établis, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a commis une erreur d'appréciation. Cette décision doit donc être annulée.

4. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté les conclusions de sa demande en tant qu'elle concerne les enfants Yersalem, Betiel, Natnael et Merhawi.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

5. Eu égard au motif qui le fonde, le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit fait droit à la demande de visas présentée pour les enfants Yersalem, Betiel, Natnael et Merhawi. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à cette délivrance dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

6. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, Me A..., son avocat, peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me A... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 20 septembre 2018 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande M. C... dirigées contre la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France en ce qu'elle refuse de délivrer les visas de long séjour sollicités aux enfants Yersalem, Betiel, Natnael et Merhawi.

Article 2 : La décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France est annulée en tant qu'elle refuse de délivrer les visas de long séjour sollicités aux enfants Yersalem, Betiel, Natnael et Merhawi.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer aux enfants Yersalem, Betiel, Natnael et Merhawi les visas de long séjour sollicités, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me A... une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme B..., présidente-assesseur,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 octobre 2019.

Le rapporteur,

C. B...Le président,

T. CELERIER

La greffière,

C. POPSE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT04068


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT04068
Date de la décision : 18/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : CABINET MARINE LARGY

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-10-18;18nt04068 ?
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